BLIZZARD MOUNTAIN’S FEST (Naam, Mars Red Sky, Loading Data, …) – 2 et 3 octobre 2014 – Barberaz

DAY ONE

Ce soir, rendez-vous au Brin de Zinc, poumon électrique de la scène rock et indépendante sur le bassin chambérien en ces années de disette  budgétaire. En effet, ce ne sont pas les groupes qui manquent dans le coin, (et pas des plus mauvais, qu’on se le dise), ni les assos de motivés d’ailleurs. Mais coté lieux sympas, faut l’dire, c’est un peu la pénurie… Sauf du coté de Barberaz où le Brin de Zinc assure le ravitaillement, grâce à une prog sans faille et régulière, un accueil chaleureux et une salle intimiste permettant un son aux petits oignons.

Ce soir donc, disais-je, rendez-vous au Brin de Zinc, car c’est en ce vendredi du second jour d’octobre que Are You Stoned INC. a décidé de venir planter sa bannière et tenir sa Grande Messe Locale du Son Lourd. Après un warm up Lyonnais la veille assuré par Goatfather, Enlarge Your Monster et les grecs de Planet Of Zeus, les membres du gang sont au pied levé pour assurer l’accueil et l’ambiance. Une ambiance déjà au poil alors que le premier groupe en est à peine à se réchauffer l’âme à coup de bonne bière avant d’ouvrir le bal. Devant la salle il fait bon, ça discute, ça se rencontre, ça se retrouve, ça échange… et cette bonne ambiance ne quittera pas le fest tout du long des deux soirs que durera l’événement. Sur le coté, Jo Riou a posé son stand de graphic designer rock/stoner psychédélique, et nous fait profiter de sa production d’affiches de concerts fuzzy, ainsi que d’un curieux et frais livre de recette de cuisine rock. Parfois, quelques riffs résonneront du coté du stand de Sentenza Handmade Sound, venu spécialement du sud lointain pour nous faire la démo, gratte et ampli en libre accès à l’appui, de ses pédales d’effet fuzz/crunch Davaï, GingerBread et Acid Bazarus.

Pas le temps pour moi de finir de tester ce vieux riff de Truckfighter en montant un peu le sustain et en switchant le bidule mystérieux entre le volume et le gain que les premiers coups de baguette de Buddy & Chief nous annoncent le lever de rideau. Les chambériens nous viennent de l’excellent et plus sage Os Drongos ; Buddy & Chief permet à Samy et Nico d’exulter leurs besoins de sauvagerie et de délires psychés. Leur complicité éclate sur scène ; les deux sont là pour se lâcher, c’est évident, et on en profite à fond ! Il en sort un show punk/rock 70’s déglingué à la sauce psychédélique particulièrement efficace, et d’autant plus brillant que l’avalanche de décibels survitaminés et de nappes tourbillonnantes se passe totalement et avec succès de guitare. Chief, le batteur, est une vrai pile sur pattes, et affiche tout du long un sourire grand comme ça, dominant une batterie explosive et speedée. La basse vient assurer le remplissage de la quasi-totalité du spectre sonore restant, à grands renforts de gain poussé dans ses derniers retranchements ; Buddy joue sur l’ensemble de ses quatre cordes, et n’a pas peur de plaquer de gros accords dans ses rythmiques, exercice parfois périlleux en terme de rendu sonore. Mais l’ensemble bordélique tient la route à merveille, et laisse juste assez de place dans le fond pour une voix rock psyché à la Stone roses, ultra réverbée et planante. On discerne dans ce cirque quelques reprises boostées au gros son, tel le « No Fun » d’Iggy Pop. Mais les bougres ont visiblement choisi l’option no-limit, et le concert prend parfois des accents de groove primussien, puis passe soudain par une batucada inattendue, rebondit sur une shoegaze gavée d’hormones de croissance pour frôler parfois les limites du bruitisme saturé, mais toujours rythmé. L’acolyte Bastien vient rejoindre le duo pour un final aussi absurde que réussi, entre sciage de bûche sur scène (le technicien plateau a apprécié les copeaux) et solo de congas à l’Opinel. On pourrait croire que cette avalanche de genres n’aurait pas sa place dans un festival orienté stoner, mais le fait est que l’ensemble est paradoxalement cohérent, car tenu par une ambiance 70’s et les délires (pas toujours audibles, mais le ton suffit) de Buddy, faux rigolo et vrai rockstar. Une excellente entrée en matière pour cette soirée, une découverte fraîche et bienvenue pour ma part, un groupe à revoir sans hésitation !

blizzard-loading2(Loading Data)

