Dans la désormais longue histoire des musiques heavy, au delta sensible où se croisent stoner et doom dans un fatras métallique délicieux, le nom de Goatsnake tient une place particulière. Né de la fusion de Wool et de The Obssessed, tenu par des musiciens à qui l’on doit Scream, Sunn O))) ou Thorr’s Hammer (une liste que l’on pourrait élargir à pas moins que Kyuss, Acid King, Burning Witch, Sourvein, B’last, The Eagles Of Death Metal, QOTSA ou Cave-in, excusez du peu), Goatsnake s’est imposé dès son premier album comme un groupe précieux, au son immédiatement reconnaissable, entre riffing rampant, section rythmique incandescente et voix inimitable. Pourtant l’existence du groupe n’aura réellement duré que trois ans, à l’orée des années 2000. Après deux albums et un EP essentiels, quelques friandises passionnantes et chacun était reparti vers son destin, loin de cette réunion de malfrats du son dont la discographie ne souffre d’aucun signe de faiblesse. Alors, lorsque le combo – devenu poids lourd d’un style en pleine résurrection – se reforme en 2010 à l’occasion d’un show fabuleux au Roadburn Festival, la communauté se met à caresser l’hypothétique espoir d’un nouvel album. Leurs vœux seront exhaussés lorsque Southern Lord, la mère patrie, laissera filtrer quelques images annonciatrices de nouvelles compositions à l’orée de l’été 2014. Tout d’abord le label nous apprend que Scott Renner tiendra la basse au sein du combo. Le jeune homme, également vu aux cotés de Sourvein et ayant côtoyé Greg Rodgers au sein de Sonic Medusa a la lourde tâche de succéder à des pointures tels que Scott Reeder ou Guy Pinhas et d’occuper un véritable siège éjectable chez Goatsnake. Par la suite Nick Raskulinecz est confirmé à la production. Devenu référence du son heavy dans les années 2000, grâce à son travail auprès des Deftones, Danko Jones, Mastodon ou même les Foo Fighters, celui qui avait déjà travaillé sur Flower of Disease, fait également gage de continuité.
Car de continuité il en sera effectivement question avec Black Age Blues, reprenant les choses là où elles s’étaient arrêtées, sans plus de bruit que ça, 15 ans auparavant. Pour exemple, « Another River To Cross », titre introductif de l’album s’ouvre sur quelques notes de guitare acoustique (jouées par David Pajo de Slint) et reprend l’ambiance qui clôturait « The River », le final de Flower of Disease. C’est donc dans un astucieux mélange de respect du travail accompli mêlé à une véritable envie d’aller de l’avant qu’évolue cet opus, passionnant de bout en bout. S’il faudra quelques écoutes pour en déceler toutes les richesses, la puissance des refrains (Pete Stahl est au firmament de ses capacité en la matière), le son si typique du groupe (cette guitare bon Dieu, et cet harmonica !!) et les merveilles de trouvailles côté ambiance (cœurs gospel, piano et violons parsèment l’opus sans en dénaturer la haute teneur heavy) rappellent que Goatsnake est un groupe à part. « Elevated Man », « Grandpa Jones » ou « Coffee & Whiskey » s’assureront quand à eux de garnir au mieux les set list du combo.
Le serpent-chêvre continue son inlassable quête du blues dans son approche la plus radicale possible, portée un Greg Anderson qui n’a rien perdu de son feeling entre groove et apocalypse, voilant la mélancolie de Stahl d’un grand drap sombre et occultant. 15 ans après le combo californien renoue avec son public par le truchement d’un album aussi inespéré et pertinant. Welcome back guys.
Point Vinyle :
Expert en sorties de qualité et multiples pressages collectors, Southern Lord ne fait pas injure à sa réputation, en proposant, outre une sortie en vinyle noir, une magnifique édition US bleue et noire (500 ex) ainsi qu’une autre rouge vin (529 ex) pour l’Europe. Autant vous dire que le marché noir va s’en donner à cœur joie.
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