UP IN SMOKE 2014 – Jour 1 (Fu Manchu, Ufomammut, Blues Pills…) – 3 octobre 2014 – Pratteln (Suisse)

Après une édition 2013 de toute grande classe, l’équipe de Desert-Rock n’allait pas manquer le Up In Smoke nouveau qui reprenait ses quartiers au Z7 de Pratteln dans la banlieue de la partie suisse de Bâle. Idéalement située à la conjonction de trois pays, la cité rhénane a non seulement attiré une horde de rockers venus en voisins de Suisse, de France et d’Allemagne, mais aussi des fans de stoner ayant effectué le déplacement depuis des régions plus éloignées de la Vieille Europe.

Le coup d’essai de l’an passé ayant été concluant, les organisateurs avaient carrément doublé la mise en planifiant l’événement sur deux jours. De notre côté, nous avons aussi renforcé notre représentation et c’est donc 3 rédacteurs qui se sont rendus au centre du continent pour se gaver de concerts d’excellente facture.

Après quelques étreintes et high five, nous avons pris nos quartiers dans l’hôtel sis à 400 mètres de la salle, lequel servait de hub à la plupart des participants à ce magnifique raout, et avons pointé nos faciès du côté des portes alors que la zone industrielle malodorante où se situe la salle était réchauffée d’un agréable soleil automnal. Nous avons très rapidement croisé des connaissances et tapé la discussion en couvrant la faible distance séparant nos pénates des scènes du festival.

PHASED

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Avec quelques minutes de retard, comme quoi ça arrive aussi en Suisse, nous pénétrons (les premiers) dans le périmètre du festival qui a quelque peu évolué depuis l’an passé. La principale modification étant l’installation, sous une tente, de la Side Stage qui devient donc une scène à part entière sise hors de la salle entre l’entrée, les stands de (mal)bouffe et les tables pour desert-rockers fatigués. C’est sur cette scène de taille fort convenable que nous voyons évoluer la première formation de la journée : Phased. C’est les régionaux de l’étape, quoiqu’avec deux tiers du groupe d’origine scandinave on nage plutôt dans la Grand Europe, et ils ont leur public. Ça échange pas mal avec les premiers rangs même si nous ne sommes encore que quelques poignées de spectateurs dans la place. Le trio a visiblement des fans dans les parages et, vu la discographie impressionnante qu’ils ont déjà alignée depuis la fin des années 90, nous ne sommes pas vraiment étonnés. Au passage, nous notons que même des labels phares du style ont sorti certaines de leurs plaques. Bref ça envoie plutôt bien dans un registre lourd et lent dans la plus pure tradition du doom. Les rasés avaient une demi-heure pour convaincre et c’est chose faite. Les fans de combos alignant des compositions doom rock aux relents psychédéliques sont aux anges. Ca débute bien se dit-on !

INTERCOSTAL

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Après un groupe originaire du lieu et du pays des vikings, on tape dans le national avec les Genevois d’Intercostal. Rompu aux exercices scéniques non seulement avec leurs formations parallèles ou passées, mais aussi avec cette structure, le quatuor est à l’aise sur la scène principale de cette manifestation. Les rédacteurs de ces pages virtuelles avaient déjà eu le plaisir d’admirer cette formation plusieurs fois depuis 2009 où ils avaient ouvert pour Acid King à l’Usine de Genève et presqu’à chaque fois des éléments la constituant avaient changé, mais à chaque fois aussi le plaisir était présent tant ce groupe est fantastique sur scène. Cette fois, c’est un nouveau batteur qu’il nous a été donné d’apprécier pour sa première représentation avec cette formation. Le garçon a du métier et les trois ou quatre répétitions faites en commun ont porté leurs fruits : Intercostal est au top et le public qui commence à affluer dans la salle bâloise ne s’en retourne pas descendre des bières dehors à l’extérieur : il demeure à l’intérieur et ne boude pas son plaisir en se régalant d’un show court (trente minutes), mais intense qui fait furieusement bouger la nuque et taper le pied au sol. Débuté avec des titres récents incluant des parties vocales délivrées par deux hurleurs, le set s’aventure pour sa deuxième partie dans les terres instrumentales que le groupe explorait à ses débuts sans chant sur des tempi frénétiques. L’univers musical à la fois lourd, trépidant et technique que déploie Intercostal les rapproche musicalement de Karma To Burn avec une bonne grosse d’influences de la scène de NOLA ; c’est un peu l’équivalent francophone de Superjoint Ritual et c’est carrément le panard. Terminant leur show les bras – pour la plupart tatoués – en l’air, le poing fermé et avec une corde de guitare en moins (qui n’entacha en rien le dernier titre envoyé à toute vitesse), les Suisses ont le sourire aux lèvres : ils savent qu’ils ont acquis à leur cause de nouveaux fans et c’est entièrement mérité.

