The Sixth Storm, “la sixième tempête”, en l’occurrence aussi la sixième production long format de Count Raven… Le disque nous est tombé dessus sans crier gare, alors que l’on croyait le groupe mort et enterré pour de bon, douze ans (!!) après un Mammons War qui, s’il était loin d’être mauvais, commençait quand même à sentir la naphtaline… Faut dire que des groupes de doom qui ont débuté dans les années 80 et qui restent actifs et pas ridicules, on peut en compter sur les doigts de la main du Baron Empain. Count Raven en fait partie, et pourtant ils n’ont jamais vraiment réussi à se hisser au statut culte qu’ils méritent. La faute à quoi ? Une discographie sans faux pas mais sans album de référence évident, un line up instable, bon nombre de splits et autres interruptions de carrière pour des durées plus ou moins claires, une présence scénique famélique… Et pourtant, donc, le groupe trace sa route, se relève après bientôt 35 ans d’existence, et sort dette sixième offrande, que l’on a écouté, reconnaissons-le, un peu à reculons… Le risque de déception était fort : qu’attendre finalement d’un groupe qui évolue dans le même cadre musical depuis plus de trois décennies, qu’ont-ils encore à proposer ?
Déjà, il convient de prendre acte du line-up : le quasi-despotique leader Dan Fondelius est toujours épaulé de la même section rythmique depuis une demi-douzaine d’années, c’est un symptôme de stabilité remarquable dans la carrière du groupe. La recette n’a pas changé au moins depuis le début de ce siècle : ça reste lui qui porte le son Count Raven, au chant et à la guitare. Côté guitare, Count Raven est et reste un groupe à riffs, et The Sixth Storm n’y déroge pas, loin s’en faut, ils s’y comptent à la pelle : “The Nephilims”, “The Giver and the Taker”, “Baltic Storm”… C’est bien simple, chaque titre s’appuie sur un ou plusieurs riffs aussi solides qu’efficaces. Côté vocaux, son chant reste percutant, détonnant dans le paysage du doom moderne, avec une vraie personnalité. C’est (et ça a toujours été) l’un des principaux signes distinctifs du groupe, l’une de ses forces. La prouesse principale de Fondelius tient encore plus dans sa capacité à proposer des mélodies vocales fortes et vraiment marquantes. C’est d’autant plus utile qu’il n’y a qu’une guitare chez Count Raven, les vocaux permettant de compenser le manque de guitare lead sur certains plans.
Quand vient le moment de comparer ce sixième opus à ses cinq illustres prédécesseurs, on en arrive invariablement à le trouver dans leur parfaite continuité. Déjà, avec 1h15 de musique, les suédois se montrent encore une fois généreux. La quantité est là mais la qualité est aussi au rendez-vous : sans se réinventer, le trio sonne bien (j’ai failli écrire “moderne”…) et écrit bien. On trouve bon nombre de petites perles de créativité disséminées ici ou là, refrains hyper catchy et autres joyeusetés venant démultiplier l’intérêt des titres. Prenez “Blood Pope” par exemple : non content de lâcher un gros riff dès l’intro du couplet, ils se permettent de tronquer la chanson en plein milieu par un break heavy et malin, un peu venu de nulle part, et de finir en mode doom sabbathien bien dark. Forcément, on est moins fans des titres mielleux dont le Comte Corbac a coutume, ici un bien dégoulinant “Heaven’s Door”, puis une clôture sur le prophétique “Goodbye”, longue bluette à cordes et piano bien dégueulasse. Mais laisser ces titres faire ombrage à quelques autres pièces maîtresse serait purement malhonnête, et on vous redirigera vers les très massifs “Oden” (épique ET lent, si si) ou “The Nephilims” (plus de 10 minutes d’un titre à tiroirs assez remarquable) pour le constater.
On s’attendait honnêtement à trouver un album de vieux doomeux bedonnants, exsangues d’inspiration, à rabâcher leur Sabbath en pantoufles. On trouve finalement un trio qui s’assume dans son genre (dont il est désormais l’un des derniers défenseurs actifs dans la scène musicale actuelle), à l’aise, et surtout… pertinent ! Count Raven ne sonne pas daté ! Bien au contraire, ils font montre d’un talent renouvelé pour les compos doom old school à rallonge, à haute teneur riffique. Une très bonne surprise, et fondamentalement un très bon album de (vrai) doom.
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