Les suédois de Besvärjelsen (à vos souhaits – qui est le génie du marketing qui s’est dit qu’un groupe ainsi nommé aurait plus de facilité à conquérir un public international ?!) ne sont ni tout jeunes ni très anciens non plus… en tout cas sous cette forme. Le quintette s’est formé en 2014, et a déjà sorti une paire de EP par leurs propres moyens, sans faire trop de vagues. Depuis quelques semaines, le petit cercle promotionnel doom/stoner bruisse de ce nom imprononçable, à gands coups de « avec des anciens Dozer et Greenleaf dedans, entre autres groupes ». Calmons les ardeurs. Certes, l’on retrouve sans déplaisir une des sections rythmiques de Dozer (le bassiste Johan Rockner vient d’intégrer le groupe, rejoignant le batteur Erik Bäckwall qui officia effectivement un temps chez la merveille de Börlange). Mais pour le reste, quelques zicos dont le CV comporte une mini collection de groupes suédois plutôt très underground, pas matière à vendre Besvärjelsen comme un groupe de « all stars » non plus…
Plus dubitatif qu’enthousiaste, on se plonge dans ce disque avec l’envie d’en savoir plus. Les premières écoutes désarçonnent. Chant féminin en suédois (sauf deux titres en anglais, mais avec un fort accent), sons doom, plans dark, structures parfois prog, mélodies limites stoner, ambiance quasi-folk ici ou là… Tout se mélange. Faut dire que « Besvärjelsen » signifie en quelque sorte « Incantation », et effectivement tous les genres musicaux liés à l’occulte ne sont jamais très loin. Après plusieurs écoutes, c’est moins confus, le tout formant quand même quelque chose de plutôt cohérent, voire consistant.
Le constat a priori plutôt contrasté dans les premières écoutes laisse donc progressivement place à une impression plus favorable. D’autant plus qu’au fil des écoutes, la qualité mélodique de l’ensemble émerge progressivement, en particulier sur les lignes vovales de Lea Amling Alazam : sans être une chanteuse à la technique vocale remarquable (on pense très fort à une autre chanteuse suédoise que nous affectionnons tant… Cœur avec les mains) force est de reconnaître que ses mélodies vocales sont très efficaces (« Röda Rummet », « Falsarium »). Globalement les compos sont au rendez-vous et l’interprétation de bon niveau : l’ensemble est varié et dynamique (on passe du rapide et percutant « Öken » au très doom « Return to No return », en passant par un très bon « Alone » de plus de 10 minutes, un titre vallonné et sinueux qui rappellera occasionnellement les derniers Greenleaf) et laisse à chaque fois une bonne place aux instrumentistes (notamment à travers quelques soli efficaces, par exemple sur « I Skuggan Av Ditt Mörker »).
Niveau production, le compte n’y est pas totalement, la mise en son étant souvent un peu le cul entre deux chaises, entre la volonté d’une rondeur massive et diffuse plutôt doom, et l’exigence de clarté des influences plus atmosphériques de la musique du groupe. Quelques choix d’arrangements un peu douteux apparaissent aussi ici ou là, plutôt le fruit d’une mauvaise inspiration (ex : ces chœurs très « QOTSA nouvelle époque » sur « Mara », le refrain braillard mais un peu trop fluet instrumentalement de « Röda Rummet »…). Mais rien de trop pénalisant non plus…
Besvärjelsen propose finalement un premier album plus intéressant que ne le laissaient présager les premières écoutes et les speeches promo un peu pompeux et volontaristes. En proposant une musique riche, un peu exigeante sans être rebutante pour le profane, le groupe pourrait voir une petite fan base se constituer autour de sa démarche et construire un début de carrière que nous suivrons de près. Un bon début, à confirmer.
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