Le Brin de Zinc ainsi réchauffé est prêt pour accueillir Loading Data dans une nouvelle formation, puisque en effet Hervé vient de rejoindre le groupe à la batterie ; pour le meilleur, si l’on en juge de ce deuxième concert où il s’est donné à fond, amenant au groupe un niveau de patate supplémentaire, lui qui n’en manquait déjà pas malgré ses rythmiques mid tempo. Ainsi, si l’on pouvait regretter dans la première moitié du concert un volume des voix des choristes trop bas pour en profiter – problème finalement réglé au bout de quelques morceaux – c’est à un sans faute en terme de performance musicale et de goût que l’on a assisté. Le style Robot-rock largement inspiré de QOTSA fait mouche, emporté par des riffs ciselés, lourds, carrés et groovants à la foi, entrecoupés de quelques explosions de gros stoner lié et percutant. La voix de Lo est toujours aussi incroyable : grave, ronde, profonde, au ton parfaitement maîtrisé, une vraie voix de rock’n’roll comme on en entend plus. C’est l’alliance d’une véritable science du tube et de cette voix incroyable qui fait de Loading Data un groupe à l’identité bien marquée, à même de chasser sur les terres des géants du désert de palme californien sans rougir de la comparaison. Les tubes, parlons-en : ça sent la sueur, le whisky, les bagnoles, les stations services désaffectées, le sexe et les cœurs brisés. Les pionniers du Robot-rock/stoner hexagonal nous ont servi un plateau bien garni du meilleur de leurs deux derniers albums, dont les tubes toujours aussi ultra-efficaces  « Give the Rat a Name », « Double Disco Animal Style », « Circus Blues » ou encore « Do it on the Beach ». Ici, on peut véritablement parler de chansons plus que de morceaux, les refrains restent dans les têtes et racontent des histoires, un point bienvenu dans une scène dominée par l’approche progressive des compositions. Le groupe déroule son set sans faute, et nous fait même bouger l’arrière train avec son morceau « Voodoo », nous qui commencions à avoir mal à la nuque. La bassiste assure la rythmique et le jeu scénique, le gratteux est en grande forme pour nous lâcher des riffs lancinants qui augmentent la température de quelques degrés. Que demander de plus, alors ? Un autre concert, très bientôt, avec le même charme et la même énergie !

 blizzard-loading1(Loading Data)

A peine le temps de souffler et de prendre ma dose d’air et de nicotine, que voilà les psychonautes de Naam (Brooklyn/NY/USA) qui enchaînent le spectacle, pour la seule date française de leur tournée européenne. Et quel spectacle ! Qui commence pourtant sur une note négative : soit les cocos savent faire monter la pression, soit la clope m’a fait sortir de l’ambiance, soit le son a mis du temps à se régler (je penche pour un mélange des trois), mais le premier morceau a peiné à me dérouiller les ouïes, le clavier semblant notamment difficile à distinguer des autres instruments. Mauvaise impression vite dissipée, léger malaise pré-décollage, peu importe, le clavier se détache enfin du reste de la masse sonore, le rythme se fait plus fluide, plus soutenu. L’acide monte, la gratte choppe un gros flanger, la basse envoie du lourd grâce à un gros son ronflant, ça y est c’est parti, Naam nous emmène dans l’espace. Miam ! La sauce prend, et Naam se permet même de faire transiter son stoner spacey vintage par des passages speedées à l’ancienne, sorte de Deep Purple sous vitamine C, ce qui ravit votre serviteur. La barbe du bassiste tournoie dans les airs, le batteur ne peut garder son sérieux de façade dans les rythmiques les plus éclatantes et sourit à pleines dents, et même Johnny « fingers », le clavier, ce soir au style brooklyn prononcé (chemise serrée au col, caquette, grosses lunettes noires, pense aux Beastie Boys !) commence à se laisser porter par ses propres nappes sonores. Mais tout cela n’était qu’un avant goût, et le talent du groupe éclate soudain sur « Starchild », le morceau titre de leur second EP. Et c’est là que l’on se rend compte de la claque musicale que l’on va prendre. Le chant incantatoire plein de réverb du chanteur/gratteux aux allures christiques nous transporte, l’esprit commence à se laisser porter et à suivre les claviers aériens, tandis que le corps se laisse violenter par les coups combinés de la section rythmique, la basse lourdement fuzzée faisant office de bélier prêt à défoncer toutes les portes de la perception ; l’expérience était résolument mystique, et cette impression de prendre part à un rituel spacial et violent est restée jusqu’au bout du set, y compris dans des passages plus modernement tranchants, venant nous rappeler que nous sommes bien en 2014, sur terre. Autour de moi, ceux qui tournent au jus d’orange headbanguent en souriant, les bourrés à la bonne bière en sont à prier la lune, et les stoneheads sont perdus dans les limbes, bave aux lèvres. Pas de doute, Naam nous a emportés loin… Après un rappel majestueux et cosmique, Le clavier s’occupe de la réception post atterrissage, en nous laissant avec une ritournelle d’orgue vintage ambiance pub des 50′, histoire de nous dire allez rigole un coup mec, reviens sur terre, prend une bière.

