La carrière discographique du grand frisé a beau avoir eu des hauts et des bas, qualitativement parlant (ou, soyons plus honnêtes, des albums plus difficiles que d’autres), tout le monde peut convenir que son terrain de jeu est le live. A ce titre, sa production vinylique a généralement été le prétexte à composer quelques pépites pour alimenter des sets live souvent fiévreux. De là à émettre l’hypothèse que ses albums studio existent principalement pour justifier ses tournées, il n’y a qu’un pas. Quoi qu’il en soit, quel constat surprenant finalement qu’un artiste de cet acabit n’ait pas encore dans son escarcelle d’album live ! La chose est réparée par l’entremise de son label Napalm Records avec la sortie de ce Europe ’16 dont le titre laisse peu de place à l’imagination : on va donc trouver sur ce disque des morceaux live enregistrés plus précisément à Berlin en novembre dernier.
Alors, écouter un disque de Brant Bjork en live, ça donne quoi ? Ben à peu près exactement ce qu’on imagine. En gros, on est posté devant sa paire de haut-parleurs (ou entre deux écouteurs, on vous laisse vous projeter selon votre habitude d’écoute de disques) et on écoute le bonhomme et son Low Desert Punk band (qui n’ont pas les honneurs de la pochette, tiens…), et donc sans voir les volutes de fumée s’élever ici ou là du public, sans voir Dave Dinsmore et son jeu de basse sensationnel, Bubba Dupree et son jeu de scène anémique mais son doigté impeccable, Ryan Güt et ses sourires all brite, ou encore le grand ténébreux et son jeu de jambe improbable occasionnel, cet oscillement au niveau du genou qui est devenu le signe annonciateur sans faille d’une séquence au groove imparable. Donc oui, un set de Brant Bjork sans tout ça, ça fait un peu light.
On essaye de se rabattre sur les deux facteurs clés de réussite d’un live : le son et le choix de la set list. Côté son, c’est net et sans reproche. Propre, mixé sans fantaisie (la stéréo du pauvre : une guitare à gauche / une guitare à droite) mais avec efficacité, ou plutôt une plutôt bonne fidélité au mix habituel live du groupe (avec la basse toujours sous-mixée au goût de votre serviteur). On notera en revanche une mise en avant un peu surprenante des vocaux (on n’y est pas vraiment habitués) et quelques incursions du public un peu surprenante (trois cris de joie et fade out – pourquoi ne pas proposer le concert en intégralité ?).
Côté set list, on est un peu plus circonspect : les deux tiers du disque (8 titres sur 12) sont issus des deux derniers albums de Brant Bjork ! Autant pour les fans old school… Sur ces derniers, les titres sont bien choisis, et quelques interprétations ne sont pas dégueu, même si certaines laissent à désirer (c’est quoi ce plan jam anémique sur la fin de “Biker No.2” ? Et quid de “Dave’s War”, dont le groove jam déroulé sur presque 10 minutes n’est pas forcément meilleur que sur disque, alors qu’on pouvait légitimement espérer un plan impro de belle tenue…).
Au rayon des plutôt bonnes surprises, on notera un bon “Lazy Bones” (pas mal tarabiscotée) qui introduit comme d’habitude un bon “Automatic Fantastic”. “Low Desert Punk” rafle aussi la mise en version pêchue rallongée sur 10 min en impros de bonne tenue. probablement le meilleur titre de la galette, imparable. De même pour ce “Freaks of Nature” opportunément déterré ces dernières années, propice cette fois à une série de soli bien foutus – mais sans magie non plus cette fois. Mais quid de “Too Many Chiefs… Not Enough Indians” ? (que Ryan Güt n’a jamais réussi à transcender en live il est vrai) “73” ? “Hydraulicks” ? Des morceaux qui ont vécu, que le groupe pourrait vraiment transcender.
Bref, on peut se féliciter de voir le principe de l’album live revenir un peu sur le devant de la scène (jeu de mot. Humour.). A ce titre, nul doute que les fans du père Bjork ont déjà fait l’acquisition de la bestiole. Pour les autres, la réflexion est de mise : c’est un bon disque live, le son est très correct et il permet de valoriser la carrière de Brant Bjork. Reste que cette set list très discutable et une interprétation qui n’atteint jamais complètement les sommets rendent l’objet un peu aseptisé. Qui aime beaucoup châtie un peu (ou un truc comme ça…). On attendait vraiment une grosse claque, on a eu un bon album live. C’est déjà ça… ?
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)