Los Disidentes Del Sucio Motel, Abrahma, Rescue Rangers, 2 mai 2014, Heretic Club, Bordeaux

En arrivant devant l’Heretic, célèbre petite salle associative du centre ville de Bordeaux, on commence à sentir que même si sur le papier toutes les conditions sont réunies pour une soirée d’exception, on ne peut pas maîtriser tous les éléments… En l’occurrence, un concert rock dans une ville éminemment estudiantine un vendredi de « pont » un lendemain de jour férié… ça ne rameute pas les foules ! Ajoutez à ça un public bordelais réputé apathique (après cinq ans de vie bordelaise et malgré quelques faits d’armes d’exception, difficile de contredire ce triste état de fait : Bordeaux n’est pas franchement une ville rock), et on ne peut pas dire que ça se presse devant la scène lorsque les marseillais de Rescue Rangers font gronder les premiers accords de guitare…

rescue

Mais ce n’est pas notre seule surprise en voyant le quatuor (!) évoluer devant nos yeux : du Rescue Rangers que l’on connaissait, ne subsiste que Pascal, emblématique frontman de la formation phocéenne. Autour de lui, un nouveau bassiste et un nouveau batteur, mais aussi un second gratteux dans un coin, qui nous rappelle vaguement quelque chose… C’est en fait Seb, frontman d’Abrahma, qui assurera donc ce soir deux sets d’affilée ! Nouveau line-up, donc, définitif ou pas (alors que l’on apprenait quelques jours plus tard que le groupe se séparait de son dernier bassiste Renaud), ça sent le malaise… Et bien non, bien au contraire ! Déjà à la balance, ça déconnait dur. Mais sur scène, l’entente est simplement parfaite, les musiciens sourient, se donnent à fond dans le set… C’est carré, rondement exécuté… Rien à redire ! Musicalement, Rescue Rangers n’a pas volé sa place à l’affiche de ce soir : leur musique est pleine de reliefs et d’ambiances différentes – à l’image des copains d’Abrahma – et est aussi chargée d’énergie, une sorte de gros coup de pied au cul plein de gros riffs – et en cela ils plairont aussi aux fans de Los Disidentes Del Sucio Motel. Mais les Rescue Rangers ne sont pas un vulgaire ersatz, et ils déroulent leur set efficace avec une fougue qui emporte le maigre public présent pour ce début de soirée. Moi qui n’avait encore jamais eu l’opportunité de voir ce groupe sur scène (et pourtant les bonhommes ont roulé leur bosse depuis le temps…) j’ai déjà envie de les revoir. Les gars en ont sous la pédale, c’est évident. Espérons que ce virage dans leur carrière leur soit en tout point positif… Ca a l’air bien parti pour !

abrahma

Un peu d’air frais, une petite boisson houblonnée, un peu de discut’ avec les groupes de la soirée, et le sol de l’Heretic se met à trembler, signe dans ce club que la musique reprend et qu’il est temps de descendre dans la salle de concert ! Et c’est reparti cette fois pour le set d’Abrahma. Le quatuor parisien démarre sur les chapeaux de roue avec le puissant « Tears Of The Sun », un morceau puissant et tortueux, signe que les gars sont pas venus pour se la raconter au coin du feu. Bonne surprise (pour ceux qui comme moi n’avaient pas eu l’occasion de voir le groupe live jusqu’ici), avec des moyens finalement assez simples (pédales d’effets guitares normales, et juste un second micro avec effets), le groupe parvient à retranscrire avec la même efficacité la complexité des arrangements de leur album, et ce morceau en est une belle illustration. Niveau énergie, en tout cas, ça envoie du steak. C’est là aussi une agréable surprise : l’album étant si riche, on pouvait craindre de voir des musiciens austères, uniquement focalisés sur leur instrument, leurs effets, etc… Rien de tel ! Tandis que Nicolas est plutôt concentré sur son jeu (faut dire que les parties de gratte du combo le justifient), Guillaume est au taquet avec sa basse. Quant à Seb, aussi à l’aise derrière ses micros qu’à débiter ses parties de gratte, il est juste complètement son set, à fond dedans, et c’est pas pour la déconne ! Un jeu de scène dense, jamais ennuyeux, qui maintient le set en tension sur toute sa longueur. Du travail de pro ! Plus loin dans le concert, l’efficace et accrocheur « Neptune of Sorrow » fait bien headbanguer le public présent, qui a beau ne pas être très nombreux, est content d’être là et participatif. Couillu, le groupe se lance dans un combo « Headless Horse » / « The Maze » aux relents dark presque doom, tempo lent et rythmiques lourdes et ronflantes… Et là, le groupe annonce une surprise : au bout de quelques mesures, on comprend qu’il est en train de se lancer dans un inédit probablement présent sur son prochain album. En première impression, le titre est lourd, sombre, pas aussi lent que le titre précédent toutefois, mais en tous les cas très puissant. Ca donne envie ! En conclusion de set, « Honkin’ Water Roof » est tout à fait approprié, avec en particulier un final qui fonctionne bien, avec ses percées de guitares presque larmoyantes. Super concert et super performance.

