Youth of Dissent, le précédent album des grecs, nous avait clairement déçus. Probablement parce qu’on aime le groupe dans cette case où ils excellent, celle d’un stoner rock trappu et groovy, rapide ou mid-tempo. En essayant de briser ce si confortable carcan, avec quelques pointes de maladresses en plus, 1000 Mods n’a pas recueilli beaucoup de suffrages avec ce disque (même s’il est parvenu à en valoriser une poignée de titres dans ses set lists live). En apprenant qu’ils avaient eu recours pour ce Cheat Death au même co-producteur, Matt Bayles, on avait le droit d’être inquiet (même si l’américain a quelques jolis noms à son tableau de chasse). De plus, en douce, le quatuor est devenu trio : suite au départ de Giannis en début d’année (pour “raisons personnelles”), le groupe n’a pas jugé utile de le remplacer et continue son chemin en mode power trio, apparemment (constat que la production du disque ne nous fait pas ressentir – attendons le live !).
Avouons-le, on était déjà prêts à ne pas aimer ce disque. Les premières écoutes, où les premières impressions pensent capter titres trop mous et astuces trop faciles, viennent conforter cet avis. Hommes de peu de foi que nous sommes… Avec un peu plus d’abnégation, les (at)traits réels de ce disque se font progressivement jour. Car oui, Cheat Death s’avère finalement être un bon, voire un très bon disque. En premier lieu, il propose quelques unes des compos les plus efficaces de la carrière du groupe (qui en connaît pourtant un rayon dans ce domaine !). C’est le cas du morceau-titre de l’album, avec son riff acéré et son très intelligent refrain multi-couches, “The One Who Keeps Me Down” et son riff méga-énervé et méga-accrocheur, “Overthrown” qui commence par un riff mollasson mais d’une belle efficacité, articulé avec un break plus rapide et surtout un final époustouflant (quel solo ! ça va être dur en live avec un seul guitariste…), ou même “Love”, étonnamment, un titre joué en électro-acoustique, aux atours quasi-pop, qui devient vite entêtant et propose une montée en pression très intéressante… En outre, le groupe larde son œuvre de purs moments de grâce, emblématiques de leur maturité et compétence en tant que songwriters (on pense aux différents arrangements de “Götzen Hammer”, au petit lick de guitare qui vient finir le refrain de “Astral Odor” comme une évidence, à la construction de la seconde moitié de “Misery”et en particulier son final, au break post-refrain articulé avec un petit solo sur “Cheat Death”, et évidemment au final de “Grey, Green Blues” et son arrangement de clavier particulièrement judicieux en fond, etc…
Après ce concert de louanges, on s’apprêterait presque à lui décerner le titre d’album de l’année. Sauf que non, Cheat Death souffre de quelques petites scories qu’on ne peut pas taire. En premier lieu on notera plusieurs titres trop longs, pour aboutir à… un album trop long ! Plus d’une heure de musique, on n’a rien contre a priori, mais ici cela nuit à l’efficacité. On aurait pu avoir un disque bien plus efficace en arrêtant “The One Who Keeps Me Down” au bout de 3 min, “Götzen Hammer” à 3:40 avant ce break malaisant, “Astral Odor” après 4 min quand il commence à se répéter, “Speedhead” à 2:30, ou encore en retirant quelques segments redondants de “Love” ou “Grey, Green Blues”… Par ailleurs tout n’est pas magique ici, et aussi mémorable soient-ils, certains morceaux sont moins intéressants : c’est le cas de “Astral Odor”, “Speedhead” (qui fera plaisir aux fans de Motörhead, mais trop cliché pour mettre en valeur 1000Mods), la bluette acoustico-instrumentalo-pop “Bluebird” (intéressante mais trop longue)… Mais vous savez quoi ? Repassez-vous la discographie du quatuor-devenu-trio, et vous vous rappellerez qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil : même ses albums les plus emblématiques souffrent parfois des mêmes maux… (dans des proportions différentes).
Cheat Death est donc sans l’ombre d’un doute un bon album, et il redonne des couleurs et des perspectives à une carrière discographique qui nous faisait un peu peur (les prestations live enflammées du groupe nous ont toujours rassuré sur sa bonne dynamique, heureusement). Il permet en outre au groupe d’atteindre deux objectifs : celui de procurer un vrai plaisir d’écoute (sur le long terme aussi, via des compos d’excellente facture) et celui de fournir quelques cartouches toutes neuves pour renouveler un peu son vieillissant arsenal live et rafraîchir un peu ses set lists. C’est donc sans réserve que l’on peut conseiller l’acquisition et l’écoute de ce disque qui, sans toucher au génie pur, propose quand même de grands et beaux moments de stoner rock.
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