HELLFEST 2014 – Jour 2 (Clutch, Monster Magnet, Acid King,…), 21 juin 2014, Clisson

Une poignée d’heures de repos, à nos âges, c’est peu… Cette reprise à 10h30 du matin fait mal, on peut le dire ! Heureusement, le ciel bleu au dessus de nous annonce un second jour aussi radieux que la veille, pas l’ombre d’un nuage à l’horizon, et il fait déjà chaud en ce milieu de matinée ! Ca s’annonce torride pour cette journée…

HARK
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C’est donc HARK qui ouvre les hostilités aujourd’hui sous la Valley. Hark, ou le nouveau projet de Jimbob Isaac, leader de feu-Taint, frontman charismatique, versatile et impliqué dès la première note dans la réussite de son tout jeune trio. Les compos sont alambiquées, audacieuses, déroutantes de par leurs structures, heavy as fuck, cependant  desservies par un mix un peu brouillon en façade. Le Jimbob (qui se filme pendant tout le concert avec une caméra fixée au bout de son manche de guitare…) rentre toujours autant dans son micro, communique, sourit, on sent qu’il est heureux dans ce projet et nous le rend bien. Ses deux compères ne sont pas en reste et se donnent tout autant ; Hark dégage résolument une très bonne énergie pour introduire cette journée ! Le public matinal est aux anges et la demi-heure de set donne un peu plus l’envie d’aller farfouiller « Crystalline », le premier album du trio. Excellente performance, qui donne envie de revoir le power trio gallois sur un set plus long.

HERDER
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Vient alors le tour des hollandais de HERDER qui déboulent le couteau entre les dents pour une demi-heure de gros sludge tendance metal, voire hardcore parfois, ou post-core même comme disent les jeunes, occasionnellement baigné de quelques vapeurs doom. Venus défendre leur récent dernier album, « Gods », ils n’en joueront finalement que trois ou quatre extraits (dont le dévastateur morceau titre) sur un set d’une grosse dizaine de morceaux joués à cent à l’heure. De temps en temps, leur vocaliste adressera quelques mots au public, en français notamment, mais le reste du temps est mis à profit pour développer leur petit commerce de charcuterie fine. Et là-dessus, vous pouvez compter sur le vocaliste Ché Snelting pour mettre du cœur à l’ouvrage : le bonhomme vomit ses tripes avec une vigueur qui force le respect : il beugle fort, certes, mais le batave hurlant possède aussi un coffre singulier, apportant quelque profondeur à ses vocalises. Un point commun qu’il partage avec l’ancien beugleur du combo, Nico, invité sur scène pour interpréter le terrifiant « Feet Eager To Run To Evil » avec ses anciens acolytes. Bon esprit ! Au final, un concert qui déboîte bien, mais peut-être pas ce que mon cerveau était prêt à digérer à ce moment-là de la journée…

MOS GENERATOR
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Un trio à la pilosité strictement inverse à celle de Herder foule maintenant les planches de la Valley : MOS GENERATOR est attendu, et ils le savent. Un peu nerveux en début de set, il ne faut guère que les quelques minutes de « Beyond the Whip » à Tony Reed pour rentrer dans son set, lâcher la pression et répandre la bonne parole stoner dans cette tente bien remplie. Le chant profond et rocailleux du guitariste fait sensation sur des titres comme « Lonely One Kenobi » ou le furieux « Silver Olympus », et le bonhomme ne se prive pas de caler ses soli sur quasiment chacun des morceaux. Pour le reste, ça aligne riff sur riff, on ne s’ennuie jamais, et les zicos profitent de chaque espace qui leur est alloué dans les chansons pour introduire des jams toujours impeccables. Même si le dernier album passe bien l’épreuve du live sur ses deux ou trois extraits joués aujourd’hui, le trio se fait plaisir en piochant dans toute sa discographie pour composer sa set list du jour. Plus impressionnant encore, Tony Reed nous confiera après le concert qu’en montant sur scène, ils avaient uniquement décidé du morceau d’intro, et que le reste de la set list a été constitué en direct au fil du concert ! Apparemment c’est une habitude chez eux… Cela produit un effet un peu décousu, mais aboutit fort opportunément à une conclusion certes un peu planante (« This is the Gift Of Nature »), mais surtout propice à une jam remarquable, qui met le public à genoux (faut voir les applaudissements retentir jusqu’au fond de la tente !). L’approche musicale audacieuse du combo force le respect, et sa musique, généreuse et efficace, n’aura pas mis longtemps à convaincre un public plutôt sur la retenue au début, qui leur mange maintenant dans la main et en reprendrait bien un peu plus pour la route !

