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Bongripper – Empty

Il nous aura fallu attendre plus de cinq ans après l’excellent Terminal pour se mettre dans les oreilles une nouvelle livraison du quatuor de Chicago. Quelques rares opportunités de voir le groupe sur scène aurons confirmé la pertinence de cet album, prouvant aussi toute son efficacité en live (en particulier « Slow », sa première moitié, souvent jouée en entier). Empty nous arrive aujourd’hui, avec quelques différences de forme : 66,6 min environ (soit plus de 20 min supplémentaires par rapport à Terminal), pour quatre morceaux cette fois (dont les titres constituent comme toujours chez Bongripper un bout de phrase cohérent : Nothing – Remains – Forever – Empty) – fondamentalement, rien de très surprenant au regard de leur discographie.

Les premières écoutes viennent confirmer ce constat à chaud : pas de révolution à l’horizon a priori, on retrouve les marqueurs du groupe, à savoir ce doom instrumental monumental, toujours aussi lent que possible, emmené par un son énorme et une rythmique de mammouth. On entend même ici ou là de vrais échos en mode « clins d’œil » à leurs productions précédentes. Cette chaleureuse zone de confort incite à faire tourner la galette en boucle, encore et encore, et permet d’en dévoiler les facettes un peu plus « cachées ».

Ça commence par « Nothing », une belle pièce de plus de 20 min, qui se lance sur un feedback de guitare (qui fait écho aux intros live du groupe) dégénérant progressivement pour faire émerger la trame mélodique clé du morceau (ça nous rappelle l’intro de « Slow »). Évidemment, la bête évolue et le premier gros riff écrasant intervient quelques minutes plus tard, enchaîné à des plans plus « aériens » (avec ces leads emblématiques du groupe) puis plus tortueux, voire lourds. L’outro se prépare gentiment autour d’un break qui rappelle cette fois celui de « Endless », pour clôturer la séquence sur un riff « de une note » évident. Boum, l’intention est claire : Bongripper propose en intro rien moins qu’un best of de ses derniers faits d’arme.

« Remains » qui lui fait suite est moins marquant, proposant un condensé là aussi de leurs compétences, moins optimisé (voir ce riff certes dévastateur, mais un peu trop tiré en longueur sur la fin du titre).

L’une des pièces maîtresses du disque intervient ensuite avec « Forever », qui tient tout entier (pendant 12 minutes !) sur une phrase mélodique unique ! Ça commence très lentement, déroulant progressivement son fil, avec un pattern mélodique qui tourne ad lib pendant 5 min, auquel viennent se greffer quelques harmonies à deux guitares puis, progressivement, une basse discrète et une batterie toute en subtilité. La tension monte avant l’inéluctable et fatal break Bongripper-esque, où l’on se fait littéralement écraser par un riff-montagne reprenant exactement le même enchaînement de notes que la mélodie lancinante du début. La même séquence vient ensuite se retrouver, ralentie, étirée, en mode crushing-doom pour nous amener jusqu’à l’inéluctable fin du morceau. Bien plus qu’un exercice de style froid et stérile (maintenir un titre en tension(s) sur la durée, avec une séquence mélodique unique), « Forever » trouve immédiatement sa place dans les plus grandes compos du groupe.

On croyait alors le point culminant du disque atteint… avant de se faire écraser par « Empty » et ses plus de 20 minutes de beauté doom, monumentale dernière pièce de la galette. Comme son prédécesseur, l’introduction est subtile et gracieuse, touchant même à la majesté par le truchement notamment de ce splendide arrangement de cordes (en réalité toujours à la guitare) à 2min30 qui vient transcender l’émotion de cette intro. Le titre parcourt progressivement un chemin sinueux, mène à un passage de gros doom pachydermique, pour mieux préparer le terrain à un break speed / extreme metal purement écrasant à la fin du premier tiers de la chanson (non sans rappeler le déferlement de violence de l’intro de « Satan »). La seconde moitié du titre, plus « classique Bongripper », vient le renforcer en le ramenant sur l’autoroute du doom le plus lourd, avant une redescente progressive, véritable sas de décompression, bien nécessaire pour reprendre ses esprits…

Il fait peu de doute au final que Bongripper vient de sortir sa pièce maîtresse, même si Empty suscite moins de « surprise » que certains de ses prédécesseurs, pour des raisons différentes. Il vient d’abord, et de manière flagrante, faire la démonstration de leur maîtrise absolue d’un genre qui devient leur marque de fabrique unique (difficile de nos jours de citer plusieurs groupes qui sont les uniques porteurs d’un genre musical entier – or, à y réfléchir, c’est bien le cas de Bongripper), un genre qu’ils poussent ici dans ses retranchements en termes d’efficacité. Et si cela ne suffit pas, Empty apporte aussi des perspectives plus qu’enthousiasmantes pour l’avenir : sans jamais dénaturer leur style, ils y injectent des reflets novateurs, des idées fraîches, qui vont au-delà de l’apport de l’expérience. C’est le signe encourageant et enthousiasmant d’un groupe à la créativité vivace, qui en a encore sous la pédale, et dont il nous tarde d’entendre les prochaines productions. Dans cette (déjà insupportable) attente, nous devrons capter la moindre opportunité de voir le groupe en live pour y découvrir des incarnations encore plus puissantes de ces nouveaux morceaux.

Note de Desert-Rock
   (9/10)

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