blizzard-naam(Naam)

 

Ce que je m’empresse de faire donc, histoire de capter encore un peu de l’ambiance du lieu, avant de regagner mes pénates. Demain, le Blizzard Mountain’s Fest continue, il nous faut garder encore un peu d’énergie…

 

 

DAY TWO

 

Seconde journée du fest, encore plus d’occasions de s’en mettre plein les oreilles. Je retourne sur les lieux du crime, il paraît que c’est le truc à pas faire. Raté, j’aurai du y retourner plus tôt pour voir l’intégralité du set des Space Fisters, mais un imprévu m’a retenu en fin de journée, me faisant rater le début du concert. Rage, désespoir, clope, est-ce l’histoire d’une rencontre qui n’aura jamais vraiment lieu qui commence entre moi et ce groupe ? Ratés de peu au Sylak, ratés en partie ce soir, et jamais deux sans trois, je me méfierai de la prochaine fois. Car elle aura lieu j’en suis sûr, vu que le peu auquel j’ai pu assisté ne l’était pas du tout, raté, bien au contraire. Les fisters sont en forme, et balancent du bon stoner moderne ultra efficace, enchaînant des riffs cosmiques, rocailleux ou métalliques qui viennent irrémédiablement s’écraser dans du heavy stoner monocorde (de mi !), ultra lourd et saturé, tout ce que j’aime, quoi… Les gars d’Annemasse, Genève et Chambéry font réellement plaisir à voir, on sent les potes qui s’éclatent, et ça déteint mécaniquement sur le public. L’ensemble tient bien la route, la batterie est puissante et groove bien comme il faut. Le bassiste/chanteur est à fond, la basse est à l’honneur, bien mise en avant par une grosse saturation combinée avec du fuzz qui termine de remplir l’espace sonore. Rien a voir avec ce que l’on peut entendre sur les vidéos de studio que les fisters ont récemment mis en ligne (où le son est déjà bon, checkez donc ça sur leur facedebouk), ici la basse est plus proche d’un son à la Om, qui racle bien dans tous les coins, mais sans tomber dans le sombre et le froid ; les mélodies sont toujours pleines de chaleur violente, c’est plutôt autour du soleil que le groupe nous pose en orbite, en saupoudrant le tout d’une guitare  pleine d’effets spécieux et spaciaux. Bien sûr, le public est présent pour supporter les locaux. Space Fister est définitivement une affaire à suivre, qu’on se le dise.

 

A peine le temps de me lamenter d’un concert trop court auprès de mes compagnons plus ponctuels, que l’on enchaîne direct sur Libido Fuzz, qui nous vient de la lointaine cité bordelaise. Ce soir, ça commence bien, le groupe accueille Rory comme nouveau bassiste, celui-ci ayant intégré le groupe il y a à peine quatre jours. Pas une fausse note durant tout le concert, gardez-le les gars ! Si il y avait eu un couac, sûr qu’on l’aurait entendu, tant le son de Libido Fuzz est clair, lisible. Les instruments ne s’emmêlent pas les uns les autres, fait rare dans ce genre de concert. La section rythmique fait tourner ses plans groove, laissant toute latitude à la guitare pour s’exprimer, et mettre en avant  des riffs hendrixiens certes classiques mais exécutés d’une main de maître. On a droit à une vrai démo de tout ce qui à fait le succès de ce type de son, y compris et surtout en termes d’effets ; oscillator, flanger, wah, tremolo, octaver et même modélisation de sitar, tout y passe, le gratteux fait miauler son instrument et maîtrise son pedal board avec une aisance remarquable. Mais en plus, c’est qu’il chante en même temps le bougre ! Une voie légèrement diablotine, pleine d’injonctions à se bouger le derrière, bien présente donc, avec juste ce qu’il faut de reverb pour faire sonner tout ça. Excès de matos ou faute à pas d’bol, la gratte décroche soudain au troisième morceau et requiert l’intervention du technicien plateau (qui n’est pas un régisseur, bon dieu !… il y tient). Mais les bordelais ne se laissent pas démonter pour autant, la section rythmique fait tourner son groove, le public encourage le tout en clappant, et au final le problème est vite réglé et vite oublié. On retourne vers du fuzz hendrixien, agrémenté de quelques passages stoner/blues bien heavy, qui permettent de montrer tout de même que la batterie en à dans les bras. Un chouette concert sans fausse note au final, même si l’on peut regretter un unique fond vidéo psychédélique qui gagnerait à être retravaillé en terme de définition, ou d’en varier un brin de temps en temps. Le public suit, réagit, ça bounce devant comme derrière et l’on apprécie la performance. Reste une petite impression que la formule pourrai être parfaite en y ajoutant un zeste de folie supplémentaire, pour trancher avec le coté classique proche de ses origines 70′. Autant de fuzz, et encore un poil plus de libido quoi. Mais bon, je pinaille, c’était vraiment cool, hein !