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Re-pause, re-appel des décibels pour ruer dans la salle et ne pas rater les premiers accords de Los Disidentes Del Sucio Motel. Et faut dire que côté riff lourd, les strasbourgeois mettent les petits plats dans les grands en commençant par l’un des titres les plus heavy de leur dernier album, « Kraken », enchaîné à un autre gros morceau, « ATARI ». Bien vu, ce choix permet de convaincre le public dès les premières minutes. Comme d’habitude, et ça fait toujours le même plaisir à voir, chaque membre du groupe est complètement dans le trip : les gars se donnent comme s’ils faisaient la première partie des Stones à Wembley. Chaque riff est interprété avec ferveur, chaque solo (et ça aussi ça fait plaisir d’en entendre) est joué comme si c’était le dernier de l’humanité, chaque ligne de chant sort des tripes de Sonny, Francky ou même Bobby, et chaque frappe de Billy lui arrache des grimaces que l’on pourrait presque croire de douleur (maso !). Evidemment, l’empathie aidant, le public est juste en phase parfaite. Les titres du dernier album s’enchaînent pour démontrer si besoin était que d’une part l’album passe super bien sur scène (bluffant, même constat que pour Abrahma : tous les arrangements de l’album passent l’épreuve du live haut la main), et d’autre part que sa richesse permet de varier la teneur d’une set list entière… Car oui, le groupe compose ce soir sa set list quasi uniquement à partir de leur « Arcane » – un signe de confiance justifié, on vient d’en faire le constat, mais un petit brin de regret nostalgique de la part des aficionados de leur première galette… Histoire de varier les ambiances (et les plaisirs) le groupe cale quand même en plein milieu de set (faut une sacrée paire de roubignoles) une reprise bluffante du « Teardrop »… le classique de Massive Attack ! Attitude et audace emportent le pompon sur ce titre qui aurait pu, sur le papier, en faire pâlir plus d’un… Un peu plus loin, « Lucky Man » prouve son potentiel de hit puissant et mélodique, enchaîné au désormais classique « Z », plus lourd, qui voit encore une fois les têtes du public hocher en rythme. Comme un clin d’œil, le groupe finit par un petit passage par son premier album, avec notamment une conclusion arrachée de justesse à l’horloge de l’Heretic, avec un « From 66 to 51 » qui rappelle que dès ses premières heures, le groupe avait le sens du riff qui percute et des refrains hurlés en chœur. Le quintette tire sa révérence après une grosse heure de gros rock superbement interprété, et nous laisse sur un sentiment mêlé de satisfaction et d’interrogation : pourquoi ce groupe ne tourne-t-il pas plus ? Il a tout pour rassembler un public à la fois large et exigeant… Il serait temps de mettre un coup d’accélérateur (et aux tourneurs de les solliciter un peu plus).

Au final, une fichtrement bonne soirée, dont je regretterai, le cœur un peu gros, qu’elle ne fut pas plus longue (on en reprendrait jusqu’au bout de la nuit… même s’il est une plombe du mat quand on quitte l’Heretic) mais surtout qu’elle ne fut pas partagée par un public plus fourni. Les absents n’ont pas eu tort, ce soir… ils ont juste à coup sûr passé une bonne grosse soirée de merde en comparaison de ce qu’ils ont raté. En tout cas on félicite et remercie les Make It Sabbathy d’avoir organisé ce plateau qui a fini de nous confirmer la qualité des groupes français.

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