Chez mon disquaire, mon œil est inévitablement attiré par cette pochette délicieusement ringarde, et ce nom de groupe tellement clichesque et naïf. Je me fais la réflexion qu’il faut en avoir une bonne paire pour sortir un skeud sous cet emballage, comme s’ils se jetaient à la gueule du premier chroniqueur puriste venu. Un peu comme se jeter à poil devant un pitbull en secouant une poche pleine d’entrecôtes et en le traitant de mauviette. J’écoute rapidement les premiers titres, et c’est quand même furieusement abrasif. “Le nouveau groupe de Nate Newton de Converge”. Humm… Pas de doute là-dessus, du Converge, on en retrouve : la base souvent hard core / limite punk des vocaux, certains passages qui relèvent plus de la pure agression sonique, pas d’ambiguïté : les chiens ne font pas des chats.
Mais alors, “Doomriders”, c’est quand même pas anodin comme nom de groupe, faut être sérieusement entamé pour essayer de fourguer à des fans de punk un album de doom. Ben en fait, du doom “brut”, du vrai, y’en a peu, mais des ambiances doom, des passages bien épais, lents, visqueux, des riffs glaireux au possible, des rythmes lents et des basses bien graves, on en retrouve pas mal ! Et le mélange fait vraiment du bien ! Là où des groupes comme Ramesses optent pour une musique froide, élitiste, synthétique, dans un genre qui finalement n’est pas SI éloigné que ça, Doomriders se la joue débridée : les mecs se lâchent, collent des breaks de folie, partent dans tous les sens musicalement, si bien qu’on chope ici ou là quelques pures pépites qui n’ont franchement rien à voir avec Converge ! Prenez “Midnight eye” par exemple, osez me dire qu’on ne dirait pas une chute de studio de Danzig (il y a 10 ans) sur laquelle viennent se vautrer quelques grattes bien graisseuses ! Ca fait drôle, je vous promets ! Et “Listen up” avec son intro de basse abyssale Et groovy (si si, écoutez, je vous jure), ça démarre comme un morceau de metal hard core bien classique, et ça se termine avec des soli de gratte harmonisés (sur fond de basse bondissante, encore) sur lesquels ne cracheraient pas le larbin génétiquement modifié de Slayer et Iron Maiden. Décomplexé je vous dis ! Au diable les étiquettes ! Un peu plus tard on retrouve un instru bourré de feeling, “Voice of fire” épique, qui se termine par une tornade de grattes pachydermiques, du genre qui vous dégagent bien derrière les oreilles.
Les fans de Converge en auront aussi un peu pour leur argent (un peu) avec des petites bluettes sympathiques comme “Fuck this shit” (amis de la poésie), “Worthless” que l’on dirait interprété par un Nashville Pussy gavé aux hormones (1min50 et s’en va) ou “Drag them down”.
J’ai du mal à vous décrire un genre unique dans lequel évolue ce groupe. Tout ce que l’on sent c’est la profonde sincérité de ce side-project bien frappé du bulbe. La musique de Doomriders est rêche, brute, elle fait peur, vraiment. Je ne la conseillerai pas aux amateurs de musique trop policée, peu complexe. Ici ça part dans tous les sens, et il ne faut pas avoir peur de se prendre un coup de poing dans le bide avant de se détendre sur un morceau limite instru acoustique, juste avant de se prendre à nouveau un direct du gauche sous le menton, avant de se laisser planer sur un break bien voluptueux. Beaucoup de plaisir au bout du compte, mais il faut s’en donner les moyens. Hautement recommandable, mais pas pour tout le monde.
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