WARDHILL

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Après une première salve de la scène genevoise, il est temps de passer à la seconde de la journée cette fois-ci à l’extérieur alors que le soleil brille encore un peu à l’ombre des cheminées de la chimie régionale. Wardhill, que les romands auront déjà pu apprécié entre autres en première partie de Vista Chino, prend place sur la Side Stage pour une petite demi-heure de sludge qui tâche grave. Le trio a la lourde tâche d’animer l’extérieur du festival à l’heure où les quidams alignent les bières et les saucisses qui font la réputation gastronomique du nord de la Suisse et du sud de l’Allemagne ; les gastronomes repartiront d’ici sur leur faim, les épicuriens du stoner rassasiés ! Nos amis s’en sortent plutôt pas mal et les aficionados de groupes dans la veine d’Eyehategod s’en tapent une bonne tranche alors que les plus hippies parmi les spectateurs s’interrogent sur les raisons de leur venue à cet Up In Smoke ; leur heure viendra et en attendant on s’amuse bien durant le show épais délivré par ces romands qui pratiquent un style propice à animer la horde de nombreux représentant de la secte des  metalleux qui sont dans la place.

THE VINTAGE CARAVAN

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Le trio s’installe sur la grande scène et va nous prouver, en ce début de festival, qu’un musicien peut utiliser tout son corps pour s’exprimer. Le duo Oskar/Alexander/guitare/basse court, saute, Truckfighterise le plateau et délivre un rock classique, un peu hard, un peu blues mais sans vraiment d’innovations. La technique des trois lascars est sans faille, ça joue vite, ça joue juste. Ils ont beau être jeunes et blonds, le groupe a déjà de belles années de riffs derrière lui et ils ont le mérite de réveiller le public. Mais quelque chose nous chagrine et nous surprenons une pinte de bière pour certains et un soda pour d’autres s’acoquiner à nos mains gauches. A l’image des quelques poses christiques du leader, on sent le groupe plus dans la représentation que l’interprétation ce qui empêche de se concentrer sur les compositions du combo. A revoir dans un endroit plus petit, histoire de se faire une idée plus précise.

CONAN

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On reste dans l’insulaire pour le groupe suivant. On avait quitté les anglais de Conan sous la Valley du Hellfest, occupés qu’ils étaient à exploser les carotides à coup de doom crasseux et beuglard. C’est donc les mains autour du cou que nous attendons une nouvelle correction rustre des grands-britons. La recette est connue maintenant : sweats à capuches noirs, accordages spéléologiques, luettes conquérantes et postillons rageux patinent le set d’une couche suintante de saindoom. Les trois premiers titres sont les mêmes qu’à Clisson. La zic des anglais est tellurique profitant à merveille des subs de la petite scène. Le nouveau batteur assure bien, son jeu groove et met en place les soubresauts sexy nécessaires pour laisser les longues plages métalliques et cathartiques nous plonger dans un état de petite mort. L’impact est le même. Cependant à la faveur des 50 min de concert (30 min au Hellfest), la formule s’essouffle un peu sur la durée. Le set mériterait, à notre sens, un vrai travail scénographique, afin de pousser l’auditoire au plus profond de l’imaginaire que grave au burin le doom des anglais. Par ailleurs, le son très particulier du trio qui décuple sa puissance sur disque ne se retrouve toujours pas parfaitement retranscrit en live. Gageons que lorsque ce sera complètement le cas et que la machine de guerre sera bien huilée, le groupe ne fera pas de quartiers. Mais pas le temps de respirer des oreilles que le sud de l’Europe s’apprête à nous administrer une mornifle qu’on n’oubliera pas de sitôt…

