« A voyage through the ages ». Voilà ce à quoi nous invite le label World in Sound sur la page d’accueil de leur site internet. Cette organisation allemande non gouvernementale a une politique bien claire : nous replonger dans l’âge d’or du rock psychédélique, où Grateful Dead et autre Quicksilver Messenger Service régnaient d’une main de maître sur le monde du rock, à grand renfort d’improvisations enflammées, terrain de rencontre du blues et d’un hard tout nouveau. Heavy, psychédélique et rock progressif, voilà donc le fer de lance du parti. Pour mener à bien sa mission, le label s’est entouré de groupuscules à l’idéologie similaire, tous persuadés qu’un revival patte d’eph et veston-imprimé-marguerite pourrait être la rédemption espérée à notre époque d’errance sonore. Le fameux « c’était mieux avant », adage éculé mais aussi malheureusement souvent justifié. Au rang des élus locaux, on trouve notamment Christian Peters, le guitariste-chanteur et tête pensante de Samsara Blues Experiment, groupe figurant d’ailleurs au catalogue du label. Entre deux albums avec sa bande, Christian trouve le temps de se faire le porte parole de la philosophie du rétroviseur et de tous ses bienfaits pour l’industrie musical en promouvant certains artistes signés chez World In Sound. C’est le cas des heureux élus du jour, j’ai nommé les trois allemands de Dunst. Et avec le leader de Samsara Blues Experiment comme VRP, ça flaire plutôt bon la qualité.
Initialement enregistré en 2011 et distribué numériquement en 2013, « Archimedes Waffen » est le deuxième album du groupe. World In Sound a décidé d’offrir une seconde vie à l’album en l’éditant en CD cette année, Electric Magic Records s’étant quant à lui chargé de l’édition vinyl. Une fois le disque lancé, on est tenté de rouvrir notre chaîne hifi pour s’assurer qu’il est bien écrit « Dunst » et non « My Sleeping Karma », tant le titre introductif « Kin-Shaq-King » fait penser aux allemands, pas eux, les autres, donc. Finalement pas besoin de se donner cette peine, notre patience viendra taire notre surprise : même si l’influence de mon karma endormi (le titre francisé à quand même moins de cachet que l’original) est évidente, Dunst s’oriente vers quelque chose de plus jazzy et progressif. On s’amuse avec les tonalités, les rythmiques, et dans ce joyeux et très maîtrisé terrain de jeu, on perçoit les spectres chéris du passé, comme Cream ou Can, au milieu de groupe plus récent aux sonorités plus rentre-dedans. Le très réussi « Hammerhigh » offre un bel échantillon de ces différents univers, mixant riffs puissants et ravageurs avec passages plus délicats et tout en retenu. D’autres morceaux laissent paraître une volonté de pousser l’expérimentation sonore un poil plus loin en intégrant timidement des effets moins usités, comme « Agathe & Saturnia » et son synthétiseur de l’espace, ou « Dhimahi Prachodayat », dont tous les joueurs d’Altered Beast sur Megadrive reconnaitront la bande sonore.
La diversité de l’album permet de faire passer les 6 titres instrumentaux sans problème. Les influences du groupe sont liées avec une telle cohérence que cet « Archimedes Waffen » trouve finalement son identité propre sur des bases pourtant très classiques. L’initiative de World In Sound de dépoussiérer ces enregistrements passés inaperçus à l’époque est donc à saluer.À n’en pas douter, tous les nostalgiques de Pompidou trouveront leur bonheur en jetant une oreille à cet album, mais aussi aux autres proposés par le label. Si Dunst garde une filiation sonore évidente avec la sphère stoner, beaucoup de groupes chez World In Sound s’en éloignent pour un rock plus traditionnel, mais n’en restent pas moins intéressants et talentueux. Alors si pour vous aussi, tout était mieux avant, faites-y un tour.
À déguster avec : de la crème fraîche (composée par Eric Clapton et sortie en 1966)
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