Farflung, pionnier californien du genre côté space rock, semble avoir eu le besoin récent de se rappeler à nous un peu plus que ces huit dernières années. Des années mises à profit pour sortir un live et des splits avec Black Rainbows et Fatson Jetson notamment, certes. Des collaborations qui permettent généralement d’expérimenter, de se ressourcer ou de passer du temps avec ses copains. Évidemment, dans le monde de Farflung, chaque écho, chaque possibilité de spatialisation et autres étranges effets, ont depuis longtemps livré leurs secrets. Peut-être ont-ils simplement pris le temps de chercher suffisamment de matière pour obtenir un « 5 » riche et cohérent ? En tout cas, ils restent dans un esprit collaboratif puisqu’ils se sont adjoints les services de Nick Turner (Hawkind), David Catching et Gene Trautmann (QOTSA, EODM).
Depuis 1995 et leur « 25,000 Feet Per Second », Farflung nous plonge donc dans une gangue où des milliers de sonorités et gazouillis spatiaux nous encerclent et d’où se détachent des riffs souvent entraînants, toujours intéressants. Les voix sont multiples, du gargarisme à l’aigüe ironique en passant par le grave incantatoire ou parlé. Enfin, quelques samples pour l’ambiance. Depuis les débuts, la principale différence tient en fait dans la qualité de la production, qui a évolué avec son temps et qui permet une meilleure mise en valeur du travail. Un travail enregistré au Saturn Moon Studio, au Tarantula Ranch et au Rancho de la Luna.
Si Farflung propose des voyages sonores à nul autre pareil, et c’est ce qui fait à mon sens leur principale force, c’est grâce à leur pouvoir de suggestion. Ils ont cette capacité à savoir ne pas mettre en avant ce qui est évident, ne pas insister lourdement sur des éléments qui sont pourtant au cœur du morceau et qui seront peut-être d’abord à peines perçus. Quand bien même ces éléments sont simples, ils sont la touche qui transforme le tout.
Avec presque sept minutes, c’est « Hive » qui débute le voyage. Une intro toute en tension, libérée dans un déluge par un riff limpide et efficace, entouré des bruissements de l’infini. C’est la voix qui est ici d’abord suggérée pour être peu à peu mise en avant. Avec un concept plus que simple, la voix imitant plus ou moins le riff principal, le morceau prend l’apparence d’une longue fuite en avant, laissant un sentiment de béatitude. Autre réussite dans la suggestion sur « Being Bolled » avec une partie mélodique qu’il est presque nécessaire de reconstruire soi même, et qui sans laquelle pourtant, le morceau s’avérerait presque bas du front.
Avec ces neuf morceaux, « 5 » propose en fait autant de découvertes. C’est avec une grande cohérence générale qu’ils s’enchaînent en ayant tous quelque chose à proposer. Chacun représente un chapitre d’un tout et pourtant se caractérise par son unicité pleine et entière. Aucune répétition, aucune lassitude, mais des expériences dans le voyage. Après de très nombreuses écoutes, j’en suis encore à essayer d’avoir une vue globale de cet album. Je ne peux que trop vous conseiller d’aller vous y perdre.
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