UFOMAMMUT

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15 ans. 15 ans que le trio tricote un doom/sludge/psyché, 15 ans que le groupe érige un immense et brumeux mur d’Hadrien autour de l’Italie. Ce soir, ils ont habillé la main-stage de l’Up in Smoke d’un rouge sanguin et profond, d’une ambiance poisseuse doublée de vidéos miroirs projetées en fond de scène. Et l’on change clairement de braquet à ce moment du festival. Le son est aussi énorme que les joues des zicos sont poilues. Si Richter avait connu Ufomammut il aurait rajouté un échelon à son échelle tellement le trio fait trembler le Z7. La gestion des boucles d’effets et de nappes synthétiques tissent un immense champ d’appui pour que la quatre et  la six cordes explorent toutes les facettes de leurs discussions. Il y a une cohérence effrayante entre ces riffs et ces breaks de batterie, une violence inouïe aussi dans chaque note jouée par Urlo, le bassiste. Mais ce soir, nous n’écoutons pas le Ufomammut période Eve, influencé par Pink Floyd, non. Ce soir, leur sludge est clairement sale, violent, dégueulasse, période Oro. Chaque titre est martelé à chaud, chaque instant binaire est souillé de contrepoints vicelards, de frappes ternaires. Le trio explose littéralement les esprits en ralentissant dangereusement le tempo. Nous nous prenons leur live dans la tronche, nous ressentons cette lourdeur au plus profond de nos vésicules biliaires. Ufomammut vient juste de trouver le point de rupture entre l’équilibre et le chaos. Vu le nombre de nuques brisées qui jonchent le sol, les italiens peuvent quitter la scène avec la satisfaction du devoir accompli.

FU MANCHU

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Quand les quatre gaillards de Fu Manchu montent sur scène et s’emparent de leurs instruments, l’excitation dans la salle est palpable, et l’on sait que l’on a sous les yeux la vraie tête d’affiche de la journée. A partir de là, les californiens n’ont qu’une ligne dans leur cahier des charges pour ce soir : assurer, ne pas décevoir. C’est donc avec une certaine facilité que le set commence par un bon gros « Eatin’ Dust » , son bon gros riff bien heavy préparant le terrain pour la première déflagration, sous la forme du classique « Hell on Wheels », qui donne la banane à tout le public. Sur scène, tout le monde est au taquet. Scott Hill est impeccable, déchaîné de la première à la dernière minute, il assure ses vocaux et ses lignes de gratte sans faillir. La communication avec le public passe par quelques échanges mais surtout par un véritable pont électrique invisible qui relie pendant environ une heure et quart les centaines de headbangers et slammers avec les quatre fuzz-surfers. Le groupe glissera trois nouvelles compos dans son set, qui fonctionnent bien en live (dont le presque punk-rock « Invaders on my Back » et le très efficace « Dimension Shifter »). Mais pour le reste, rien de vraiment récent à se mettre sous la dent, avec une set list old school, dont l’album le plus récent représenté ce soir est King Of The Road, qui date de 2000 ! Les fans de California Crossing ou des trois autres LP qui lui ont succédé devront se faire une raison : ce soir, c’est que des classiques ! Même les mid-tempo groovy (putain d’enchaînement « The Falcon has landed »/ « Boogie van ») mettent le feu… Le sprint final approche, moment bienvenu pour dégoupiller les dernières grenades fuzzées : « Evil Eye » d’abord (qui voit Bob Balch (ab)user frénétiquement de sa wah-wah pour le plus grand bonheur des premiers rangs, devenus incandescents), puis « King of the Road », évidemment. Le Fu ressort de ses cartons un bon vieux « Push Button Magic » rarement entendu en live, aux passages planants fort bienvenus qui mènent au tout aussi trippant « Saturn III », qui clôture en douceur un set mené de main de maître… On attendait le combo exactement sur ce terrain, on imaginait qu’ils étaient capables de jouer à ce niveau dans un bon jour, et on n’a pas été déçus : ils ont été au rendez-vous, et ont même surpassé nos attentes de fanboys. Les vieux roublards. Ils sont revenus et ils frappent forts !