blizzard-poster

Et puisqu’à toute chose il faut une fin, est venu le temps pour nous de communier avec le dernier groupe du fest (sniff, déjà?), qui nous à donné rendez-vous sur sa base de lancement, direction le ciel rouge de mars. Mars Red sky commence fort par un tube, le premier morceau de la fournée 2013, j’ai nommé « Be My Guide » et son chant lancinant, suivi de sa ritournelle de guitare immédiatement reconnaissable. Le groupe nous propose un son hyper psyché, un slow rock aux mélodies toutes en chambre d’écho. La basse assure lourdeur et saturation, son son est groovant, ronflant, chaud et fuzzy à souhait. La science du riff mid tempo fonctionne à plein tubes, et les bordelais n’oublient pas de nous décrocher la nuque avec quelques passages très heavy stoner de rigueur. Là encore, si la basse assure toute la base rythmique et mélodique, la guitare est paradoxalement mise en avant par des plans aigus pleins de flanger, de wah et d’autres effets savamment dosés et propres. La voix de Julien, elle, est toute particulière : planante et reverbée à donf, peut-être un brin nazillarde, lunaire (dans un registre à la Thom York !?), elle ne peut laisser indifférent. Pour parfaire le voyage sensoriel, Mars Red Sky nous gratifie d’un visuel pertinent projeté en fond de salle. Vidéos mystérieuses tout en nuance de gris, on passe du trip science vintage à des paysages sauvages, des couloirs industriels à des images d’archives des balbutiements de l’informatique, d’un vol spatial à des visions mythologiques… et même d’une fête foraine à des documentaires 50’s de l’armée américaine sur les retombées radioactives.  Le mixage est bon, le son envoûtant, je me surprends même à penser à du bon vieux Pink Floyd (du bon, hein), quand les accents se font plus légers, que le rythme se ralentit encore plus. Et au fond de cette immensité froide et spacey dans laquelle le groupe nous embarque, on sent même, au beau milieu du concert, un petit vent chaud, un peu de sable du désert qui se faufile dans les engrenages du monde industriel en perdition dépeint par Mars Red Sky. Grain d’espoir, poussière fantasmée, la rythmique nous emmène vers des contrées plus connues des fans de la Palm Valley, un décor toujours aussi désolé mais plus terre à terre. La force du stoner, c’est aussi les images qu’il évoque, et les bordelais savent indéniablement manier leur narration. Le public est ravi, transporté, stoned. Le final est grandiose, Mars Red Sky appelle tout simplement au déchaînement des forces telluriques, avec une musique puissante sur fond d’explosions volcaniques et de coulées de laves.

Que les volcans de mars se réveillent et déversent leur torrents de lave jusque sur terre. Si ils pouvaient épargner le Brin de Zinc, ça serait sympa, Chambéry a besoin de lieux comme celui-ci. Le concert fini nous laisse un brin d’amertume, mince, déjà ? Mais le lieu est propice aux discussions, aux rencontres, aux échanges de critiques et aux dernières binouzes avant extinction des feux, et c’est avec plaisir que j’ai pu rencontrer d’autres membres de l’asso, visiblement ravis de l’ambiance chaleureuse qui n’a pas dépareillé tout du long de ces deux soirs.

Pari réussi donc, pour cette deuxième fournée du Blizzard Mountain Fest. Il est temps de rentrer pour méditer tout cela, en prenant au passage note des prochains rendez-vous. C’est qu’il faut les suivre, les bougres ; ils reviendront retourner le Brin de Zinc en rameutant une pleine boite de Spermicide début novembre, bref on a pas fini d’entendre parler d’eux.

 

Rafou

Photos : Lionel Fraix (http://www.lionelfraixphoto.com)

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