DESERTFEST Berlin – Jour 3 (Clutch, Ed Mundell’s TUEMG, Sasquatch, Radio Moscow,…), 26 avril 2014, Allemagne

Jour 3 sur 3 : En arrivant en ce début d’après-midi sur le site (sous ce soleil encore éclatant, quel plaisir), avec encore une liste longue comme le bras de groupes à voir sur scène (et accessoirement d’interviews à faire au milieu…), on ne sent pas vraiment le sprint final arriver… On est juste à fond !

DOCTOR DOOM

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Pourtant, la journée commence plutôt penaudement avec les français de DOCTOR DOOM. Bien contents de retrouver les ariégeois sur la scène du Desertfest (alors qu’ils n’ont qu’une autoprod de trois titres sous le bras à défendre pour le moment, en attendant leur album), on est un peu moins contents de les voir lancer les hostilités un peu après 14 heures devant un public trop clairsemé à notre goût. Cet horaire, assez tôt, et – répétons-le – un soleil écrasant (plus propice à déjeuner en terrasse ou commencer sa digestion par une petite sieste sous les arbres du Beergarten) en sont probablement les principales raisons. Le groupe n’en prend pas ombrage (sic) et entame joyeusement son set par deux morceaux de leur EP autoproduit susmentionné. Les titres sont bien représentatifs du genre musical du quatuor : un rock/hard-rock assez old school et vintage, aux rythmiques plutôt « enjouées ». On aurait peut-être aimé une entame de journée un peu plus franche du collier, avec un peu plus de saturation sur les guitares, un chant un peu plus rauque ou incisif… mais on ne peut pas dénaturer le groupe, qui joue son set sérieusement. Les passages de guitares harmonisées, le chant de Jean-Laurent, bien carré, la rythmique robuste… tout montre que le groupe sait ce qu’il fait, et le fait bien, aucun soucis d’exécution à déplorer. Et les extraits de son premier album à paraître sous peu nous montrent qu’a priori, le niveau sera maintenu sur la suite. En revanche, il manque un petit quelque chose pour mobiliser le public de l’Astra en ce début d’après-midi… Dommage !

POWDER FOR PIGEONS

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Aux suivants comme disait Jacques et c’est le duo de Perth qui s’installe sur la même scène que la bande de l’Ariège. Vite en place – remarquez il n’y avait que deux instruments à régler pour le couple des antipodes – Madame derrière la batterie (de cuisine) et Monsieur au manche de la Fender vintage. Les Australiens envoyèrent le son dans une salle à peine plus fréquentée que pendant le set des Français. Pourtant, on avait dit le plus grand bien du duo actif dans un registre plus dans la veine alternative US des années 90 que dans le stoner pur sucre. Tant pis, nous ne sommes pas là pour voir défiler une colonie de clones sur les deux scènes de ce généreux festival. Alors donc, la donzelle bat la mesure et le mâle se tortille sur sa gratte en assurant les lignes des voix pour un set bien ficelé aux sonorités assez proches des Breeders au final et carrément pas dégueu qui fleure bon certaines prestations que Sonic Youth a pu délivrer dans le passé. Il faut dire qu’avec la tonne de gras que nous avions avalée la veille ça faisait du bien de se taper des trucs un poil plus rapide et soft même si la paire ne fait pas précisément dans la dentelle non plus. Les textes de leurs deux productions sont scandés et nous ne pouvons pas qualifier la personne qui débite dans le micro de véritable chanteur ; l’absence de basse et son engagement à la guitare devant déjà bien mobiliser son énergie. La batterie demeurera quasi tout le set dans un registre speedé qui aurait presque été super redondant si « More To Lose » – et ses faux airs de « Born To Hula » – n’était venu joué les empêcheurs de tourner en rond. Nonobstant des échanges avec le public très limités, Powder For Pigeons a rallié à sa cause une poignée de nouveaux fans européens au terme de ses quarante minutes de show et le temps était venu pour nous d’aller refaire le concert dehors avec nos amis festivaliers le temps qu’une autre formation se prépare à nous transporter sous d’autres latitudes.

