Down est de ces combos qu’il n’est plus nécessaire de présenter. Dès son premier opus en 1995, le quintet américain s’est imposé comme une implacable machine à riff, un dealeur hautement recommandable de rock graisseux. Bande de potes issus de ce que le sud des US a fait de mieux dans les années 90’s (Pantera, Crowbar, EyeHateGod et Corrosion Of Conformity), ses musiciens revendiquent une liberté absolue et un régionalisme identifié, tamponné du Lys et siglé des quatre lettres : N.O.L.A. pour New-Orleans Louisiana, devenus l’ancrage ou encrage de nombreux barbus à travers le monde. Auto qualifié récréation musicale, n’affolant pas les majors et se refusant aux tournées, le groupe assumait sa position de respiration musicale aérant les têtes pleines de riffs de ses rednecks tatoués de membres, devenus prophètes du southern métal à travers les continents. Aujourd’hui les choses ont bien changé. Pantera a été définitivement abattu à Colombus en 2004 et Down, par la force des choses, a remplit le vide laissé par les divins thrasheurs. Désormais entité principale de ses protagonistes, forçant Crowbar, EyeHateGod et Corrosion Of Conformity à modifier leur rythme et leurs habitudes, loi du dollar oblige, la bête déboule en force sur Roadrunner, multiplie les tournées, tire sur la pompe à fric et épuise Rex Brown pour des raisons bassement monétaires.
Down III en 2007 signait le grand retour discographique du combo sans pour autant marquer les esprits aussi durablement que ses deux insurpassables prédécesseurs, mais se positionnant tout de même comme un disque solide, émaillé de quelques pépites passionnantes. A partir de ce moment, Down deviendra un mastodonte du genre, un nom dont on affiche le logo sur la main stage dans tous les festivals pour hommes en noirs et pompes à bières. Alors qu’une suite se fait attendre, Anselmo annonce dès 2011 qu’à en juger par l’état du marché du disque mondial, les nouveaux titres ne sont que prétextes à partir en tournée et que le matériel récemment composé par sa clique sortira à intervalles réguliers sous formes d’EP. Un premier en 2012, vite affublé du surnom de Purple EP puis un second en 2014, sans qu’une couleur dominante ne permette de filer la métaphore pigmentaire.
Entre la publication des deux dits supports, Kirk Windtstein quitte le navire, plus enclin à vivre sa vie de capitaine incontesté et incontestable au sein de Crowbar, son plus fiable navire. A l’heure de l’introspection, la cinquantaine approchant, il semble évident que se dissoudre dans de multiples projets faire perdre de vue l’essentiel. Remplacés par un roadie de luxes (handicapant ainsi Honky, nouvelle formation à pâtir désormais de l’emploi du temps de l’ogre Down), la désertion n’entrave pas la marche en avant du combo mais ne semble pas arranger son déclin en matière de composition. En effet, le premier Ep ne brillait pas autant que les précédents joyaux d’un combo à la discographie hautement recommandable. Pourtant serti de quelques pièces de luxe (« Witchtripper », « Misfortune Teller ») l’ensemble est inégal et semble bâclé. La déception était alors suffisante pour doucher les attentes concernant les trois pièces suivantes, déjà en fabrication.
La question de l’intérêt du second EP apparaît finalement comme presque philosophique, si l’on considère que cette bande de potes, prônant la récréation sans avenir (Down, 1995) ou revendiquant la plaisir de s’enfermer pour des semaines de jams et de défonce (DOWN II, A Bustle In Your Hedgerow, 2002) publie désormais leur musique sous forme d’Ep ou interchange ses musiciens tant que cela permet de respecter le planning. Las de ne pouvoir reformer Pantera à cause des dégâts causés par sa grande bouche au fil des années, Anselmo, brailleur en chef, cumule les annuités, plus conscient finalement que ne semble l’être son public que sa voix montre des signes de faiblesse. Sa reconversion dans le music business via son label (Housecore Records) ne risquant pas de financer ses vieux jours, puisque ce dernier n’a rien compris au retour du support physique de qualité et est de toute façon bloqué par des goûts franchement douteux et une ligne artistique pour le moins contestable.
Down IV part II est donc la résultante de tout ce chemin parcouru sans semer les précieux cailloux qui aurait permis de retrouver la bonne direction, celle du riff qui fait mouche et des breaks qui luxent les nuques les plus entrainées. A l’image du poussif Ep précédent, cette nouvelle fournée n’offre aucun intérêt, versant faiblement dans le heavy métal musculeux, ressassant quelques gimmicks sans jamais n’offrir une pièce de bravoure suffisamment tangible ou un quelconque refrain marquant. Il ne subsiste qu’une impression de bouillie bayou dont les inflexions grassouillettes donnent envie de dépoussiérer les albums précédents, et réentendre les titres poisseux qui ont formé la légende. Le sort réservé à l’écoute de cet album était sellé avant même sa publication, rien de bon n’est possible lorsque l’on verse dans l’auto caricature par nécessité conjoncturelle.
A ceux qui me répondront qu’il fait du bien d’entendre de vieux amis revenir avec du matériel neuf, je leur suggère de réfléchir à ce que Down nous prive et nous a privé pendant tant d’années en éloignant des musiciens talentueux de leurs amours premiers. Crowbar, Corrosion Of Conformity ou EyeHateGod sont tous de retour ces derniers temps avec des opus bien plus intéressants que ce fatras métallique tiède comme une Bud depuis trop longtemps sortie de la glacière.
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