SUBROSA
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Le contraste musical avec SUBROSA qui passe juste après fait un peu mal, avouons-le. Le doom-metal quasi-lyrique du combo largement féminin est  par essence plus froid, plus policé et parfois même « synthétique » (ah, cette paire de violons électriques, c’est un peu comme des synthétiseurs… faut aimer !). Pourtant, le combo ne démérite pas et jette toutes ses armes dans la bataille : l’énergie est là et l’ambiance développée sur album est bien restituée (voir l’épique « The Usher » issu de leur dernier album). On pourra avoir des réserves sur les vocaux de Rebecca Vernon, dont les passages les plus graves sonnent presque faux, mais c’est une question d’oreille (la mienne est visiblement plus habituée au sable et au son de gratte craspec). Reste que l’expérience musicale délivrée par le quintette est assez inédite : le genre musical adopté est original, composé de longues séquences où Rebecca à la gratte et Levi à la basse font tourner de gros riffs lancinants, laissant à la paire de violonistes l’occasion de s’engager dans des envolées en harmonie généralement bien amenées. Ca se laisse écouter sans déplaisir, et force est de constater que le public est bien dedans, headbanguant au rythme (lent) des morceaux, et applaudissant copieusement la fin du set des américains (terminé cinq minutes plus tôt, ce qui s’avère piégeux pour un groupe dont la durée moyenne des chansons est au dessus des dix minutes…). Sympa, mais pas complètement enthousiasmant.

WITCH MOUNTAIN
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Respect aux programmateurs : il y a une belle cohérence dans l’enchaînement de certains groupes sous cette Valley, qui force l’admiration. Caler ainsi les ouest-américains de WITCH MOUNTAIN juste après Subrosa et avant Acid King, c’est vraiment trouver le chaînon manquant entre le doom le plus épique et mélodique et le doom le plus lourd, lent et traditionnel. Comme nous le confiera Rob Wrong en interview après leur performance, le quatuor monte sur scène intimidé mais remonté et avec l’envie de se donner à fond. Le groupe entame les hostilités comme souvent sur le classique « The Ballad of Lanky Rae » qui permet à sa chanteuse Uta de donner un premier aperçu (probant) de ses capacités vocales. « Veil of the Forgotten » joué d’affilée vient rapidement permettre à la chanteuse de montrer toute l’étendue de son spectre vocal, passant de vocalises suraiguës à des vocaux d’outre-tombe que l’on a du mal à imaginer sortir de cette petite chanteuse presque timide ! Elle a beau assumer pleinement son rôle de frontwoman, elle garde sa posture modeste et discrète qui contribue à valoriser les autres membres du groupe et à conforter cette idée de cohésion où chacun joue parfaitement son rôle : une section rythmique robuste et un guitariste polyvalent qui enchaîne les riffs efficaces et élaborés avec les soli limpides, qui viennent élever certains passages de plus haute volée. Charles Dingus à la basse dresse des rythmiques lugubres parfaitement adaptées et cruciales dans la musique du combo, notamment pendant les passages de Wrong en lead. Globalement, c’est lent mais finalement jamais « trop » lourd, laissant toujours une place importante à la mélodie, comme des vieux Candlemass ou Pentagram, dans un autre genre. Avec « Never Know », le groupe s’engage dans un titre épique, laissant la part belle aux soli (parfois d’inspiration blues), particulièrement apprécié du public. Au final, la prestation sincère du combo aura recueilli un beau succès, mérité, malgré la faible notoriété du groupe dans nos contrées.