CASTLE

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Le trio US faisait figure d’orphelin ce jour-là à Berlin tant son style aurait collé avec la programmation de bourrins qui était celle du vendredi. Bref, même si la prestation du groupe serait achevée avant l’heure officielle de l’apéro, ils allaient faire monter la température du Foyer avec leur doom stoner plutôt heavy, mais rendu aérien par les vocaux de leur frontwoman Elizabeth qui s’avérera au final une bassiste au groove très efficace. Partageant son micro avec son acolyte Mat qui est en charge du déluge de riffs overdrivés à la guitare, elle mit un gros boulet qui tira le public de l’ambiance gueule de bois qui avait un peu prédominé parmi les troupes présentes dans la salle depuis le début de la journée (le reste du public étant demeuré dehors pour siffler des bibines). Il faut dire que le temps radieux mobilisa ce samedi une bonne partie du public dans le Beergarten : on a connu bien pire comme lieu propice aux échanges en festival. Bref, Mat reprend le micro pour chanter, toujours très concentré sur son jeu lorgnant par moments vers le sludge, et le dernier membre du groupe, Al, à la batterie, envoie du gros bois avec une précision métronomique. Nous sommes rapidement conquis par la bande de San Francisco qui n’en est pas à sa première pépite dans le registre doom stoner. Comme le son que déploie la formation ne tape pas dans le côté le plus inabordable du doom, le public présent se met à hocher du chef en réponse aux incantations maléfiques de Castle. C’est d’ailleurs au beau milieu de ce set que le desert-rocker ayant passé la soirée précédente sans se protéger les oreilles se remit à entendre correctement des deux cages à miel. Déjà auteurs de quelques productions en ligne avec ce qui a été interprété à Berlin, la bande des trois fait preuve d’une maîtrise impeccable de son répertoire en truffant ses titres de soli de guitare bien sentis ainsi que de plans hérités de Black Sabbath (ce qui n’était pas sans nous ramener un an plus tôt avec un autre groupe de San Francisco : Orchid). Un setlist très basique balancé sans fioritures, mais avec une redoutable efficacité, toujours en headbanguant, et l’affaire était entendue : la grand prêtresse aux airs de la Cassandra de Wayne avec sa basse blanche et son gilet en jeans pouvait mettre un terme à son culte sataniste avec la satisfaction du devoir accompli. Un peu d’air printanier allait pouvoir emplir l’espace du Foyer alors que nous allions rejoindre Jesus sur la grande salle pour le premier verset à s’y dérouler en cette ultime journée de frénésie stoner.

STONED JESUS

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Les gars de Radar Men From The Moon devaient jouer sur la main stage à cet horaire, mais manifestement ils avaient pris un peu de retard sur la route. On a donc demandé à Stoned Jesus de les remplacer. Même si ces derniers perdent théoriquement cinq petites minutes de set et une place un peu plus haut sur l’affiche, ils raflent au passage l’opportunité de jouer sur la Main stage plutôt que sur la petite scène Foyer… Tout bien considéré, c’est donc plutôt pas mal pour eux. Quelques étourdis n’ayant pas vu l’info ont malheureusement zappé tout ou partie du set de ce groupe… Fallait pas comater sous le soleil dans le Beergarten les gars ! La situation géopolitique en Ukraine est pour le moins tendue, et on pouvait imaginer ses rejetons musicaux se révéler fermés, énervés et aigris. Le choc en voyant se pointer Stoned Jesus sur la scène, tout penauds, n’en est que plus frappant. Les bonhommes sont cools, leur musique est cool, et manifestement ils ne sont pas là pour se prendre la tête (ce en quoi on peut bien les comprendre aussi). Musicalement, Stoned Jesus est emblématique de ces groupes récents, nés dans un maelstrom d’influences assumées, mais qui pour autant ne peut pas être cantonné dans un genre particulier : fondamentalement, ils jouent une sorte de stoner classique à tendance psyché, mais ils prennent des penchants doom dès qu’on a le dos tourné dix secondes, ou s’engagent dans un solo influencé par les maîtres du blues juste après. Et tout ça au service de compos qui fonctionnent plutôt bien, sur un set de trois quarts d’heure qui passe très vite. A l’image de leur musique pleine de reliefs, la prestation scénique des bonhommes ne déçoit pas : Sergii à la basse est à fond dans son trip, il est tour à tour concentré puis monté sur ressort, et le nouveau batteur Viktor, super concentré, vit chacune de ses frappes, qu’il illustre d’un rictus à chaque fois différent. Quant à Igor, chanteur-guitariste-leader-géniteur de ce beau bébé, il assure tout simplement, communique régulièrement avec le public avec son accent sympathique, et plus généralement, colle occasionnellement ses vocaux efficaces sur ses plans de gratte, quand il ne s’engage pas dans des envolées de soli bien sentis. On passera sur son sens de l’esthétique vestimentaire (soit son jean est bien trop slim, soit le bonhomme est très heureux de nous voir…) pour garder en mémoire son talent évident et son oreille bien particulière : alors que le trio quitte la scène, on a le sentiment que ce groupe nous réserve des surprises discographiques pour l’avenir, et encore des prestations scéniques remarquables. Ils en ont encore sous la pédale, clairement…

