DESERTFEST BERLIN, Jour 3, 27 avril 2013, Berlin, Allemagne

[Aurelio Deville, qui a peint une fresque spéciale Desertfest pendant deux jours]

La traditionnelle visite culturelle du matin achevée, nous pointons à nouveau nos groins du côté de l’Astra pour la dernière journée de ce festival qui aura tenu toutes ses promesses jusque là. Les points de restauration rapide étant légion dans le Kreuzberg, le binôme de desert-rock.com est en pleine forme pour attaquer la dernière pièce du triptyque désertique de Berlin millésime 2013. Le temps est maussade, mais le public désormais coutumier des lieux se pointe assez tôt pour profiter un maximum de cet ultime acte qui va ravir les fans de Black Sabbath.

[1000 MODS]

On débute une nouvelle fois par la scène du Foyer avec une formation du Vieux-Continent car c’est aux Grecs de 1000 MODS qu’il revient l’insigne honneur d’ouvrir cette soirée. Les instruments à cordes en bout de course de la strap, le quatuor annonce d’entrée de jeu la couleur en assénant un premier titre de heavy rock bien gras et bien inspiré par la bande à Iommi. Le public hoche du chef, les titres se succèdent de manière cohérente sans taper dans le redondant et on se surprend rapidement à sourire béatement car cette formation est énorme sur scène. L’atmosphère intimiste de la salle pavanée de manière psychédélique apporte ce petit quelque chose qui transforme un show ordinaire en un set dont on va se rappeler. 1000 Mods s’inscrit très clairement dans cette seconde catégorie. Si sur disque le groupe tire sur le fuzz bien heavy, sur scène le heavy prend rapidement le dessus sur le fuzz sans toutefois se situer dans un registre bourrin de chez bourrin. Nous ne saurions que vous conseiller d’aller constater de visu ce que propose cette formation lorsqu’ils se radineront du côté de chez vous car c’est assurément, pour nous, la découverte de cette édition !

[Alunah]

On était assez impatient de découvrir ALUNAH, ce jeune groupe de Birmingham qui a fait grand bruit de la récente sortie de son second album en vinyle chez Napalm Records. Leur mise en place sur la même scène que 1000 Mods se fait tranquillement puis, à l’heure prévue, les lumières s’éteignent et les premiers accords lugubres vrombissent. A noter que le quatuor compte une femme guitariste / chanteuse, une particularité qui les rapproche de leurs cousins californiens d’Acid King, avec lesquels ils partagent aussi un goût affirmé pour les riffs heavy et les tempo lents. Même si les vocaux féminins distinguent Alunah des groupes de doom « habituels », le quatuor met aussi en avant ses lignes de guitare lead et des compos finalement assez catchy. Scéniquement, en revanche, pas de flamboyance particulière, mais répétons-le : le genre ne s’y prête pas forcément non plus. Après un 1000 Mods furieux, cette parenthèse doom est plutôt bien vue, et le public adhère bien.

[Free Fall]

Changement de ton lorsque l’on se rapproche de la main stage pour assister au set de FREE FALL, un groupe signé chez Nuclear Blast. Quand le quatuor suédois foule la scène, on n’est pas très impressionné. Mais lorsqu’ils lancent leur premier titre, on se dit qu’on est partis pour se prendre une grosse claque : gros riff rock’n’roll tendance garage, rythmique frénétique… après un concert de doom, ça décoiffe ! Sur la même lignée, le titre suivant voit le groupe se déchaîner derrière un autre brûlot rageur : même si le bassiste Jan Martens est plutôt calme, ce n’est pas le cas de Mattias Bärjed, à la gratte, qui saute dans tous les sens ! Quant à Kim Fransson, le chanteur, il assure son rôle de frontman sans équivoque, et ses vocaux sont efficaces, avec un petit air de Bon Scott ici ou là pas désagréable. Alors qu’on sent le concert parti sur un rythme que n’auraient pas renié les Hellacopters, le troisième titre voit le groupe ralentir le tempo… ce qu’il fait aussi sur les titres suivants. En fait, les suédois ont tiré leurs deux cartouches les plus virulentes en début de set, un choix assez étrange car incidemment le reste du concert paraît quelque peu linéaire. On découvre alors la vraie nature musicale du groupe, afficionado assumé de classic rock, des combos de hard rock des années 70 voire début 80. Un bon concert au final, même si jusqu’au bout on s’est senti un peu « déçus » par rapport à la promesse initiale.

