Derrière sa musique aux atours répétitifs et lancinants, difficile en réalité de taxer Earth de faire du surplace musicalement. Ses derniers albums en sont une excellente illustration, proposant chacun des types de composition différents, et surtout des sons et influences toujours bien spécifiques sur chaque disque. Il était donc dit que ce Full Upon her Burning Lips ne ressemblerait pas à ses prédécesseurs, et dès la première écoute l’on peut confirmer cette hypothèse.
Un seul et unique fait directeur a structuré ce disque : après une carrière de trente (!) ans, Carlson fait « lean » : il pense sa musique en termes de simplicité, voire de dénuement, enlève tout ce qui dépasse, ne sur-intellectualise plus sa composition, ne rentre plus dans la course à l’armement dès qu’il s’agit de sonorités (matériel, amplis, pédales), ne chante pas (il était marginal, il n’est pas jugé utile ici… donc il gicle ! 100% instrumental)… Le bonhomme voit simple, et a fortiori concernant son line-up : il donne rendez-vous en studio à sa partenaire des deux dernières décennies (qui fut aussi son épouse plusieurs années) Adrienne Davies, et à deux (c’est Carlson qui se charge de la basse), ils se lancent dans l’écriture du disque, avec simplement quelques trames de base.
Le résultat est… dépouillé, évidemment. Mais réussi. Le talent mélodique du guitariste transpire par chaque riff, chaque accord : réduit à son minimum, son jeu de guitare, au son cristallin (la saturation est largement revue à la baisse ici, probablement le disque de Earth au son le plus clair) est le plus efficace. Ses riffs et segments mélodiques, toujours lents et souvent joués ad lib (ses bases drone minimalistes restent présentes parfois), sont tous impeccablement ciselés et surtout écrits avec un soucis de l’efficacité qui fait mouche : le refrain de « Cats on the Briar », porté par le jeu aérien et dépouillé de Davies, le dépouillé et lent « An Unnatural Carousel » et ses accords toujours justes, la redoutable mélancolie de « A Wretched Country of Dusk » qui prend aux tripes… Le talent de composition de Carlson n’est jamais pris à défaut.
Tout n’y est pas parfait, on notera en particulier un « gros morceau » qui ne tient pas complètement ses promesses, à travers les 11min30 de « She Rides an Air of Malevolence », un format propice à un déluge d’ambiances épiques et qui ne s’envole jamais autant qu’on ne l’espèrerait. Mais aucun titre de « remplissage » ne figure sur ce beau bébé de plus d’une heure de musique.
On tient donc probablement là l’album le plus dépouillé de Earth, le plus « minimaliste » en termes d’instrumentation et de son, mais certainement pas en terme de finesse de composition, domaine où au contraire Carlson met à profit ses années d’expérience pour nous proposer un disque mature et riche de mélodies.
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