SARDONIS

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Décidément, il y aura eu pas mal de duos sur cette édition du Desertfest ! Sardonis se compose donc assez traditionnellement (si l’on peut dire, s’agissant d’un duo…) d’un guitariste et d’un batteur, et quand ils décochent les premiers accords de « Burial of Men », c’est-à-dire la même intro que leur dernier album en date, le sobrement nommé « II », on comprend vite que ces gars-là ne vont pas faire dans le jovial. Gros titre doom assez classique, avec le même riff de quatre notes qui tourne sur un gros tiers du morceau joué à deux kilomètres à l’heure, il part ensuite sur des passages de pur metal, voire des embardées thrash metal (blast beat en option de temps en temps). Et il en va ainsi sur toute la durée de leur set solide : ça bastonne tout du long, c’est gras, c’est lourd… Et c’est lorsque les passages doom se font les plus suffocants que ces assauts rageurs de metal bien saignant se révèlent bienvenus pour reprendre une bouffée d’air frais, à l’image de « The Drowning », autre extrait de leur second album, alternant tempi super lourds et riffs nerveux. Scéniquement, en revanche, c’est pas la joie : même si Jelle se démène derrière son kit, Roel, le guitariste au look d’assureur en goguette, reste vissé sur ses deux pattes arrières, exprimant par une mimique renfrognée chaque tension de rage contenue dans ses riffs énormes. Faut dire que ses attaques de cordes ont un certain poids, et insidieusement s’emploient méthodiquement à laminer le cerveau des quelques centaines de spectateurs présents, qui n’auront mis que deux ou trois morceaux à rentrer pleinement dans le trip. Deux ou trois titres difficiles à identifier ont été joués, probablement extraits du prochain album (faut dire que la scène étant dénuée de micro, la communication avec le public est inexistante…), et sont clairement dans la même veine. On peut donc s’attendre à un nouveau charcutage en règles. Reste au groupe à essayer de dynamiser un peu son impact « scénographique », comme disent les pros, et la claque sera juste totale.

