Quand l’info est tombée il y a quelques semaines d’un nouveau disque de Cathedral, plus de dix ans après leur séparation, on a été pris d’un frisson inédit… pour ensuite déchanter UN PEU lorsqu’il a été précisé qu’il s’agirait d’un seul titre, issu des sessions de The Last Spire, le dernier disque studio de la formation doom anglaise. La chanson a donc été enregistrée en 2012, mais pour une raison inconnue (quelques indices possibles ci-dessous), n’a pas été mixée et prise en considération pour être inclue dans le disque à l’époque. Elle a apparemment été retrouvée récemment par accident par Jaime Gomez Arellano, le producteur de l’époque, qui en a informé les musiciens, ayant depuis oublié jusqu’à son existence… Une chanson = un disque ? Dans tous les cas, on est sur un cas étrange, qu’il nous tardait de disséquer.
Society’s Pact With Satan, de son petit nom, est effectivement un titre unique (dans tous les sens du terme, on va rapidement en prendre la mesure), que les afficionados de vinyl retrouveront donc artificiellement scindé en deux parties, une par face. Avec presque 30 min au total on est proche de la durée d’un album « classique », qui justifie donc une sortie autonome.
Cette chanson atypique s’avère quasiment protéiforme, et soyons honnête : on n’est pas loin d’y retrouver en réalité plusieurs chansons enchaînées, quatre ou cinq, en gros, soit l’équivalent d’une sorte de mini album.
La première section est construite autour d’un riff ultra-basique très doom, lent et lugubre, percé plusieurs fois par les incantations étranges et malaisantes de Dorrian (et des lignes de chant bien décalées… avec plus de pieds que de syllabes parfois…). Juste assez malsain pour poser le paysage. Après cinq minutes, apparaît une nouvelle séquence (chanson ?) autour d’un autre couplet riff & chant, déchiré d’abord par un break un peu tortueux et quelques leads disparates, puis plus loin par une autre séquence de soli bien plus remarquable, où une section de guitare plus « virtuose » enchaîne avec un plan à très fort apport mélodique.
Une transition amène à la section suivante (on est à 14 minutes, ça ressemble au passage entre la face A et la face B…), très aérienne cette fois, à forte théâtralité, à grands renforts d’orgues, et qui se clôture par une longue séquence de guitare acoustique classique. Cette dernière est balayée par un nouveau plan, qui amène probablement le tronçon le plus agressif du disque : un riff saccadé très simple, une batterie binaire redoutable, un petit lick de clavier en fond, et le chant robotique de Dorrian. On est sur une tranche de metal assez délectable, avec, après cette attaque assez riffue, une succession de breaks et de leads très réussie.
Comme un clin d’œil, on retourne ensuite au riff du premier titre pour quelques mesures, puis enfin au passage bruitiste qui servait aussi d’intro, histoire de plus encore « boucler la boucle » (une remarque : les diverses transitions cumulées prennent quand même presque 8 minutes en tout, soit plus d’un quart de la plaque…).
Après avoir ingurgité et bien digéré cette rondelle de haute densité musicale, on prend la mesure de sa dimension atypique : The Last Spire n’était pas le meilleur album de Cathedral, mais pas non plus le plus atypique : ses compos assez « classiques » (au regard de la discographie récente du groupe) auraient probablement mal accompagné cette plage « difforme », qui aurait difficilement trouvé sa place dans la dynamique de l’album. Pour autant, la richesse de sa composition la positionne dans une catégorie différente d’une « simple face B ». Dès lors, le format « presque album » sied bien à cette sortie.
Musicalement, ce n’est pas le meilleur de Cathedral, mais c’est du solide, et efficace. Quelques fulgurances succulentes et moments de grâce viennent même larver cette petite demi-heure de doom metal old school. On y retrouve avec ravissement des petits clins d’œil à la richesse musicale que pouvait proposer Cathedral (avec aussi – et c’est un peu le charme de la défunte formation anglaise – des moments plus étranges, voire moins réussis). Une sortie très appréciable, donc, et justifiée.
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