Souviens-toi le printemps dernier : Ecstatic Vision débarquaient de Philly, conviés par un certain Walter à une certaine petite sauterie mondialement réputée dans une certaine ville des Pays-Bas.
Une invite au Roadburn, ça vaut toutes les Garden Parties du monde. Ça vous permet de donner une bonne poignée de shows plus ou moins confidentiels en guise de tour de chauffe sur notre vieux continent, même avec un seul vinyle sous le bras.
Mais quel vinyle ! Sonic Praise émergeait du seul cerveau de Doug (guitariste/chanteur/claviériste) sur une décennie d’idées, rejoint petit à petit par ceux qui allaient devenir ses acolytes. Un essai en forme de voyage tortueux et psychédélique à la fois envoutant et inquiétant, qui pour l’anecdote a été enregistré en grande partie “à l’envers”, commençant par les voix et finissant par la batterie.
Autant dire qu’entre hâte, interrogations et une certaine confiance dans le potentiel du groupe vu l’ambiance qui semble y régner, tenter de dépeindre ce premier “vrai” effort de groupe du quatuor à cordes, touches et vent s’annonçait… Ecstatique, évidemment…
Si le Pure Rock Fury de Clutch portait bien son nom et insufflât en son temps une vague de fraîcheur, ce patronyme de Raw Rock Fury n’est pas non plus auto-adjugé à tort. Les premières secondes de l’album suffisent à s’en convaincre, à se demander déjà si la touche dédiée à la basse sur la console de mixage n’était pas bloquée sur 11… Aux antipodes d’un …And Justice For All, ici c’est la basse qui fait la pluie et le beau temps. Prédominante, elle porte le groove hypnotique et tribal du groupe à bout de manche, intelligemment dénuée de la panoplie d’effets dont ses comparses usent et abusent. Pour autant le mixage n’est pas figé pour un sou et chaque instrument prend à son tour le dessus, mettant tantôt en valeur un solo de saxophone hanté ou jazzy, un lick de guitare halluciné ou des déclamations vocales possédées. Cette voix rauque, saturée et gorgée de réverbe nous invite à s’interroger sur la vie et/ou en profiter, tandis que la batterie se place derrière, nous rappelant ce que kraut et space rock avaient en leurs temps découvert : répétition = immersion.
Un disque quasiment indivisible, comme sur Sonic Praise où tout ou presque s’enchaîne, ne laissant comme répit à l’auditeur que larsens ou nappes ambiantes de clavier, discrètes ou proéminentes au besoin.
Et pourtant on en redemande, à peine le temps d’y penser que vingt minutes se sont déjà écoulées, et tout juste le “tube” “Keep it Loose”, sorte de single de part sa durée et sa construction, nous décroche (à peine) du voyage. A moins que tout ça n’ait de sens que pour introduire la trilogie “Twinkling Eye”, qui en sa qualité de face B a le potentiel de vous faire fermer les yeux et vous laisser aller à pensées ou autres phases subconscientes.
Faites le test : pour peu qu’il ou elle prenne un peu le temps de se plonger un minimum dedans, un(e) pote à vous d’obédience musicale complètement différente devrait à un moment se laisser emporter et glisser un “P****n mais c’est bon ça !”.
Et bim, ça finit comme ça a commencé, en pure furie…
Ecstatic Vision a choisi de battre le fer tant qu’il était chaud et on peut le comprendre, les mecs ayant bourlingué un bon bout de temps sans avoir les opportunités qu’ils ont aujourd’hui. Ce premier effort collectif sent (bon) l’urgence, là où on pouvait attendre un peu plus d’explorations et d’errements. Gageons que ça viendra sur le troisième LP, qu’on espère double.
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