[Gentleman’s Pistols]

Retour dans l’antre intimiste pour une seconde formation britannique : GENTLEMAN’S PISTOLS. Les résidents de Rise Above nous ont d’abord fait sourire – et nous n’étions pas les seuls – avec leurs looks improbables, mais lorsque James Atkinson – le frontman de l’équipe – envoie le bois, ça fait nettement moins les malins dans le public. La formation de Leeds incarne à merveille la spécificité du rock’n’roll anglais : ce sont des bêtes de scène qui jouent à donf ! Le choix de la setlist est très orienté vers les morceaux qui dépotent. Les plans doom voire les presque balades sont restés au vestiaire au profit d’un show électrique de pur kickass rock ! « Living in sin again », tiré de leur dernier opus « At her majesty’s pleasure » demeurant emblématique de la puissance du combo : tout le monde accroche au groove des potaches en marcel et nous sommes dépités lorsque le dernier morceau achève un des shows les plus véloces de la journée. Sis entre le roi du désert et le classic rock de Free Fall, l’énergie des Gentleman’s Pistols aura été la bouffée d’énergie de la journée. On plie rapidement bagages pour aller rejoindre la Main stage où va enfin prendre place un acte qui aura nourri bien des interrogations au sein de la petite communauté du stoner.

[Fatso Jetson]

Honnêtement, on ne savait pas trop à quoi s’attendre quand on a vu que Fatso Jetson partageait un créneau horaire complet sur la main stage – même s’il s’agit d’un créneau rallongé (1h20 en tout), le mystère est à son comble. En voyant FATSO JETSON au complet monter sur scène, l’enthousiasme nous gagne : il aurait été facile de jouer la facilité « logistique » et de demander par exemple à Gary Arce de tenir la seconde gratte ou à Alfredo Hernandez de se mettre derrière les fûts. Mais non, c’est bien le « real deal » : la famille Lalli (Mario of course, Dino son fils à la seconde gratte et Larry à la basse) avec Tony Tornay à la batterie. Quand le lancinant instrumental « Tutta Dorma » prend forme en introduction, le concert commence bien, et a priori ça ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin, puisque le frénétique « Salt chunk Mary’s » prend la suite. Très vite, Mario se laisse emporter, faisant voler ses lunettes et son chapeau ; il est dans son trip. A son habitude, Larry est plus statique, presque introspectif, ne bougeant quasiment pas de son coin de la scène, tandis que le jeune Dino Von Lalli ne se laisse pas impressionner et assure le taf (pas facile sur une musique aussi barge). A l’image de ses albums, Fatso alterne les ambiances et les genres musicaux en un simple claquement de doigts, passant de l’insidieuse balade « Light yourself on fire » au furieux instrumental « Nightmares are essential », jusqu’au complètement barré « New age android », prétexte à des joutes guitaristiques improbables entre deux générations de Lalli. En concluant son set par le terrible « The untimely death of the keyboard player » (issu de leur unique album chez Man’s Ruin, « Flames for all »), le quatuor termine une prestation reposant largement sur la première partie de sa carrière (je ne crois pas avoir noté de titres issus de leur pourtant excellent dernier album, « Archaic Volumes »), une sorte de mini best-of dont on aurait aimé qu’il se prolonge encore pour quelques morceaux !

[Yawning Man]

Mario demande alors au public de patienter quelques minutes pour permettre aux musiciens d’intervertir les instruments pour préparer l’arrivée de YAWNING MAN. Là encore, première satisfaction, il s’agit bien du line-up d’origine du combo, avec bien sûr Gary Arce à la gratte et Alfredo Hernandez à la batterie. On n’a jamais été particulièrement emballé jusqu’ici par les prestations live un peu anémiques du trio, et lorsque le groupe se lance dans un premier titre, sans cérémonial, on prend bien quelques minutes à comprendre que le set a commencé… tant on croirait assister à un soundcheck foireux ! Gary Arce se regarde jouer, trifouille ses pédales d’effets, ses câbles, demande au public en pleine chanson si on l’entend (ben non)… Bref, autant dire que les deux premières chansons ne servent pas à grand-chose… Le son s’améliore un peu par la suite, permettant de reconnaître quelques morceaux entendus sur le récent « Nomadic Pursuits » ou le plus ancien « Rock formations » : on notera surtout le groovy « Stoney Lonesome » de ce dernier, ou « Perpetual Oyster » choisi pour conclure le concert. Rien en tout cas qui ne nous emballera outre mesure, l’attitude scénique du groupe (avec un Gary Arce complètement centré sur lui-même) s’avérant souvent ennuyeuse. Yawning Man c’est le groupe qu’on adorerait aimer, mais dont la routine musicale et scénique nous rappellent immanquablement le premier mot de son patronyme…

