X

Eagle Twin / The Otolith – Legends of the Desert – Volume 4

Pour la quatrième fois en quatre ans, le discret mais très qualitatif label américain Desert Records, confortablement ensablé au coeur du Nouveau Mexique, sort un split album ambitieux et intéressant (lancé via crowdfunding, dispo désormais via son bandcamp – cf plus bas). Ce volume 4 est non seulement orienté doom, mais met aussi en avant la scène musicale de l’Utah, à travers Eagle Twin et The Otolith. Chaque groupe se fend de deux chansons, pour un total de vingt minutes chacun environ ; on s’attend évidemment à du lent et lourd.

Eagle Twin est un objet bien singulier dans la sphère « élargie » de la chose doom. Le duo, mené par Gentry Densley, est peu productif (et trop rare sur les planches) mais chacun de ses disques est une franche réussite, poussant dans ses retranchements un genre un peu trop étriqué pour eux. L’annonce de nouveaux titres (plus de six ans après son dernier disque) ne pouvait donc pas nous laisser insensible, et c’est la bave aux lèvres que l’on s’est jeté sur ce split.

Attardons-nous d’abord, donc, sur leurs deux nouveaux titres. Comme prévu, il faut un bon paquet d’écoutes pour en appréhender la teneur, le duo américain n’aimant rien de plus que de déconstruire son doom radical et le mêler à des structures aux limites du progressif, enchaînant les plans, plus écrasants ou étourdissants les uns que les autres. C’est le cas de ce « Horn vs. Halo » introductif, qui commence sur un lit mélodique convoquant discrètement des sonorités ethniques presque primitives (on pense aux chants indiens, d’autant plus avec le recours au chant de gorge diphonique toujours confusant de Densley). Rapidement, le gaillard y pose un riff de colosse, qu’il tord en tous sens pendant 10 minutes, autour de tergiversations guitaristiques diverses, harmonies malaisantes, breaks impitoyables… On n’y compte plus les envolées épiques ou les passages de rouleaux compresseurs sordides, quand le groupe choisit, pour le dernier tiers, de nous prendre par la main vers une issue moins sombre. « Qasida of the Dark Doves » ne propose pas de changement stylistique majeur : on est toujours déchiré entre riffs massifs et accords dissonants, sur un morceau un peu moins déstructuré toutefois (tout est relatif).

On passe ensuite aux deux titres de The Otolith (groupe né des cendres de Subrosa, sans Rebecca Vernon), dont le style pratiqué ne surprend guère : on est en plein dans un doom mélodique sombre et (paradoxalement ?) très lyrique, violon très présent (en lead/mélodie ou en support rythmique) et un chant où presque systématiquement se mêlent en chœur celui de Sarah Pendleton et celui de Kim Cordray, l’un assez convenu, et l’autre sur-aigu et quasi opératique. L’ensemble vise la grandiloquence, c’est très dark et emphatique, et conséquemment ça s’éloigne un peu du doom quintessentiel, primitif et âpre. Il y a peu de riff ou de socle mélodique basique, mais c’est plein de couches mélodiques harmonisées qui viennent se conforter l’une l’autre.

Affichons-le directement : le split mérite clairement le coup, pour la partie de Eagle Twin en premier lieu, et même rien que pour ce colossal premier titre. Sa densité, sa richesse, font qu’il dévoile encore ses trésors après (littéralement) des dizaines d’écoutes. On appelle ça une composition rentable ! En considérant le reste du disque comme du bonus, tout le monde est gagnant.

 


Note de Desert-Rock
   (8/10)

Note des visiteurs
(8/10 - 2 votes)

(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)