SASQUATCH

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Un autre fleuron de l’écurie Small Stone monte sur la Main Stage sous nos yeux, à savoir les Californiens de Sasquatch. Le trio, avec ses treize années d’existence, fait partie des vétérans de cette édition, et la robustesse de leur carrière repose aussi sur leur indéfectible fidélité à Small Stone, qui a sorti tous leurs albums depuis leur premier, subtilement appelé « I », il y a plus de dix ans maintenant. Et faut dire que les premiers albums ont abondamment tourné sur les platines des plus vieux stoner heads d’entre nous. C’est donc avec un large sourire que l’on voit monter les trois angelenos sur scène et dérouler pendant trois quarts d’heure ce qui s’apparente fortement à un best of de leur carrière : ils piochent ainsi dans toutes leurs galettes certains de leurs meilleurs titres, pour le bonheur de tous (autant de titres de leur premier album que de leur dernier en date par exemple). Clairement, les bonhommes jouent la carte plaisir plutôt que la carte promo. Trucker hat vissée sur la tête, Keith Gibbs mène la barque avec une assurance et un engagement  qui forcent le respect : ses parties en rythmiques sont juste impeccables, portées par des riffs monolithiques toujours aussi efficaces, et ses interventions solo sont toujours bien senties. Evidemment, on reconnaîtrait ses lignes de chant entre mille, et c’est aussi ce qui aide à distinguer Sasquatch de la « masse ». Derrière, ça joue aussi, même si l’on est surpris de retrouver, aux côtés de Jason à la basse, un batteur redoutablement efficace mais… qui ne ressemble pas vraiment à Rick Ferrante ! Et pour cause : le batteur originel, qui doublait ce soir ses interventions (il est aussi batteur pour le TUEMG de Ed Mundell), étant souffrant, les deux combos ont décidé de recruter un autre batteur ayant le don d’ubiquité, le peu connu mais très doué Dan Joeright : si ce dernier assure méchamment ce set, c’est avec le père Mundell qu’il nous bluffera encore plus un peu plus tard. Mais pour l’heure on continue de déguster le stoner heavy et groovy de Sasquatch jusqu’à la lie. On espère que le groupe se saisira d’autres opportunités à l’image de cette tournée « à deux têtes » pour revenir malmener le public européen avec tant de maestria.

RADAR MEN FROM THE MOON

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Après un set aussi carré et robuste, on risque le grand écart de la cervelle, puisqu’on s’oriente vers un trip de space rock psychédélique pur jus. Rien de tel pour préparer une méningite aiguë… Et pourtant, les Desertfest-ivaliers doivent avoir la tête dure et les cages à miel en béton armé, car le public se masse bien nombreux devant la Foyer pour le trio (ici quatuor…) hollandais de Radar Men From The Moon. Finalement, ce changement de créneau horaire les amenant sur la petite scène n’est pas trop préjudiciable, cette salle étant parfaitement propice à une immersion musicale intense – et manifestement le public, composé d’une large part de connaisseurs du groupe, n’attend que ça. Faut dire que la réputation du combo dans ce genre n’est plus à faire, et en tout cas sur les trois jours, peu de groupes ont produit un set aussi immersif et planant – or sur ce thème, la concurrence était quand même là et bien là ! Accompagnés d’un grand échalas dédié à balancer les samples science-fictionnels et autres sons et triturages venus de l’espace, les néerlandais volants envoient les riffs les plus planants qui viennent rebondir sur tous les murs de la salle, pour venir au final se noyer dans les méandres cotonneux des lignes de basse colossales délivrées par l’imperturbable Verkuijlen. C’est d’ailleurs sur cette observation que le bât blessera un petit peu : voir les gars jouer leurs quarante-cinq minutes avec un visage quasi-impassible, en se regardant les uns les autres au mieux, ou focalisés sur leurs godasses au pire, tout ça alors que l’on sort d’un set comme celui de Sasquatch où les gars se donnent à fond vers leur public… le contraste est percutant. D’un autre côté, je vois mal les bonhommes sauter dans tous les sens du haut de leurs amplis alors qu’ils nous amènent sournoisement vers un état d’hypnose au bout des quinze premières minutes du set… C’est donc vraiment juste une perception d’écart entre chaque concert, un contraste d’ambiance dans lequel on se retrouve presque « volontairement pris au piège » (et accessoirement, c’est aussi ce qui rend le Desertfest si attrayant et excitant). Le set des RMFTM déroule donc sans accro, sur une perspective spatiale qui s’affirme petit à petit, et ce n’est que quand les trois quart du public ondulent en mode pilotage automatique, les yeux fermés, en volant à vingt centimètres au dessus du sol, que les bonhommes posent les instruments et nous laissent nous réveiller, encore un peu la tête dans le cul après ce trip aérien.

