Ils ont beau exister depuis plus de 15 ans, La Mort Appelle Tous Les Vivants est pourtant le premier album de Barabbas publié sur un label (Sleeping Church records, un choix d’esthète du metal underground, même si plutôt habitué aux penchants les plus extrêmes du genre), après un EP et un premier album discret, tous deux sortis en autoproduction. Le quintette parisien mène pourtant sa barque et tient le même cap musical depuis tout ce temps, emmené par une abnégation qui semble se nourrir de la dévotion pour un genre musical peu représenté dans le rock/metal dit « moderne » : le doom metal traditionnel, ce style jugé un peu suranné, qui ici rappellera en premier lieu Cathedral, Witchfinder General ou Saint Vitus. Solide (quasiment le même line up depuis quinze ans), toujours actif (le groupe est abonné aux premières parties captées ici ou là, en particulier en région parisienne), il est plus que temps que Barabbas se fasse plus (re)connu, et cet album pourrait être un pas significatif vers cet objectif.
Le style musical ne souffre d’aucune ambigüité, on ne reviendra pas dessus. La production, un peu hétérogène, semble parfois se chercher un peu, entre hommage sincère aux classiques old school et un son plus proche des productions récentes ; on en retiendra une mise en son globalement pas anachronique, qui ne sent pas la naphtaline, loin s’en faut. Cette crainte levée, reste à adresser « l’éléphant dans la salle », comme disent les ingliches : le chant en français. On entend déjà les esprits chagrins arguer que « le rock c’est en anglais », et on leur opposera volontiers une large part de cette galette, où le chant trouve sa place tout à fait naturellement – et mieux : où les thématiques choisies convoquent un champ lexical tout à fait compatible avec le style musical (on est loin des critiques énervées du climat social à la mode Trust, par exemple). Bref, malgré quelques moments un peu plus ésotériques (satanée barrière psychologique), à l’image de titres comme « Le Saint Riff Rédempteur » ou le refrain de « Le Cimetière des Rêves Brisés », le chant en français fonctionne, et Saint Rodolphe (chaque musicien est un “saint”…) emporte parfaitement la musique du groupe, avec un coffre qui force l’admiration et une voix puissante et rocailleuse à souhait. Validation sans ambigüité.
Le genre est honoré avec déférence, sans clichés ni gimmick trop facile, et le cahier des charges est bien respecté : thématiques détachées du réalisme contemporain (Barabbas développe un imaginaire basé sur une sorte d’évangile un peu décalée – même si certaines paroles peuvent avoir un écho plus concret…), du riff du riff du riff, des soli de guitare, de subtiles nappes de claviers pour l’ambiance… Le groupe nous embarque dans un parcours où se mêlent la fougue et l’envie de bien faire les choses. On y trouve sept vrais titres (hors intro/outro), bien denses (presque une heure au total), facettes complémentaires d’un portrait complet du groupe. Les compos sont efficaces (ça sent le goût du riff) malgré quelques longueurs ici ou là, et l’on passe un vrai bon moment à lever le poing rageur sur les refrains de “De la Viande” ou “Le Saint Riff Rédempteur”, avec même quelques vrais moments de grâce sur certains passages, remarquablement ciselés.
En fin de compte, La Mort Appelle Tous Les Vivants est probablement l’un des meilleurs disques du genre sortis ces derniers mois, et pas seulement en France. Bon, en vérité on ne s’engage pas trop, ce style de musique est vraiment très peu représenté dans le paysage musical aujourd’hui, reposant sur une poignée d’artistes esthètes épicuriens et surtout passionnés. Cette passion et cette intégrité, si jamais leur carrière ne suffisait pas à les démontrer, transpirent par chaque sillon de ce vinyl (formule subtilement ironique, pour un disque sorti pour le moment uniquement en digital et CD). Même s’il a le charme de l’imperfection, les riffs sont bons, la prod est solide, l’exécution est sans faille, l’ennui est inexistant… Peut-on décemment demander plus ?
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