ACID KING
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Lori et ses copains d’ACID KING traînent sur le site du Hellfest depuis la veille, l’occasion de mater quelques concerts et de prendre la température du lieu… Ils ont donc eu tout le temps de se préparer. Et pourtant, à l’heure précise du début de leur set… il n’y a personne sur scène ! Joey Osbourne se calle derrière sa batterie, Mark Lamb s’empare de sa basse, et tout le monde regarde backstage pour chercher Lori du regard ! Petit mouvement de panique donc, avant que Lori, se précipitant sur scène, n’engage l’intro de « Busse Woods ». Mais ce petit aléa devient vite anecdotique alors que la blonde guitariste enquille les riffs patauds de ce classique instrumental. A partir de ce moment, la démonstration doom peut commencer. Faut dire que le trio a soufflé ses vingt printemps récemment, et même si sa carrière avance au même tempo que ses rythmiques anémiques, leur expérience scénique et la robustesse de leur interprétation ne souffrent simplement aucune critique. Alors que le combo enchaîne avec le superbe riff de « 2 Wheel Nation », les nuques commencent à onduler nonchalamment dans le public, de manière presque incontrôlée… Lori est alors bien calée derrière son pied de micro, alternant lignes de chant hypnotiques et attaques de cordes lourdes et viscérales. Elle n’est pas Joe Satriani et elle le sait ; mais en enchaînant une poignée d’accords par chanson, au bon rythme et avec la bonne énergie, elle parvient en quelques minutes à convaincre un public qui prend là sa troisième rasade doom de l’après-midi. Faut voir ledit public enchaîner les slams sur toute la durée du set, propices à se laisser voguer sur la mer de mains créée par une Valley en transe… Osbourne est toujours efficace derrière les fûts, caressant crash et ride entre des frappes lourdes sur ses fûts, tandis que Mark Lamb est complètement immergé dans son set, efficace pour dresser des rythmiques plombées, et agrémentant son jeu de basse solide de quelques effets type Wah-Wah parfaitement bienvenus. Au final, le groupe ne jouera que des extraits de « Busse Woods » et « III », et glisse dans son set un ou deux inédits (du pur Acid King, si les fans ont besoin d’être rassurés…). Pas une claque énorme pour qui connaît Acid King, mais encore une performance solide et efficace à mettre à leur actif.

CLUTCH
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De manière a priori inexplicable, la tension ambiante est palpable alors que l’heure du set de CLUTCH se rapproche. Il faut voir aussi la tente se remplir petit à petit, et le public continuer à se rapprocher et se masser inexorablement, entassés jusqu’à largement hors des limites de la tente. Et même sur le côté de la scène, on sent que « quelque chose se passe » en voyant les musiciens de Monster Magnet, Acid King, Witch Mountain, la paire Nick Oliveri / Joey Castillo (anciens de QOTSA, les deux lascars se retrouvaient avec Bl’ast !, un combo hardcore punkoïde qui jouait l’après-midi sous la Warzone), etc… se masser avec le sourire pour essayer de voir un bout de la performance ! Il y a une électricité et une tension remarquables dans l’air au moment où le combo monte sur scène sur le rythme funky de Chuck Brown qui leur sert d’intro depuis quelques années. De manière assez frustrante, Clutch a moins d’une heure de set ce soir. Le quatuor en a pleinement conscience, et devra faire dans la dentelle niveau set list. En engageant les hostilités sur « The Mob Goes Wild », enchaînée à deux titres de « Earth Rocker », ils passent un message clair au public, qui l’entendait bien de cette oreille : ce soir, des culs vont être bottés, par milliers. En calant « Gravel Road » en milieu de set, ils rappellent inéluctablement cet événement qui (je le pense) fut décisif dans leur lancement de carrière « tardif » en France, à savoir leur passage il y a cinq ans sur la mainstage où, alors quasi inconnus, ils entamaient leur set par ce même titre, l’un des plus audacieux de leur répertoire, bluffant (et embarquant) un public qui s’attendait à du hard rock classique. Même effet ce soir, mais devant un public qui les regarde avec la bave aux lèvres… Parce que le groupe est humain, ils se plantent un peu sur la transition « The Regulator » / « Mice and Gods »… Est-ce que ça diminue l’efficacité de ces petites bombes ? Je vous laisse imaginer la réponse, tandis qu’un parterre de fans à perte de vue saute dans tous les sens, slamme et chante les paroles le sourire aux lèvres… Le son, et on ne l’a pas assez souligné jusqu’ici (alors que ce fut une constante sous la Valley) est d’excellente facture, net, quasi cristallin, pointu… On a du mal à se réaliser qu’on est (presque) en open air ! Dans ses petits souliers, Neil Fallon reste sous tension sur toute la longueur du set, qu’il s’agisse de ses lignes vocales puissantes et toujours percutantes, de son jeu de scène énergique, ou de ses nombreuses interventions « instrumentales » (slide, électro-acoustique, « cloche », etc…). Le reste du combo, comme d’hab’, reste surtout concentré sur ses parties, mais n’est encore une fois à aucun moment pris à défaut. Solide. Parce qu’il n’aura jamais été dit que Clutch se la joue facile, ils glissent même en milieu de set un inédit, un titre plutôt rapide et punchy qui cartonne sur un public qui n’en demandait pas tant. Le final sur « Electric Worry » et « The Wolf Man Kindly requests… » est juste impeccable, et achève une tente qui a vécu un rêve éveillé pendant une petite heure. Pour beaucoup, ce set de Clutch fut le point d’orgue du Hellfest. J’aurais bien du mal à trouver beaucoup d’arguments contradictoires.