THE ULTRA ELECTRIC MEGA GALACTIC

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Nous allions rapidement nous faire rattraper par un autre trip aérien qui nous enverra à quelques mètres du sol avec la formation d’Ed Mundell qui s’avérera de fait être plus un réel groupe qu’une star de la guitare flanquée d’une section rythmique dans l’ombre. Comme vous avez pu le lire plus haut, c’est Dan Joeright qui officiera ce soir à la batterie et même s’il remplaçait le titulaire du poste nous avions plutôt une pointure devant nous. A la basse, et détenteur du seul micro, c’est l’incroyable Collyn McCoy qui va nous ravir d’une présence scénique hors pair ainsi que d’un jeu de toute beauté aux doigts principalement (les types qui détestent les bassistes à médiators seront aux anges d’apprendre ceci). Dès le début du set tous les regards convergent vers le rouquin qui a quitté Monster Magnet après « Mastermind » ; ils ne tarderont pas à le lâcher pour se consacrer aussi aux deux autres membres de ce trio de ténors qui assurent décidément sur scène autant que sur les rares traces laissées jusqu’à présent dans le sillon. Au passage, le merch déplorera très rapidement une rupture de stock de « Through The Dark Matter » leur dernière galette arrivée à Berlin toute fraîchement sortie de presse donc pas encore totalement sèche. Ce genre d’indice nous indiquera que nous n’avons pas été les seuls à être carrément transportés par ce véritable orgasme musical qui nous aura captivé durant près de cinquante minutes. Un pur régal du plus pur style jam et au sein duquel nous aurions droit à un authentique jam d’anthologie. Le public transcendé adhérant à ce show somptueux ne s’y trompait pas. D’ailleurs Jean-Paul Gaster – à nos côtés dans le public – partageait ce ressenti. Visuellement, nous étions interpellés par les énormes gouttes de sueur que l’ex-Atomic Bitchwax laissait glisser le long de ses doigts magiques. Il faut dire que les spots verts ou rouges fixés sur lui durant ses longs soli mettaient particulièrement en avant ce qui était bien plus qu’un détail. Il faut dire que – comme vous le lirez dans l’interview que nous avons eu la joie de faire avec ces très sympathiques rockers – ces Californiens ne sont pas les plus grands adeptes du soleil et de la chaleur de leur lieu de résidence. Mais passons au-delà de ces quelques considérations d’ordre esthétique pour consacrer quelques lignes au rock psychédélique instrumental qui était balancé dans les enceintes de la Main Stage. Les trois pointures n’avaient inscrit « que » sept titres sur leur setlist et du premier accord au final épique sur « Stratus », une reprise du jazzman Billy Cobham, nous avons été transcendés par leur son à la limite de la jouissance. C’était précis, c’était technique et c’était – et est toujours – magnifique aussi en terme de compos. « The Third Eye », tirée de l’album éponyme, constituant certainement la meilleure plage de cette extraordinaire performance intégralement musicale durant laquelle seul Collyn – et son t-shirt des Bruins – s’exprimera au micro laissant Ed concentrer son talent sur sa Stratocaster. Les longues jams planantes ayant aussi laissé quelque espace à des titres plus carrés comme « Exploration Team », « 7000 Years Through Time » ou « Rockets Aren’t Cheap Enough’ qui firent figure de véritables leçons de rock’n’roll dispensée par des mecs humbles qui n’avaient en rien l’air de professeurs ès Musique. Avec Clutch plus tard dans la soirée, nous aurons deux sets de toute grande classe interprétés par des cadors de la zikmu ceux-ci contrasteraient avec les performances plus instinctives voire spontanées que livrèrent des groupes plus orientés du côté obscur. Et c’est là que nous devons tirer un grand chapeau aux organisateurs et programmateurs qui ont fait se côtoyer des formations proches, mais pas similaires, durant trois jours sans jamais nous lasser la moindre seconde. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés : vous faite un boulot remarquable !

