Sleep – The Sciences


Sans la moindre promo, ni même la moindre annonce (tout juste savait-on que le groupe était rentré en studio l’an dernier), Sleep a choisi de livrer ce 20 avril 2018 le successeur de Dopesmoker (presque 20 ans après), surprenant tout le monde en lâchant l’album complet en streaming sans que la moindre rumeur ne soit venue gâcher l’effet de surprise. Bien sûr on s’y attendait, l’annonce d’une tournée nous laissait bien supposer qu’un nouveau long format se préparait, mais Sleep a réussi son coup. D’un côté les fans de toujours, de l’autres celles et ceux que Sleep laissent indifférents depuis toujours ; tout le monde y va de son commentaire. Le trio est de retour, que cela soit dit haut et fort ! Mais que vaut ce retour ? Que peut-on attendre d’un groupe qui, en presque 20 ans, ne nous a proposé qu’un titre de 10 minutes (« The Clarity » en 2014, très bon au demeurant) ? Est-ce dans un vieux « pot » (attention, à partir de là je ne signale plus mes allusions à la drogue) que l’on fait la meilleure soupe ?

Au niveau des thèmes abordés, on a vite fait le tour. « Marijuanaut’s Theme« , deuxième plage de l’album (avec le son d’un bong en intro), résume le tout, avec des paroles assez tordues mais explicites : « Inhaler of the rifftree, Initiate burn, never to return » ou encore « Through the hashteroid fields » en passant par « Marijuanaut loads of a new bowl ». Bref, Sleep, tout en utilisant des métaphores ne se privent pas d’exposer clairement son thème et de développer ses idées. Sortir un album entièrement à la gloire de la weed un 20 avril (4-20 en anglais, je vous invite à rechercher la signification si vous ne la connaissez pas), qui plus est avec une pochette des plus explicites, voilà comment Sleep a choisi d’effectuer son retour sur le devant de la scène après des années d’attente. Aucune concession, mais pouvait-on en douter ?

Musicalement et avant d’entrer dans le détail, la référence est claire et nette. « Through Iommosphere », « Giza Butler », « on the Sabbath Day walks alone »… Black Sabbath est encore et toujours le moteur, la flamme qui allume le joint de nos comparses. Reste maintenant à savoir si l’herbe que nous propose Sleep est toujours aussi bonne et si « The Sciences » trouvera sa place aux côtés des mythiques Dospesmoker/Jerusalem et Sleep’s Holy Mountain.

Prenons en considération que pour ce nouvel album, les deux têtes pensantes du groupe ne sont plus les mêmes. Je ne vous parle pas d’un changement de line-up mais de Al Cineros qui entre temps a sorti un paquet de trucs avec Om (et un projet solo genre dub pas mal foutu) et de Matt Pike qui au sein de High on Fire aura lui aussi bien roulé sa bosse. J’ai envie de dire que ce nouveau Sleep, c’est tout cela à la fois. C’est le mythe du Sleep des années 90, le mystique de Om et la maîtrise de High on Fire. La quintessence même des origines du groupe et de l’histoire de ses membres fondateurs.

Matt Pike est au sommet de son art et de son inspiration. Les riffs, les soli, le choix des accords, du son, du rythme, tout y est. Les fans de Sleep retrouveront ce qui leur a permis de vivre leur premier trip, rien n’a changé. C’est planant, lourd, solide, brut. Al Cisneros avec sa basse accordée au plus bas accompagne, se cale en embuscade derrière la guitare et donne un relief supplémentaire qui vous prend aux tripes. Egalement au chant, il se rapproche de façon flagrante de ce qu’il a produit avec Om. Ce chant méditatif pour atteindre un état supérieur, hypnotique, un état second nécessaire pour goûter pleinement le sens de son récit. Jason Roeder, batteur du groupe depuis 2010 (et de Neurosis depuis toujours, excusez du peu) abat un boulot phénoménal. Impossible de le mettre en défaut, il n’est pas qu’un figurant qui marque le rythme en tapant sur ses futs. Il enrobe le tout avec un jeu varié et riche.

Les compositions sont réellement abouties et on sent que le tout a été peaufiné, travaillé tout en gardant un aspect naturel qui évite cette sensation d’avoir un produit de synthèse devant soi. Ecoutez le travail de la basse durant le solo de guitare sur « Marijuanaut’s Theme », ou encore les mille variations de batterie sur « Sonic Titan ». Rien n’a été laissé au hasard. A noter d’ailleurs que oui, « Sonic titan » est bien le même titre présent en live sur l’édition « discutable » de Dopesmoker sortie par Tee Pee Records, mais ralenti et ré-arrangé – il s’intègre d’ailleurs parfaitement au disque. Plus globalement, l’album se rapproche plutôt de Holy Mountain dans le sens où il est effectivement constitué de six chansons bien distinctes ; l’approche jusqu’au-boutiste (et exigeante) de Dopesmoker ne pouvant pas être dépassée, le trio s’est orienté vers quelque chose de plus « traditionnel » dans sa démarche (tout est relatif, bien sûr : vous aurez du mal à trouver des chansons intro-couplet-refrain-couplet-refrain…).

De fait, le trio livre avec « The Sciences » la quintessence de sa musique : il ne synthétise pas, il n’explore pas non plus de nouveaux territoires musicaux (ceux qui attendaient une version « moderne » de Sleep en seront pour leurs frais), mais propose un complément naturel, une nouvelle étape à la fois sans prétention et non discutable : Sleep se rappelle à notre souvenir et réaffirme à grands coups de riffs massue son statut référentiel dans le paysage musical actuel.

Sleep vient de sortir une pièce maîtresse qui devrait ravir les fans du groupe. Et pour celles et ceux qui n’ont jamais été réceptifs, je vous en conjure, écoutez ce disque. Plusieurs fois. Et sans forcément vous inciter à l’usage de psychotropes divers (pas notre genre…) recalez-vous sur un état de perception différent, plus ouvert, moins traditionnel peut-être, pour enfin mieux cerner l’approche du groupe. « The Sciences » est un excellent album, de bout en bout. 53 minutes de pur trip, montée et descente incluses. Le groupe fait montre d’une maîtrise totale de son sujet et apporte au Doom une nouvelle pièce incontournable.

 

Point Vinyle :
Third Man Records [ndlr : petit label indépendant créé par Jack White] propose un double vinyle (noir pour l’édition classique et vert pour l’édition limitée).
A noter la mise en vente dans un certain nombre de disquaires sélectionnés par le groupe aux USA et en Angleterre d’une version sur vinyles noir et vert (chaque disque est noir et vert, pas l’un noir et l’autre vert) avec pochette alternative limitée à 1000 exemplaires.

 

Note de Desert-Rock
   (9/10)

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