Parfois, dans des moments d’égarement, j’éprouve une certaine lassitude face à tous ces groupes portés sur le déluge de guitares soutenu par des rythmiques binaires pendant qu’un gars, rarement doué pour çà, s’époumonent en brayant une prose peu réjouissante, parfois incompréhensible et souvent vide de sens. Dans ces moments-là, j’ai envie de légèreté, de groove dansants et d’énergie positive. Et je l’avoue, il m’arrive alors d’écouter des groupes ou artistes que je n’oserais citer ici par peur de perdre le peu de crédibilité dont je pourrais jouir. Cela dure en général quelques semaines, avant qu’un album de chevelus ne me replace sur le droit chemin. Le dernier en date s’appelle « Tempel » et il a remis de l’ordre dans mes neurones agités en moins de dix minutes, le temps pour « Aquamaria » de balayer toutes mes remises en question. Un condensé de tout ce dont Colour Haze est capable en 2006, le résultat d’une décennie passée à affiner son style, à créer son vocabulaire et à modeler son propre son. Pour présenter Colour Haze, on pourrait parler en chiffres : trois musiciens d’exception, plus de dix ans d’existence dont sept avec un line-up inchangé, huit albums et quelques splits sans parler des nombreuses apparitions sur diverses compilations, une grosse centaine de concerts dont quelques apparitions remarquées de l’autre côté de l’Atlantique. Mais « Tempel » est bien plus que la somme de tout çà, c’est l’aboutissement d’une démarche sincère et rigoureuse, l’expression d’une volonté de ne jamais stagner et de continuer à aller de l’avant sans jamais se reposer sur ses acquis. Colour Haze prétend faire du heavy psychédélique. C’est faux. Colour Haze fait du heavy ET du psychédélisme et tout son talent consiste à balader l’auditeur de l’un à l’autre sans qu’il ne s’en rende compte en balançant du gros son aux détours d’un solo moelleux marqué de la griffe unique de Stefan Koglek, le géant aux pieds nus au style reconnaissable entre milles. On suit volontiers ces trois-là dans ce voyage en terrain accidenté mais toujours fluide où la rythmique vous caresse les tympans avant de vous les exploser sans concessions en prenant des chemins détournés, guidée par une guitare inventive et excitante. Ils ne sont pas les premiers à utiliser ces structures progressives, loin de là, mais ils excellent à enchevêtrer les différentes parties d’un morceau pour le rendre homogène, créant une dynamique souvent irrésistible. Cerise sur le gâteau, Colour Haze s’est offert un son chaud et organique qui renvoie tous les pâles copieurs lécher leurs pochettes de Kyuss, apportant ce petit supplément d’âme qui fait toute la différence entre une poignée de bons musiciens et un grand groupe.
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