THE GRAVIATORS

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Après avoir littéralement été envoutés par Ed et sa bande, nous redescendons dans l’underground Foyer pour une prestation fort attendue. Il faut dire que The Graviators bénéficient d’une sacrée visibilité en ayant intégré l’écurie Napalm depuis la plaque précédente déjà. Il faut ajouter aussi que les visuels de toute beauté qui ornent leurs pochettes aident sans doute ce groupe à atteindre son public avec ses productions déclinées en moult exemplaires tous plus beaux les uns que les autres. Bref, dans le petit monde du stoner, les Suédois peuvent se targuer d’avoir réussi rapidement à toucher un grand nombre de rockers au-delà même de la scène des intégristes du mouvement. Ils déploient un hard rock daté, mais ô combien efficace que ce soit lors de leurs prestations scéniques ou en heavy rotation dans le salon voire dans la voiture. Ces forts sympathiques velus ont aligné une centaine de shows depuis leur naissance il y a quatre ans et ils font preuve d’une sacrée envie de continuer à répandre leurs riffs aux quatre coins du globe (vous en saurez un peu plus en lisant l’interview réalisée par nos soins dans la capitale allemande). Bien qu’au terme d’une tournée intense et arrivés en fin d’après-midi sur les lieux, nos potes grimpent sur scène en super forme et prêts à en découdre durant trois-quarts d’heure avec un public encore perdu dans les volutes du show précédent. Ils envoient donc le gros son d’entrée de jeu pour mieux souligner leur présence et la mayo prend très rapidement. Il faut dire que devant des spectateurs ayant fait le déplacement pour se taper du rock daté, leur style est particulièrement bien adapté. Les plans plus instrumentaux s’aventurant sur les rives du fleuve doom ravirent même une partie du public se trémoussant rapidement de manière lancinante alors que Johan, le bassiste de la bande, envoyait du gras sur Ricken à torse nu. Le lascar n’avait pas complètement tort car la température avait pris un sacré coup d’accélérateur depuis que les chevelus et leurs chaînes de portefeuille se balançaient sur scène dans un registre rappelant le Sabbath des débuts. Avec « Motherload » fraîchement sorti (moins d’un mois avant la manifestation teutonne) le groupe a balancé du son de l’intégralité de ses propres productions pour le plus grand plaisir de l’auditoire présent. Il est à noter que les puristes ont été ravis de voir qu’Henrik, l’homme assis derrière ses fûts, nous envoyait son martellement sur du matos utilisé jadis par le batteur d’un groupe qui aura marqué son temps : The Awesome Machine. Grosse sensation donc avec nos amis venus du froid même si Niklas, au chant, peine parfois à savoir où se placer sur la petite scène du Foyer lorsque le groupe se lance dans d’épiques plans instrumentaux leadé par leur guitariste Martin dont le solo sur « Leifs Last Breath / Dance Of The Valkyrie » restera un des meilleurs moments de cette prestation qui a envoyé du beau bois. Le public ayant bien adhéré à leur style avait l’air un peu groggy lorsque la lumière des plafonniers de l’Astra lui a rappelé qu’il était désormais l’heure de retourner du côté de la grande scène pour se brancher sur une autre longueur d’onde.

RADIO MOSCOW

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Après la prestation un peu brute (dans tous les sens du terme, en fait) des Suédois, on se translate pour la énième fois de ce week end de quelques dizaines de mètres pour se poster devant la Main Stage, avec l’assurance que le concert qui arrive sera classieux, tout simplement. Et ça ne manque pas. Parker Griggs monte sur scène avec ses deux mercenaires – une belle paire de zicos néanmoins, dont on espère une plus grande longévité dans la formation ricaine que leurs prédécesseurs dans la fonction ! Pourtant, le père Griggs a franchement plus une tête de nounours gentil que de frontman tyrannique de son power trio… Faut dire que Radio Moscow c’est lui, et basta ! Par contre, musicalement (« instrumentalement » ?), faut pouvoir le suivre, et on peut confirmer que ses récentes recrues (à peine un an) ont du répondant. Stratégiquement, commencer son set avec un morceau inconnu (probablement extrait de sa nouvelle galette, pas encore sortie au moment du concert) relève en tout cas au mieux du faux-pas, au pire d’une faute de jugement… mais c’est fait avec panache, donc on excuse tout, et ce démarrage un peu boiteux est vite compensé par le dynamisme du titre (un morceau de blues-rock bien heavy, achevé par un solo de gratte qui mettra tout le monde d’accord). Pour la suite, la setlist s’avèrera redoutable d’efficacité et de variété, même si elle se repose très largement sur un album en particulier : de manière assez surprenante l’assez ancien « Brain Cycles » (2009) est mis à l’honneur sur la moitié de la setlist environ ! Faut dire que l’album le vaut bien, mais quand même… Il y en a eu trois autres depuis ! Mais ne gâchons pas notre plaisir d’être là et de regarder les bonhommes devant nous se la donner. Peu de sourires sur les visages des deux gringos en mission « rythmique » sur le côté gauche de la scène : ces gars là ne sont pas ici pour la déconne – ça bastonne, ça groove, ça jamme, mais ça plaisante pas… Un peu plus débridé, Griggs se lâche sur des soli juste remarquables et amène vers des impros en mode dérapage contrôlé. Ses parties de chant ne sont pas forcément son atout principal, mais sa voix subtilement rauque et chaleureuse fonctionne parfaitement. On ressort de cette heure de concert bien remonté, remplis d’ondes super positives, et parés à attaquer le sprint final de ce Desertfest avec le sourire. Super musique, mais aussi super vibes.

