Les japonais barrés de l’Eglise de la Misère nous reviennent, se rapprochant tranquillement des bientôt trente ans de carrière, quand même. Dans l’intervalle, une flopée de LP, EP, splits et autres joyeusetés ont affirmé la place importante de CoM dans le paysage stoner-doom mondial, sous la houlette de Tatsu Mikami, le bassiste plus que jamais seul cerveau et leader du groupe (la liste des musiciens ayant œuvré à ses côtés durant la carrière du groupe dépasse les vingt noms…). Fait notable sur ce disque, le retour derrière le micro de Kazuhiro Asaeda, premier chanteur du groupe, présent sur leur premier LP, parti il y a… 27 ans ! Ayant re-connecté avec Mikami via le projet jam-blues-rock Sonic Flower, le vocaliste se retrouve embarqué dans cette nouvelle mouture du quatuor.
Mikami, habituellement modeste et réservé, s’emballe un peu dans le speech promo du disque (probablement enjolivé par un zélé stagiaire marketing), affirmant que ce Born Under a Mad Sign serait (je cite) « sans aucun doute le meilleur disque de CoM », « un chef d’œuvre du doom », « (…) tout y est parfait ! Il n’a aucun point faible »… Oh la, tout doux l’ami… On déchante un peu après les premières écoutes, d’où l’on ressort avec un avis assez mûr et engagé, que l’on pourrait résumer par : « mouaip ». En effet, les premiers tours de pistes tardent à révéler les points forts du disque, ses morceaux emblématiques qui pourraient trouver leur place dans les set lists live du groupe.
Mais ce serait accorder bien trop peu de crédit au génial quatre-cordiste, qui, si l’on peut (quand même) avoir quelques réserves sur son diagnostic, propose quand même une bien bonne galette. Les premières frustrations à chaud tiennent surtout à la production au global : la mise en son, dans un sens technique, ne souffre pas de point faible, mais en première approche ça manque de gras et de saleté, le groupe japonais ayant toujours évolué sur la fine voie de crête entre un son puissant et des sonorités garage authentiques. Ici on est sur du « un peu propre », ce qui est un peu désarçonnant au début. Heureusement en montant un peu les potards, le gras apparaît et resplendit… Même constat côté chant : on a été habitué à un peu plus de crin et de glaire sur les cordes vocales (et pourtant le timbre subtilement éraillé de Asaeda fait généralement bien le job ici). Côté guitare itou : si le niveau de saturation est assez élevé dans l’ensemble, on retrouve quand même pas mal de plans plus aériens qui nous font craindre quelques instants que Mikami ne vise à rapprocher CoM de Sonic Flower (des soli, des passages jamesques… avant le solo de « Come and Get Me Sucker » par exemple, sur le solo trop-clair-pour-être-honnête de « Most Evil » encore, ou sur la courte intro insolemment pop de « Butcher Baker »).
Heureusement il n’en est rien, et très vite ces premiers retours sont contrebalancés par le fait que l’on retrouve bien les composantes jouissives de la musique du groupe. En premier lieu, le son de basse de Mikami, qui porte seul quelques riffs bien sentis parfois, et enrobe d’autres passages de ses jouissifs plans de « basse wah-wah » dont il a le secret, véritable marque de fabrique du combo (voir « Freeway Madness Boogie » où son jeu est omniprésent). Et puis il y a les riffs : en bon élève, le bassiste construit systématiquement ses morceaux sur ces briques solides, et le disque n’en manque pas : « Butcher Baker », « Most Evil »… On ne parlera même pas de la dose de groove, autre pierre angulaire de la musique de CoM, qui amène certains titres moyens à des niveaux de qualité bien supérieurs (le break à la moitié de « Beltway Sniper », le bien nommé « Freeway Madness Boogie » au global…)
Bref, au final Born Under a Mad Sign trouve une bonne place dans la discographie du groupe (qui ne propose toujours aucun album parfait). Quelques titres plus faibles viennent un peu tirer la galette vers le bas (le peu inspiré « Spoiler » avec son clavier inintéressant et sa ligne de chant qui, sans relief, vient dos à dos avec la partition de guitare, ou encore le très cliché « Come and Get me Sucker » – malgré l’intéressant passage de bottleneck sur ce dernier), tandis que d’autres petites perles viennent au contraire directement trouver leur place dans le « best of » du groupe (« Most Evil », « Freeway madness Boogie »…). Finalement du bien bel ouvrage, et la preuve que le groupe n’est pas sur le déclin, loin s’en faut.
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