[My Sleeping Karma]

On voyait les gars de MY SLEEPING KARMA qui avaient le sourire aux lèvres tout l’après-midi en prévision de ce concert, on les sentait trépigner, ce qui nous donnait encore plus envie de les voir. Et pourtant, l’erreur de casting saute aux yeux dès les premiers accords : MSK aurait dû jouer sur la Main stage ! La notoriété du groupe, a fortiori sur ses terres germaniques, a été sous-estimée : il faut voir en effet le public qui essaye de se frayer un chemin par tous les coins de la petite salle Foyer pour assister au concert, la chaleur est étouffante et le public hypnotisé ! Faut dire que la musique du groupe se prête bien à ça : leurs compos instrumentales tissent pendant 50 minutes une trame musicale psychédélique, aérienne, voire étourdissante lorsqu’on se retrouve emporté par ces « vagues » de foule qui suivaient le rythme des chansons… Dès les premières minutes et le riff complètement infectieux de « Pachyclada », la communion entre le groupe et son public est palpable. Elle se traduit en premier lieu par le sourire que l’on trouve sur les visages de Matte (basse) et Seppi (guitare), le duo de frontmen du combo, tandis que Steffen est plus concentré derrière sa batterie, tout comme Norman derrière son clavier. Il faut dire que chaque musicien a un rôle crucial dans la musique du groupe, qui ne peut supporter la moindre approximation. Illustration immédiate avec l’ancien (2006) « 23 Enigma » un titre épique enchaînant passages atmosphériques et fulgurances heavy rageuses. MSK enchaîne un nouvel aller-retour nouveau-ancien, avec le superbe « Ephedra » (issu de « Soma ») puis « Glow 11 » (issu de leur premier album). « Tamas » et son final épique ouvrent la voie à un superbe final encore en l’honneur de leur dernière production via l’aérien et oppressant « Psilocybe ». On souffle… Je ne sais pas si My Sleeping Karma a gagné des fans ce soir (car au vu de l’affluence, on se demande si tout le monde n’était pas déjà fan avant…), mais il a en tout cas rendu plusieurs centaines de rockers heureux.

[Kadavar]

L’heure est venue pour nous de redescendre de notre lévitation pour rejoindre une fois encore la scène la plus importante afin d’enchaîner avec une autre formation germanique : KADAVAR. Le trio désormais composé d’un tiers de sang français démarre en douceur un set de rock’n’roll seventies dont le côté vintage capte immédiatement l’auditeur. Les élégants velus à la taille impressionnante demeurent assez statiques durant leur show comme n’importe quel personne de grande taille peinant à occuper le territoire de sa propre personne ; comme ils sont les trois dans le même cas et que ces mecs ne sont pas des débutants, le triangle parvient rapidement à occuper l’espace visuel vu que du côté du son le public est immédiatement rentré dedans, chauffé qu’il était par la prestation de My Sleeping Karma. L’essentiel du show proposé par Wolf, Tiger et Mammut sera consacré à la première production du trio et les titres issus de leur deuxième album – « Abra Kadavar  » – s’immiscent à dose homéopathique dans le setlist. La précision teutonique s’avère des plus efficaces et le diable s’empare rapidement de nous lorsque l’hypnotique « Black Sun » vrombit. Les titres s’enchaînant et malgré des lights très statiques, les mecs aux surnoms digne d’un groupe de black metal nous entraînent faire un tour dans leur univers psychédélique durant une heure d’extase. Complétement scotchés par la musique nous oublions carrément de noter l’ordre des titres de ce concert durant lequel nous croyons avoir entendu le doublé gagnant « Creature of the demon » ainsi que « Goddess of dawn ». Il est certain que cette tête d’affiche de la soirée aura tenu toutes ses promesses et que lorsque les lumières s’éteignirent nous ne fûmes pas les seuls à redemander une grosse ration de rock vintage trépidant ; malheureusement en vain puisque déjà les premiers riffs fusaient de la Foyer stage où d’autres protagonistes inattendus avaient pris place.

