Sitôt les premiers accords de « The job », son lick de gratte rond et galopant et son harmonica, j’avoue, j’ai eu le sourire. Five Horse Johnson, c’est un peu le petit plaisir coupable, le combo qui n’a jamais fait du pur stoner, mais qui, par le truchement de ses influences complètement 60s-70s, de ses partenaires réguliers de scène (Clutch, Halfway To Gone, Backdraft, etc…) ou de label (FHJ est l’un des plus anciens combos signés chez Small Stone), se retrouve naturellement (et avec plaisir) directement associé à la communauté stoner. Les voilà nous revenir après plus de six ans d’absence impardonnables, avec ce « The Taking Of Black Heart ».
Le blues rock chargé en grattes du quatuor (rappelons que le groupe n’a toujours pas de batteur attitré) n’a pas perdu en prestance après toutes ces années, et l’efficacité de leur formule est toujours intacte. Instrumentalement, déjà, FHJ est juste inattaquable : leur massif vocaliste Eric Oblander n’a pas uniquement une voix chaude, puissante et impeccablement déchirée, il est aussi un joueur d’harmonica émérite, un vrai (pas un de ceux qui dégainent leur harmonica de la poche arrière de leur jean pendant un solo de guitare « pour faire genre »), et il apporte à ce titre une spécificité remarquable et bienvenue à la musique du combo (pour mémoire, le bonhomme a joué sur plusieurs titres de Clutch, dont le merveilleux « Electric Worry » – allez voir le clip sur Youtube, vous verrez Oblander dans ses œuvres – chair de poule garantie). Le duo de gratteux (dont Phil Durr, qui jouait déjà sur l’album précédent mais a été incorporé en tant que membre officiel) abat des rondins sans temps mort sur les 45 minutes de cette galette, riffs bien tassés, soli acérés, passages de slide bien boogie… Côté rythmique, faute de batteur attitré pour épauler Smith à la basse, le groupe fait appel au vieux pote Jean-Paul Gaster de Clutch, ni plus ni moins. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de la subtilité de ce batteur magnifique, ce disque apporte encore un éclatant témoignage de la sobriété du jeu de Gaster, formidable générateur de groove sur chaque titre.
Ainsi doté d’excellents artisans, reste à FHJ à montrer que le fond vaut autant que la forme. Pas de faux-pas niveau compos non plus, c’est aussi un sans faute. Du groove, encore et toujours, des couplets cinglants, des refrains parfaits, des soli courts mais bien placés… Pour tout dire, on ne s’ennuie pas une seconde et le disque défile non stop en boucle sans que le pied ne s’arrête un instant de taper. « Keep On Diggin’ » en parfait exemple de boogie rock sautillant et infectieux, « Black Heart Baby » et son rock saturé tendance sudiste en version énervée, « Smash & grab » mid-tempo empreint de groove tranquille, « Hangin’ Tree » et son riff primaire décliné sur tout le titre… On ne sait plus où donner de la tête. Et lorsque le groupe se lance dans une reprise d’un titre méconnu de Rod Stewart (« You’re My Girl (I Don’t Want To Discuss It) »), il le transforme un hymne de rock sudiste naïf, et convie pour l’occasion le chanteur de Cheap Trick Robin Zander.
Bref, avec « The Taking Of Black Heart », Five Horse Johnson signe encore un excellent album. Un disque modeste, orienté sur le plaisir d’écoute (et manifestement aussi le plaisir de jouer, ça s’entend), un album qu’on écoute beaucoup, qu’on met de côté quelques jours et qu’on ré-écoute avec plaisir. On ne parle pas de groupe culte, on ne parle pas de disque « passionnel », « mythique » ou autres conneries prétentieuses. Juste un putain d’excellent groupe de gros rock qui nous pond aux premiers jours de 2013 rien moins que l’un des albums de l’année, sans se prendre la tête, juste comme ça.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)
Voir les commentaires (1)
excellentissime