THE MACHINE

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Après les vibes moscovites, c’est d’autres vibes qui allaient emporter le public. Celles-ci viennent des proches Pays-Bas et sont elles aussi le fait d’un trio. Nous sommes quelque peu déstabilisés lorsque nous nous pointons devant la scène et apercevons le bassiste de la bande arborer un survêt, des chaussettes de « cascadeur », un couvre-chef de spéléologue et sa Rickenbacker rouge. La touche spéléologue est de fait une caméra à la mode de nos jours avec laquelle il jouera – et donc enregistrera en vue subjective – la totalité du premier titre « D.O.G. » issu de leur dernier opus qui engageait un véritable festin psychédélique. The Machine a carrément hypnotisé le public comprimé dans la petite salle faisant face au Foyer. Cette parfaite communion entre le groupe et ses spectateurs nous a immédiatement ramené un an plus tôt lorsque My Sleeping Karma avait aussi transformé cette salle en chapelle hallucinée, baignée par des ambiances bleutées et au cœur de laquelle les musiciens et leurs fans ne faisaient plus qu’un en livrant leur culte au Dieu stoner. Ce show restera comme l’un des plus intenses de ce festoche dans le registre de la dévotion du peuple stoner avançant sur place les yeux grands fermés pour capter mieux encore les sons envoyés par la sono. Nous devons ici confesser qu’une fois la centaine de prises de vues effectuées, nous avons déserté l’Eglise pour nous rendre de l’autre côté du rideau magique afin d’assister à la balance de la tête d’affiche. Nous étions donc deux, plus le type qui pousse les boutons sur la console, à nous gaver de Clutch : Clutch en privé et oui pardon The Machine nous nous sommes égarés quelques instants, mais maintenons que c’était pour la bonne cause, soit notre bonheur. Cette interlude effectuée nous rejoignîmes l’antre bouillonnante pour nous frayer un passage jusqu’aux enceintes et nous laisser happer par la machine. Ca a été presque divin : soyons clair ! Avec un setlist réduit, vu la longueur des titres interprétés, The Machine assuma pleinement son rôle de dernier groupe avant le headliner ! Et ils éclipsèrent presque l’attente du public en le ralliant à sa cause. Bel effort réalisé quasi uniquement avec des titres issus du split avec Sungrazer sorti l’an passé et de « Calmer Than You are » leur dernier long format en date sorti un an avant le split qui était le « chant du cygne » de la formation qui le partagea avec eux. Le final « Sphere (… or Kneiter) » a été grandiose et nombreux furent ceux qui avaient oublié à ce moment là qu’une formation du Maryland allait encore prendre la scène d’assaut pour le dernier acte musical d’un festival absolument génial dont The Machine restera un des grands moments. Le gros son psychédélique a encore visiblement de beaux jours devant lui.

