Moins de deux ans après leur premier disque (Early Moods, meilleur disque de 2022 que personne n’a écouté), le quintette angeleno aura suivi notre précieux conseil de battre le fer tant qu’il était chaud : après quelques séries de dates live nord-américaines, le fougueux combo s’est immédiatement attelé à la composition de ce nouveau disque et s’est engouffré en studio pour sortir cette nouvelle galette, toujours chez les brillants et décalés Riding Easy Records.
Son écoute attentive confirme la furieuse passion de ces jeunes californiens pour ces influences complètement surannées qui avaient fait le charme de leur première galette : une sorte de doom metal nerveux, absolument ancré il y a 3 ou 4 décennies plus tôt, l’ensemble teinté d’une énergie qui emprunte beaucoup aux groupes de la NWOBHM. A cet égard, l’alchimie déjà entendue sur leur première rondelle est toujours là.
Qu’est-ce qui distingue ce disque du précédent ? On serait tenté de dire “rien”… et on n’aurait pas tort, en un sens. Est-ce que l’écriture est meilleure ? Oui parfois, mais les meilleurs titres de Early Moods restaient meilleurs que les moins bons de ce second opus, donc franchement, on est dans une belle continuité. On pourra mettre en avant une plus grande maturité (quelle surprise…) avec un groupe qui s’assume et se complait dans ce style musical. Mais pour le reste, pas de révolution : ils font toujours brillamment ce qu’ils faisaient super bien avant.
“Ce qu’ils font”, donc, c’est en quelque sorte faire reprendre vie au Pentagram des années 80 (son chant hanté, ses riffs mêlés d’occultisme et ses leads malaisants), lui injecter le riffing du Sabbath des années précédentes, et emmener le tout sur des rythmiques issues du metal des années 80. Jamais proche du plagiat, Early Moods développe plutôt son style si enthousiasmant à travers 8 compos de plus de cinq minutes (minimum syndical pour du doom metal traditionnel) qui ne se dispersent jamais. Mentions spéciales à “Unhinged Spirit” (pour son riff délicieux bien sûr, mais surtout son groove prodigieux sur ce break rythmique emmenant la fin de la chanson sur une cavalcade metal de haute volée), le très occulte “The Apparition” et son riff en droite lignée du 1er Sabbath, les soli roboratifs de “Walperguise” ou de “Hell’s Odyssey” sur sa seconde moitié…
A Sinner’s Past se déguste comme une petite pastille hédoniste, un plaisir coupable et extrêmement régressif. Il y a une vraie satisfaction à écouter un groupe talentueux et inspiré jouer une musique que l’on pensait morte, contenue exclusivement dans une pile de vieux disques poussiéreux : voir ce style musical prendre vie, animé par tant de talent et d’inspiration est un sentiment particulièrement vivifiant. Quand, en outre, l’intégrité et la passion mènent la barque, alors il devient difficile de ne pas succomber et tomber en fol amour avec ce groupe de jeunes loups inspirés. On attend déjà leur troisième méfait, et on se dit que maintenant qu’ils se sont affirmés en totale maîtrise de ce style, ils ont probablement le potentiel de transcender le genre et l’emmener vers des champs inédits, pour l’installer complètement dans ce nouveau siècle. Croisons les doigts pour qu’Early Moods soit ce groupe – ou l’un d’entre eux.
En attendant, on se repasse encore le disque.
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