Le précédent album des allemands de Earth Ship (Hollowed / 2016) montrait le quatuor atteindre un niveau de qualité remarquable, une sorte de pic dans leur carrière qui les voyait aussi bénéficier d’une sortie chez les gros Napalm records. Le rayon « stoner et consorts » de ces derniers ressemblant plutôt aux écuries d’Augias depuis un an environ, le passage d’Earth Ship n’y fut qu’épisodique, et les voilà revenir au bercail, chez les fidèles et pas rancuniers Pelagic Records. Autre changement, de taille (littéralement) : le quatuor est désormais trio ! Ou plus précisément redevenu trio, la greffe avec Marcel Schulz, apportant une indéniable richesse sur album, n’ayant apparemment pas pris sur le long terme. Jan Oberg se retrouve sans ambigüité principal artisan de son groupe (chose qu’il a toujours été, reconnaissons-le), s’appuyant sur sa femme Sabine à la basse (un rôle ô combien important pour un trio de metal à la musique aussi pointue et exigeante).
Ce Resonant Sun est donc particulièrement attendu au tournant, a fortiori par votre serviteur, un peu déçu du rendu live des titres de Hollowed en format trio, entendus juste après le départ de Schulz… Mais il faut croire que ce constat était probablement plus lié au manque de temps pour travailler de nouveaux arrangements, car ici, sur disque, jamais le manque d’une seconde guitare ne se fait sentir. Mieux encore : même si quelques lignes de guitare sont rajoutées ponctuellement, la majorité du disque s’astreint à ne s’appuyer que sur la guitare de Jan, sans artifice ; gageons que le rendu en live n’en sera que plus aisé, et donc fidèle. Par ailleurs, répétons-le, la production du disque n’en souffre aucunement, grâce aussi au bon travail de Sabine à la basse, qui parvient à combler les « vides » par un son riche et puissant en rythmique.
Au niveau des compos, on retrouve le Earth Ship qu’on avait quitté, sorte de combo metal aux relents sludge léchés, développant une large variété de styles musicaux à travers les huit titres de leur galette. Parmi les plus emblématiques, « A Handful of Flies » avec son riff super-catchy et son chant aux cordes vocales déchirées, fait office de fort logique premier single. Particulièrement efficace dans la production de bons gros riffs bien heavy, les berlinois sont en démonstration sur le binôme « Smoked Filled Sky » / « Barren », apportant aussi au passage une bonne vision sur l’éventail vocal de Jan Oberg : yell scream saccadé et rauque (tendance Dopethrone, la glaire en moins) sur le premier, et chant clair avec chœurs en harmonie sur le second. Autre exemple sur « Dormant » où il alterne les deux types de chant sur un même titre. « Whiplash » plus loin propose une entame qui ne dépareillerait pas chez Mastodon et se transforme en brulot nerveux, que l’on pourrait imaginer figurer sur la set list d’un bon vieux Pro Pain, tandis que « River of Salt » est un peu ce qui peut s’apparenter le plus au doom version Earth Ship : tempo lent, riff pachydermique répété à l’envie, chant déchiré et déchirant…
Mais l’un des titres les plus efficaces de l’album est inéluctablement cet imparable « Resonant Sun », empruntant au doom mélodique avec penchants gothiques. Mélodie addictive, break/refrain super efficace, rythmique simpliste mais parfaitement adaptée… Un titre évident, qui se calera immédiatement dans un coin de votre mémoire.
Bref, une belle palanquée de compositions soignées, efficaces, qui se révèlent encore une fois le véritable trésor de guerre sur lequel Earth Ship peut appuyer ses prestations live. Son challenge consiste en réalité à transformer son travail d’enregistrement en live. En effet, le son de l’album est parfait, riche, puissant, peaufiné pendant des mois par Oberg dans son propre studio. En retranscrire la finesse et la force sur scène sera délicat. Il nous tarde de voir… En attendant, on pourra écouter ce disque à l’envie, et on en suggèrera l’acquisition à la frange la plus « metal » de nos lecteurs, ouverte à un plus large spectre musical.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)