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Domadora – Lacuna

Domadora, ou « la femme dresseuse de lions » si l’on en croit les traductions d’anciens textes sacrés espagnols. Une entité sauvage incarnée par trois musiciens parisiens depuis 2012 et qui œuvre au carrefour du heavy psyché et du jam des seventies. En 2018, ils viennent poser la troisième pierre à leur édifice avec un album intitulé Lacuna. Quatre pistes arborant comme étendard un artwork du photographe et cinéaste français Antoine d’Agata ; artiste subversif dont les thèmes abordés, tels que l’errance, les corps, le sexe et les expériences alternatives, sauront illustrer à merveille le propos torturé du trio français.

Depuis 2013 et leur premier album Tibetan Monk on pourrait déplorer à juste titre une diminution du nombre de titres sur les galettes ; sept, puis six et enfin quatre. Toutefois, la taille parfois dantesque de ces derniers ainsi que leur richesse pallient sans mal ce désagrément. Prenons comme exemple la première piste : « Lacuna Jam », un gros jam électrique sans détour s’étirant sur plus de neuf minutes. Après une rapide intro sous la forme de samples superposés d’une voix française, la guitare entre en scène. Le premier riff s’éveille et très vite la section rythmique débarque. Une batterie incisive et précise qui, accompagnée d’une basse rondelette à la douceur entêtante, structure et narre autant sinon davantage que la mélodie de Belwil. Une fois à température, ce guitariste déploie son répertoire en enchaînant séquences spatiales et soli endiablés. Une sauce qui interpellera les amateurs d’Earthless, mais pas que.

Comme nous le prouve « Gengis Khan », l’énergie de cet album ne se limite pas à cracher sa fièvre et à distribuer des riffs. Ici, le propos se révèle plus subtil. À tel point que les deux premières minutes du morceau nous évoqueraient presque My Sleeping Karma. Même si rapidement Karim s’emballe derrière ses futs, invitant Belwil à lâcher un puissant riff qui pour le coup nous bousculera à la manière de Karma To Burn. Y’a toujours une histoire de karma, mais la ressemblance s’arrête là. Pendant les 14 minutes de ce voyage en terres lointaines, on ne cessera de balancer entre les deux influences. Un pèlerinage à la fois doux comme un rêve et aussi violent qu’une bataille à dos de cheval. Une dichotomie retrouvée dans « Vaccum Density » et sa thématique torturée. Rien que dans le titre déjà, ça pue l’ambivalence. Et ça, la guitare l’illustre à merveille, tant par l’ajout ou non de ses effets que par le choix de son jeu.

On revient davantage vers le jam avec « Tierra las hommage », dernier morceau et monstre de 16 minutes aux accents d’assaut final, mais surtout épique. Belwil se rapproche par moment plus de l’imprimante sonore que du soliste tandis que ses deux copains ne le lâchent pas d’une semelle dans sa course frénétique. Une superbe pièce dotée d’une formidable énergie, sans doute taillée pour le live et qui vous laissera trempé de sueur.

En conclusion, une musique désarticulée bien loin des standards de construction et faite d’un bois aux multiples essences. On se sent tiraillé, comme en face d’un miroir de l’âme humaine, à contempler nos propres paradoxes. Y’a pas de doute la dresseuse de lions sait user de son fouet à bon escient. Et on en redemande sans une hésitation.

Note de Desert-Rock
   (7/10)

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