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Fatima – Eerie

Eerie est déjà le quatrième album du trio français Fatima, un groupe finalement assez productif, ayant gravé ses premiers sillons sur rondelles en 2015. La formation trace son chemin discrètement depuis ce temps, gagnant en notoriété au gré de rares apparitions scéniques, passant sous les radars de la plupart des médias, et pour cause : le style musical développé par Fatima est tout autant son signe le plus distinctif, qu’un peu son « fardeau »… Dans le monde qui est le nôtre, les étiquettes et les algorithmes conditionnent une large part de ce qui parvient à se frayer un chemin jusqu’à nos oreilles. Et dans ce contexte, les choix musicaux du trio reviennent à « auto-miner » son propre chemin vers le succès et vers le grand public. Pourtant, ils cochent plein de cases, mais ces cases sont rarement associées entre elles, renforçant cet effet « électron libre » qui transparaît en filigrane de la carrière du groupe.

Quand le trio affiche le qualificatif « doom », ce n’est pas mensonger pour autant… mais c’est obérer tant d’autres dimensions ! Pour simplifier, Fatima c’est trois ou quatre composantes majeures, qu’il est difficile de vraiment trier. Même si ce n’est pas le reflet le plus représenté sur le disque, on mentionnera les influences orientales, qui nous parviennent aux oreilles dès les premières notes de “Mosul Orb”, “Portuguese Man O’ War”, “Miracle of the Sun”, et plus sporadiquement sur plein d’autres titres, à travers des sonorités proches de la sitar, des leads cristallins et un son de basse sec et saturé, servant une rythmique sautillante tout à fait emblématique.

Le titre “Cyclops Cave” est un bon exemple de la résurgence grunge très souvent (légitimement) mise en avant quand on parle du groupe. Mais plus encore que le grunge au sens large, assumons de le resserrer à Nirvana (et en particulier le trio Bleach / Nevermind / In Utero). On retrouve donc très souvent sur le disque ce chant qui rappelle de manière si vibrante le timbre éraillé de Cobain et ce riffing post-punk fiévreux à la saturation garage (mentionnons aussi “Ant Mill” qui s’apparente ici ou là à une sorte d’hybridation best of, avec des échos à “Breed”, “On a Plain” ou même “Negative Creep”…).

Quant au pendant doom qui revient en continu autour de la musique du groupe, c’est finalement probablement le style musical qui émerge le moins de ce Eerie, en tout cas directement : le doomster intégriste restera dubitatif sur ces rythmiques pas toujours très lentes, ces sons de guitare souvent assez vifs, et dans les aigus, ces mélodies aériennes pas assez plombées… Mais en grattant un peu, on retrouve les influences doom au détour d’un “Portuguese Man O’ War” (ce break / refrain en mode bulldozer), “Blue Aliens Wear Wigs” (ce mur de guitare qui accompagne le riff du refrain et disparaît aussi rapidement qu’il est apparu), “Three Eyed Enoch”, “Ceremonies”… bref, reconnaissons-le effectivement : un peu partout ! Mais rarement comme un driver principal de la chanson.

Et puis comme les choses étaient encore un peu trop simples, le trio francilien n’hésite pas à revendiquer de vieilles influences Post-wave (le bluffant “Hypericum”, “Blue Aliens Wear Wigs”…) ou autres facéties musicales…

Comme ses prédécesseurs (que nous n’avions pas chroniqué pour cette – mauvaise ? – raison) Eerie ne s’adresse pas à une cible très précise. La musique de Fatima n’est pas complexe, mais elle est riche. Riche de styles et d’influences, vous l’avez compris, on ne reviendra pas dessus. Mais elle est surtout riche d’inventivité, de créativité assez débridée, et ne s’embarrasse pas de codes (qu’ils soient à vocation commerciale ou autres). Changer plusieurs fois de son sur une même chanson, jouer avec plusieurs trames rythmiques sur un même morceau, mêler au sein de la même chanson des séquences ultra-mélodiques et des riffs de camionneur, jouer avec des sons et des instruments saugrenus… Rien ne leur fait peur, et pour autant l’ensemble sonne toujours juste (premier symptôme : l’écoute en boucle du disque sans jamais que la lassitude n’intervienne).

Bref, il y a tant de choses à dire sur ce disque qu’il est préférable de laisser parler la musique et, en ayant l’esprit bien ouvert, de tester l’écoute de cet album pour découvrir le groupe si jamais vous ne les connaissiez pas (on vous conseille dans ce cas d’aller piocher dans leurs albums précédents).

Note de Desert-Rock
   (8/10)

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