La production solo foisonnante de Brant Bjork sur la première décennie du présent millénaire nous avait habitué à voir le bonhomme dans le paysage musical, toujours actif, là, dans un coin. Discret, toutefois, avec des sorties qui passaient souvent presque inaperçues : petits labels, distribution inexistante, tournées de petites salles… Lorsque Kyuss Lives ! vient rappeler Bjork à son passé de batteur, c’est presque avec surprise qu’on avait noté son enthousiasme à battre la mesure derrière ce all-star band (et donc disparaître un peu de la lumière, après tant d’années en tant que leader d’un solo band à géométrie variable). La dynamique qui pousse le groupe de tournée en tournée, allant même jusqu’à sortir un album très visible l’an dernier, semble séduire le californien (les revenus associés n’y sont sans doute pas étrangers…), et la chute est donc rude lorsque John Garcia annonce il y a quelques mois qu’il ne compte pas donner suite pour le moment à Vista Chino. Comme il était prévisible, Bjork trouve un rebond salvateur à travers la sortie d’un nouvel album solo, ce Black Flower Power. Il aura gagné dans l’opération une visibilité inédite (label important, tournées de headliner dans des salles plus grandes, etc…).
Ce n’est pas toujours un cliché que de dire que le premier titre de l’album en “donne le ton”, très souvent. Et très rarement ce fut autant le cas que sur ce disque, où la première minute de “Controllers Destroyed” contient tous les éléments clés qui peuvent définir ce disque : ça commence par un riff complètement sabbathien, enchaîné à un break basse-batterie venu de nulle part qui envoie un groove remarquable, portant la signature emblématique du grand frisé au bandana. Le reste du titre est à l’avenant et prolonge cette sorte d’ambivalence intéressante, sans en faire le titre de l’année non plus. Cette tendance heavy est en tous les cas un des points saillants de ce disque. Le reste de l’album nous rappelle ce qu’on aime et que l’on aime moins chez Brant Bjork, à savoir, pour résumer, une créativité remarquable, un feeling impeccable (ses soli sont toujours intéressants, sans pour autant relever d’une technique incroyable), mais aussi… un léger manque de cohérence, que l’on fera volontiers passer pour un excès de fantaisie tout à fait symptomatique chez Bjork (et qui contribue au charme du bonhomme, avouons-le).
Ainsi, certaines compos sont un peu moyennes, tandis que d’autres se distinguent plus favorablement, à l’image de “Stokely Up Now” qui s’articule autour d’un riff Bjorkien typique, et propose un break-boogie court mais bon sur sa fin. On notera aussi le heavy et fuzzé “Boogie Woogie On Your Brain”, la fin de “Ain’t No Runnin'” ou le plus-Bjork-ien-tu-meurs “That’s A Fact Jack”…
Deux titres “bonus” viennent compléter cette galette (heureusement, sinon elle durerait moins de 35 min…), un long blues répondant au nom de… “Hustler’s Blues” (!) dont la deuxième moitié remplie de soli bien groovy ne manque pas d’intérêt, et un instrumental, “Where You From, Man ?”, qui devrait ravir les stoner-heads les plus traditionnels, avec son desert rock de la meilleure facture et ses jams fuzzées à rallonge sur huit minutes.
A l’heure des bilans, on est (comme souvent avec Brant Bjork) un peu partagé : Black Flower Power est un bon album (pas son meilleur toutefois), et il comporte à la fois des initiatives audacieuses et des plans dont nous étions très (trop ?) coutumiers sur ses réalisations précédentes. On est contents de retrouver le bonhomme, en forme qui plus est, et de noter que sa créativité n’a pas pâti de ces dernières années où il est resté assis derrière un kit de batterie à jouer essentiellement des vieux morceaux. Maintenant, comme on se le dit à chaque fois, il nous tarde d’entendre l’album qu’on le sent capable d’écrire, celui de l’évidence et de la consécration. Mais les années passent, et il se cantonne à enchaîner les bons albums. C’est déjà pas si mal en soi, et certains groupes pourraient déjà se satisfaire d’une telle tendance…
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