CLUTCH

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Tête d’affiche incontestable de cette édition du Desertfest, Clutch aura laissé une trace sur cet événement… et ce avant même le concert ! Professionnels jusqu’au bout des ongles, les zicos sont arrivés sur le site en tout début d’après-midi (quasiment douze heures avant leur horaire de début – tandis que certains groupes sont encore sur l’autoroute à siroter des bières dans le van une heure avant leur set…), et ont assuré la promo de manière impeccable (interview à venir sur Desert-Rock !), et trituré leurs instruments tout l’après-midi ! Fallait voir JP Gaster jouer sur son mini-kit de batterie installé derrière le bus pendant des heures et des heures, seul avec ses écouteurs, ou Dan Maines jouer sur sa basse dans un fauteuil tout l’après-midi… Clairement, on n’arrive pas à ce niveau de reconnaissance par accident, c’est le message que l’on retiendra dans un premier temps.
Mais arrive minuit, et là c’est la musique qui va parler. Clutch clôture complètement cette édition (après eux, plus personne ne joue… tel Attila et ses Huns, plus rien ne repousse après leur passage !), et Fallon – vêtu d’un t-shirt Fu Manchu du meilleur effet – commence par féliciter dès son arrivée le public qui « est arrivé jusqu’au bout » de l’événement. C’est sur l’efficace « Earth Rocker » que le groupe entame son set, et il n’en faut pas beaucoup plus pour se mettre le public dans la poche. Avec « The Mob Goes Wild » d’affilée, c’est l’efficacité qui prime : en vieux routiers expérimentés du live, le quatuor enchaîne une claque suivie d’un uppercut… pour mieux cueillir les derniers récalcitrants avec un bon vieux coup de coude derrière la nuque bien vicelard, avec le groovy « Cypress Grove » – censé montrer aux sceptiques éventuels que Clutch excelle dans de nombreux domaines. Démonstration est faite, on peut maintenant se lâcher, et revenir à « Earth Rocker » pour quelques titres. A partir de là, on atteint l’effet cliquet : le public est convaincu, reste à le maintenir en tension pour le reste du set ; une formalité. Mais le groupe n’est pas venu pour cachetonner facile, ils ressortent donc des placards un bon vieux « Spacegrass » (un titre qui doit bien avoir vingt ans maintenant !) et dissémine d’autres perles dans cette setlist qui reste fortement connotée « Earth Rocker ». On aura entre autres droit au groovy « Subtle Hustle », qui fait danser quasiment tout le public, tout comme l’irrésistible « Gravel Road » et son boogie rock impeccable, mais aussi à « Burning Beard », qu’il est très agréable de revoir apparaître dans la setlist, tant il se mêle bien aux derniers titres du groupe. Pas de surprise concernant le jeu de scène : Fallon (at)tire à lui tous les regards en arpentant la scène de long en large, en haranguant le public, et plus globalement par son charisme naturel incontestable. A ses côtés Dan Maines reste le plus souvent en fond de scène concentré sur ses lignes de basse, à l’image de Tim Sult, qui occasionnellement s’avance en front de scène… pour actionner l’une de ses pédales d’effet ! Jean-Paul Gaster, lui, vit complètement son set : ses mimiques et ses sourires tandis qu’il aligne des plans irréels sont toujours un spectacle hypnotisant. Il trouve bien sa place sur ce concert, avec des impros bien senties ici ou là, un petit solo des familles, etc…
Sur la fin du set, Clutch finit de célébrer la dernière production du quatuor yankee, avant de voir le groupe quitter la scène après presque une heure trente qui a parue ne durer que quinze minutes. A leur habitude, le groupe revient pour un rappel constitué de titres définis au dernier moment, en l’occurrence « Unto The Breach » et – on aurait eu du mal à s’en passer – un « Electric Worry » purement dévastateur. Le groupe salue enfin généreusement le public avant de s’éclipser, et de mettre ainsi le point d’arrêt scénique de cette nouvelle somptueuse édition.
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Nous reste, dans l’euphorie générale (Clutch a vraiment mis tout le monde dans un super état d’esprit), à arpenter une dernière fois notre terrain de jeu de ces derniers jours, en saluant les exposants, les copains, les GO (Gentils Organisateurs – dénomination parfaitement adaptée ici !), tout en espérant revoir tout ce beau monde pour une édition 2015 dont la date est déjà validée !
Chris & Laurent

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