BLUES PILLS

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Elle est là, devant nous, la « hype » de cette stoner année. Personne n’a pu passer à côté de ce nom ces derniers temps, présent sur toutes les grosses affiches, dans tous les gros festival de cette musique que nous affectionnons. Les pilules bleues sont là, devant nous, public énamouré ou curieux, impatient et connaisseur, et elles vont devoir assurer après le typhon Fu-Manchu qui s’est abattu avant eux (et qui a emporté une part du public avec lui, même si la salle est loin d’être vide). Elin « Janis » Larsson l’annonce elle-même, consciente de la tâche qui les attend. C’est donc avec « High class woman» que le groupe se charge d’ouvrir les hostilités. C’est en place, carré, l’arrivée de André Kvarnström, ex-batteur de Truckfighters, derrière les fûts ajoute un surplus de niaque à l’ensemble. Techniquement, ça déroule sec. Vu les zicos aux commandes, c’est du délié 5 étoiles qui accompagne la voix puissante et chaude de la chanteuse. « No hope left for me », « Bliss », « Devil Man » bien sûr. Le set déroule avec cette impression de malaise cependant. Le jeu de scène figé, le peu de communication entre les musiciens, la guitare solo bien timide là où elle devrait être brutale, il nous manque quelque chose pour que le  blues-rock du groupe nous retourne les tripes ; de la sueur certainement, un peu plus de sincérité aussi, peut-être. Nous n’avons pas adhéré à l’ensemble mais le public semble aux anges. C’est bien là l’essentiel pour clore cette première journée, un public heureux.

L’Up in Smoke peut boire ses dernières bières au son d’un DJ puis dérouler ses sacs de couchages au sol, reposer ses sourdes et bourdonnantes oreilles et ainsi se préparer à la furie du lendemain.

(A SUIVRE…)

Flaux, Chris (et Laurent)

2 commentaires 
  • William HERTZ

    Belle chronique du 1er jour avec cependant quelques petits bémols !!
    vous avez certainement raté la vente de délicieuses pâtes à la sauce pesto au stand de (mal)bouffe !! et puis s’agissant de la chronique de BLUES PILLS, dont je doute fort de l’objectivité (lol), je dirais, pour leur défense, que, 1°) c’est justement dans ce style de musique, que la sobriété et la retenue du jeu de guitare, doivent prévaloir et non la brutalité !! 2°) que la chaleur et les vibes dégagés par la voix d’Elin, se suffisent à eux-même et 3°) que le succès « commercial » du groupe tient en premier lieu à son talent indiscutable (pour ses fans en tout cas !!) et qu’il mérite allégrement sa place d’Headliner, devant un FU MANCHU vieillissant et un peu mou en début de concert ! (nettement plus tonique sur les derniers morceaux !) le public de BLUES PILLS ne semblait « aux anges », il l’était tout simplement !! maintenant, ce n’est que mon humble avis !! la parole est, à présent, à l’accusation ….

  • Concernant Blues Pills, mon avis serait bien plus dur que ceux de la rédac de desert rock. Pour le reste des lives, je suis assez d’accord avec leur vision d’ensemble. J’ajouterais que The Vintage Caravan devrait arrêter de faire leur répet devant un mirroir. Et même si le Fu est vieillissant, il est, de par son histoire, le réel headliner de la soirée. Selon moi. Quant au pesto industriel, je pense que nous n’avons pas tous la même vision de la gastronomie. Mais le meilleur est à venir. Lacez bien vos chaussures pour la suite des aventures.

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