Décidément, les groupes norvégiens se sont illustrés ces derniers mois, et le dynamique label Apollon Records n’y est pas pour rien. Leur nez (ou leur oreille plutôt) a su flairer et mettre en avant quelques groupes bien séduisants qui nous font considérer un peu différemment l’ensemble de la Scandinavie, en allant regarder un peu au delà de ces parfois un peu énervants suédois… En l’occurrence, l’occasion nous est donnée de découvrir le très bon second album (même si le premier ressemblait plus à un EP qu’à un LP) de ce lugubre quintet de la région de Bergen.
Il s’en est pourtant fallu d’un cheveu qu’on passe à côté : la faute à une première plage, “Tahaghghogh Resalat”, en droite et pleine provenance du moyen orient. Il faut dire qu’on a toujours du mal à assimiler le dernier Jucifer [pour info et hors sujet : le groupe de sludge épais et brutal vient de sortir un album complet… de pure musique orientale, une hérésie…] et on se voyait déjà partir à nouveau dans cette veine. Heureusement, après 4 minutes, un véritable déferlement de haine brute, un tombereau de doubles croches boosté aux blast beats et aux growls d’outre tombe en mode black metal vient nous cueillir, pour mieux nous envelopper ensuite dans les bras chaleureux du plus tortueux blackened doom. Raaaah lovely… Le titre se prolonge sur un riff doom plus convenu, mais ô combien bienvenu, servi occasionnellement par de subtiles envolées mélodiques… Tout ça sur un même morceau, on réalise avec un peu de recul que ce n’est plus de l’équilibrisme ni du grand art, mais bel et bien de la folie brute – sur 9 minutes éprouvantes.
“The Seer” qui enchaîne nous apporte exactement ce qui faut pour nous rassurer dans notre périple : un riff velu, bas du front, dense et tendu, des ces riffs qui vont vous aplatir les molaires sur 5 minutes durant. Sa mise en son, brute et massive, froide et quasi chirurgicale, est l’œuvre de Chris Fielding (Conan) qui apporte exactement la production pertinente à cette trop courte galette de 35 minutes.
La face B présente un groupe mature dans ses choix, confirmant la riche introduction du disque : Bismarck déroule peu ou prou la même recette, piochant dans le grimoire de référence du petit doomeux illustré, tout en en actionnant le poisse-omètre sur le mode “hyper gras”, mêlant avec bonheur plans atmosphériques, passages mélodiques et rage froide. Et que dire de ces emprunts mesurés au psych rock ou même à la musique folk, sincères séquences d’accalmie préparant à une nouvelle furie guitaristique, généralement auréolée des terrifiants vocaux de Torstein Nørstegård Tveiten.
Il n’en faudra pas plus pour confirmer la place de Bismarck dans la jeune garde du doom européen, un doom riche d’hybridation, audacieux et fidèle à ses racines : sombre, froid, terrifiant… mais beau ! Jamais le groupe ne se perd dans la facilité, le riff grossier ou le gimmick un peu trop forcé : si l’album est imparfait, c’est toujours au profit de cette petite touche de frénésie qui distingue les grands albums des bons albums. Rajoutez-moi 10 minutes du même niveau à cette galette et c’est un aller simple pour le Valhalla.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)