MONSTER MAGNET
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Disons-le tout net, la notoriété de MONSTER MAGNET n’atteint pas celle de Clutch vis-à-vis d’un large public rock / hard rock. Le quintette Est-Américain voit donc une ambiance plus apaisée installée dans son public, dans une tente néanmoins bien garnie. Et là aussi, s’il est dit quelque part dans les Dix Commandements du concert rock que le premier morceau donne la tonalité d’un set, alors en balançant « Superjudge » en intro, l’aimant monstrueux ne joue pas la facilité et laisse présager une ambiance space rock affirmée. Ambiance confirmée par le voluptueux mais épais brouillard qui envahit la scène sur toute la durée du set, fumée dans laquelle se distinguent à peine les silhouettes de nos cinq lascars. On se prend à détecter les prémices d’une set list de puristes alors que suivent « Medicine » et le classieux et trippant « Nod Scene ». Frissons, alors que s’enchaînent encore quelques vieux classiques (« Dopes… », « Twin Earth »…). Scéniquement, on peut le dire, le groupe est « at the top of their game », tout le monde est impeccable, et Wyndorf est impérial : vocaux sans failles, posture de frontman assumée, il est en forme et même souriant ! Les autres sont impeccables d’interprétation et de prestance, rien à redire, y compris Garrett Sweeny, qui confirme tout le bien que l’on pense de lui, qu’il s’agisse de ses leads incandescentes ou de ses rythmiques robustes. On était plus curieux de voir le remplaçant du puissant Jim Baglino à la basse, qui en son temps transmettait une énergie scénique appréciable. Son successeur est Chris Kosnik, le bassiste de… The Atomic Bitchwax (ça devient limite incestueux leurs conneries…). Sur scène, c’est le jour et la nuit : Kosnik est calé en fond de scène contre son ampli, et joue ses parties (impeccablement) en regardant ses collègues ou le bord de scène. Heureusement les autres maintiennent l’attention d’un public en état de semi-hypnose. Les surprises continuent à défiler sur scène, avec maintenant le puissant « Look to your Orb for the Warning ». Le set est immersif, efficace, et ne laisse pas au public l’occasion d’atterrir pour reprendre ses esprits même quelques minutes… Pris du même vertige, on s’aperçoit petit à petit qu’aucun des titres joués jusqu’ici n’a moins de… dix-huit ans ! N’étaient-ils pas supposés promouvoir leur dernier album, le superbe « Last Patrol » sorti il y a quelques mois à peine ? Quelle démarche commercialement suicidaire ! Pas stupides non plus, le groupe enquille en conclusion les traditionnels « Powertrip » et « Spacelord » (qui ont quand même plus de seize ans, pas non plus des titres très récents !). Succès garanti sur ces morceaux, qui laissent un public d’afficionados et de nouveaux convaincus exsangues, béats, qui planent un petit moment encore après le set dans une Valley qui prend quelques minutes pour atterrir et reprendre ses esprits… En voyant Dave Wyndorf quitter la scène fier comme un pape et avec un sourire jusqu’aux oreilles, on peut confirmer que ce sentiment du devoir (bien) accompli est assez unanimement partagé ce soir.

Après une telle journée, la perspective de voir une énième fois un concert chaotique du père Anselmo, défendre un album metal de faible intérêt pour le « standard Valley » nous encourage à regagner nos pénates pour récolter quelques précieuses heures de sommeil… Demain encore la journée commence tôt, et s’annonce intense…

[A SUIVRE…]

Laurent (et Flaux)

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