[Troubled Horse]

L’annulation de Witchcraft (moins de 48 heures avant le festival) a un peu chamboulé la programmation de cette dernière journée. Bénéfice collatéral de la journée : TROUBLED HORSE se voit ajouté à l’affiche, en position enviable en milieu de soirée, sur la petite scène. Ce groupe suédois qui va sur ses dix ans d’âge n’est en fait pas si étranger au « cas » Witchcraft : trois de ses membres originels ont créé Troubled Horse (dont deux présents ce soir, y compris Ola, qui est toujours bassiste de Witchcraft), et c’est Simon Solomon, le gratteux de Witchcraft, qui officie ce soir à ce poste. Vous suivez toujours ? La filiation s’arrête-t-elle là ou bien risque-t-on d’avoir un tribute band du pauvre ou autre triste ersatz de Witchcraft ? C’est bien la question que se pose une part du public (leur notoriété n’égalant pas celle de leurs aînés, pas mal de curieux sont présents devant la petite scène). Agréable surprise sur ce point : même si elle garde cette fibre rétro, ces influences 70’s immanquables, la musique du groupe est plus directe, plus pêchue, plus rock n roll au final. Moins « sérieuse », tout simplement. Ces gars sont là pour le fun, ce qui transparaît jusque dans l’attitude de Martin Heppin, le massif frontman / vocaliste. Et au fil de l’eau, l’énergie communicante du quatuor fait mouche, et le public commence à sourire, à pogoter, etc… Carton plein ! C’est toujours quand on n’attend pas grand-chose que l’on a les meilleures surprises ! C’est le cas ici, et ce concert de Troubled Horse restera un excellent souvenir de ce Desertfest.

[Orchid]

Retour aux choses sérieuses sur la Main stage où, en raison de l’annulation de Witchcraft, nous bénéficions d’un show rallongé des stars montantes que sont ORCHID. Nous serions même tentés de déclarer que c’est tant mieux ! Les nouveaux poulains de Nuclear Blast n’avaient pas attendu la reconnaissance du public de ce festival pour se tailler une part de choix dans le cœur des aficionados de ce style et c’est en terrain conquis que débarque le quatuor étasunien que les esprits chagrins taxent de sous-Black Sabbath. Osant nettement plus que leurs camarades de label Kadavar en ce qui concerne l’insertion de nouvelles compositions dans leur setlist, Orchid a le culot de ceux à qui tout sourit ou presque. L’opportunité de toucher encore plus de gens vu leur position de tête d’affiche de la soirée gagnée au détriment des absents suédois sera loin d’être galvaudée bêtement. Le quatuor de baba hards se fait plaisir en nous en donnant. Ca attaque sérieusement de manière très heavy sur la grande scène durant une bonne heure et quart et le paranoïdien « Silent one » nous trottera dans la tête bien des heures après, alors que nous nous échinions à faire rentrer les t-shirts et les galettes acquises aux stands de merch dans nos petites valises. Les titres interprétés par le groupe ce soir-là sont issus de la totalité de la disco du groupe et nous avons été entraînés dans ce show tirant sur le doom par « Capricorn », « Black funeral », « Eyes behind the wall », « Wizard of war » et quelques autres compositions aux tempi ralentis et aux riffs ravageurs. Nous avons aussi pu assister à un truc d’un autre temps : un chanteur à veste à franges jouant du maracas ! En tous cas cette soirée très orientée vers les héritiers du son des maîtres du sabbath aura tenu ses promesses jusqu’au bout et ce concert clôt avec grande classe cette deuxième édition du Desertfest de la capitale allemande. Si certains sont sceptiques quant à l’idée d’avoir dans leur discothèque le nouvel opus des comebackeux de Black Sabbath, ils peuvent sans hésiter se tourner vers Orchid qui incarne la relève de ce style entre doom à la sauce de l’Oncle Sam et hard rock daté : un must que nous conseillons sans retenue aucune.

Après avoir cogné nos gobelets en plastique avec les différents protagonistes de cet événement, nous nous en retournons vers notre piaule, histoire de tout empaqueter pour nous envoler tôt le lendemain matin vers nos domiciles respectifs. Nous quittons donc l’after en plein milieu soit à une heure très avancée de la nuit. Sur le chemin du retour nous tirons notre premier bilan de cette édition que nous confirmerons à plusieurs reprises par la suite : ce festival est absolument génial et nous encourageons quiconque n’a pas les oreilles bouchées à bouger son cul l’an prochain pour une troisième édition !

[Photos : Chris & Laurent]

Chris & Laurent

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