Dans un désert de pierre, une meute de loups rôde et semble attendre impatiemment le feu vert de leur maître, un guerrier de métal accompagné d’un corbeau peu avenant, pour s’abandonner à un déchainement de violence et de sang. Comme toujours, Conan accorde un grand soin à ses artworks (œuvre du génial Anthony Roberts), toujours très travaillés et en parfaite adéquation avec leur musique. C’est sans étonnement pour un groupe au patronyme directement emprunté à un emblème de la fantasy que l’on retrouve cette ambiance très chevaleresque sur chacun des albums du groupe : un premier split avec Slomatics en 2011, Monnos en 2012 et Blood Eagle en 2014. Et si les moins anglophones d’entre vous ne remarqueront pas que les thèmes mythologiques/merveilleux débordent jusque dans les paroles, la musique seule suffira à vous transporter directement au beau milieu d’une bataille d’un autre monde. Et oui, pas besoin du TOEIC pour comprendre que chez Conan, les têtes volent à coup de hache.
En deux albums, Conan a réussi à se tailler une belle place dans la sphère doom, en grande partie grâce à un son particulièrement fracassant et singulier. En effet, s’il n’existe pas de superlatif à « massif », alors devrait-on l’inventer pour qualifier au mieux la musique du trio anglais et mettre ainsi en garde sur le probable décollement de mâchoire sous l’effet d’une fuzz portée à 11. Les personnes ayant déjà eu la chance de les voir en live pourront d’ailleurs témoigner. Porté par le guitariste et chanteur Jon Davis, seul membre permanent depuis la création du groupe, Conan revient avec un Revengeance qui n’a pas perdu sa fameuse distorsion en chemin. La guitare et la basse se confondent et résonnent en choeur pour former cet épais brouillard dans lequel on entend retentir les cris et les échos du chevalier Jon Davis et de son écuyer-bassiste Chris Fielding. La batterie toujours très présente ajoute de la lourdeur à l’ensemble, avec des cymbales au son froid comme la mort.
Conan n’a jamais fait dans la composition alambiquée et ne s’embarrasse pas d’éléments superflus : les riffs sont simples, presque primitifs, pour une parfaite allégorie de la sauvagerie humaine. Sur ce dernier album, cette philosophie de la bestialité s’avère on ne peut plus vrai. Revengeance est surement l’album de Conan le plus épuré mélodiquement, de fait le plus lourd et de fait le moins abordable. À l’appui, des morceaux comme « Wrath Gauntlet » ou « Thunderhoof », chacun aussi évidents que violents. Le carnage de ce champ de bataille plongé dans la brume atteint son apogée dans un déferlement de brutalité et de rapidité inhabituelle sur « Throne Of Fire » et « Revengeance », et prend fin sur les onze minutes de l’épique « Earthenguard », à l’ambiance menaçante et écrasante. Chez Conan, le happy end n’existe pas.
Pourtant, malgré un léger virage plus heavy encore, l’impression de déjà-vu persiste tout au long de Revengeance. Si les deux premiers albums de Conan pouvaient surprendre par une production sonore d’une puissance nucléaire à faire pâlir Fukushima, la surprise ne prend plus au troisième et la déception de n’entendre pas grand chose de plus que ce que l’on connait déjà rend l’écoute vite ennuyeuse. Revengeance n’est pourtant pas un mauvais album en soit, mais il laisse l’amère impression que le groupe se repose sur ses acquis et nous propose la même chose depuis leurs débuts sans trop se creuser la cervelle. Après les mythiques Monnos et Blood Eagle, peut-être avait-on placé la barre de l’espérance trop haute pour ce Revengeance, un album définitivement en demi-teinte.
À déguster avec : du Galak (bon, mais rapidement écoeurant)
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