C’est peu dire qu’on l’attendait avec impatience ce nouvel Elder. Car depuis le EP Spires Burn/Release paru en 2012 où le trio enfonçait un peu plus son heavy-prog dans des méandres de noirceurs, pas de nouvelles ou peu. C’est donc la bave de désespoir aux commissures des lèvres que j’enfourne goulûment la galette dans le lecteur, les plus-si-jeunes-loups m’ayant toujours fait dresser le corps caverneux à chaque écoute. Avec l’intime conviction d’être déçu, allez savoir pourquoi, persuadé qu’ Elder ne peut être bon à chaque fois. Inspiration. Play.
« Compendium » se fend d’entrée d’un tapping monomaniaque puis chipe les olives de Led Zeppelin, histoire de poser ses couilles sur le skeud et d’annoncer la couleur. Le Elder nouveau sera gros, avec de la couenne sur le pourtour et du riff en médaillon. La voix de Di Salvo est toujours aussi claire et un peu en retrait (ce qui reste toujours une faiblesse chez eux) mais accompagnée d’une guitare bien sentie et d’une basse grasse aux entournures. On sent l’envie de revêtir ses influences 70s d’un épais châle à la maille mastodonte. L’impact mélodique est beaucoup plus net sur cet album. Il ne se dilue plus autant dans l’alambic de la composition qu’affectionne les américains. Du coup, l’alternance arpège/heavy fonctionne en plein et fait passer les 10 minutes du morceau pour la norme temporelle radiophonique.
« Legend » comprend une légèreté pas si habituelle chez Elder. En lustrant la guitare d’une réverbe aérienne, le combo évolue dans l’approche de son univers, élevant ses arpèges, renforçant ainsi l’impact des parties saturées. L’ombre du Zeppelin plane à nouveau au-dessus de ce titre, par l’influence folk, le groove des riffs et la richesse de la rythmique basse/batterie terriblement sexy. Une fois de plus, l’aspect mélodique est plus prenant et intègre la complexité des arrangements avec une étonnante facilité. Allez un gros pouce de satisfaction en l’air, à tutoyer l’anus de Dieu, pour ce titre.
« Lore » se pose en point culminant de l’album. On sent que le trio a voulu créer un morceau-monde, une œuvre unie et tentaculaire, son escalier pour le paradis. Mais il se prend malheureusement les pieds dans la première marche. Les plans semblent empilés les uns après les autres sans véritable liant. A la légèreté mélodique des deux premiers titres se substitue un matraquage heavy un peu pompeux. Il faut attendre le point de respiration à mi-chemin du morceau pour percevoir ce qu’aurait pu donner l’ensemble avec plus de cohérence. L’apport de claviers permet d’élargir le spectre sonore et ouvre considérablement l’espace pour Elder, pour sa technique et ses solis. J’ai l’impression d’une prod un poil contraignante, enfermant leurs idées dans un espace trop étroit. Une semi-déception que ce morceau car quand les 16minutes s’acoquinent de grands espaces, le combo tutoie une ampleur jamais atteinte.
« Deadweight » fait figure de titre punk avec ses 9 minutes suite à « Lore ». Il est pourtant un beau symptôme de l’évolution d’Elder, de sa drague effrénée à la folk, de son dessein à redonner du lustre au métal des années 70. Guitare chorusée, solo rock’n’roll, dégoulinant de culs, batterie coquine. Ce titre est une ode à la libération des sens et à l’érection de ses fans caverneux. Efficace car plus ouvert, il n’oublie pas non plus d’être un poil plus salace, les voix se faisant choeur efficace, soutenant une fin headbangueuse en diable. Deuxième pouce.
« Spirit at Aphelion » s’ouvre sur un duo guitare sèche, clavier léger, bienveillant. La batterie martiale ouvre ensuite le chemin pour les fameux riffs du trio. La formule est maintenant connue et fonctionne en plein dans ce dernier titre. La batterie de Matthew Couto est beaucoup plus rageuse et l’apport de claviers fait à nouveau grand bien à l’ensemble, décuplant les claques métalliques que le combo nous assène par la suite. Le morceau clôt l’album sur un fade-out un peu facile mais qui nous plonge dans un état de manque malsain.
Cet album est bon, cet album est même très bon. Il n’est pas encore la claque absolue que l’on attend de Elder. Le trio, par ses qualités, son insolent savoir-faire, ne peut faire autrement. On le condamne à la perfection car il est né pour ça, le prouvant à chaque sortie. Cet album est très bon. J’ai un putain de sourire éclairant mon visage et les deux pouces en l’air, très haut. A faire rougir l’arrière-train du tout-puissant.
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