On était habitués à profiter d’une nouvelle offrande des américains de Gozu tous les deux ou trois ans, peu ou prou, et ces cinq années depuis leur dernère excellente galette, Equilibrium, nous ont paru une éternité. Le groupe n’est pourtant pas resté inactif, mais a dû dans l’intervalle gérer un remplacement de batteur et, accessoirement, le COVID en pleine période d’écriture… Ils nous reviennent donc, pleins de bonnes intentions, avec ce Remedy que l’on s’empresse d’enfourner.
Il ne faut pas longtemps pour retrouver nos repères, on est en terrain familier dès les premières écoutes. Gozu ne se fond toujours pas dans la masse et détonne dans le paysage musical : on a beau le considérer comme un des plus solides groupes de la grande famille du stoner rock US depuis une petite quinzaine d’années (et leur émergence via Small Stone Records à l’époque), ils ont tellement élargi leur spectre musical depuis, maturé, que leur lien avec le stoner classique se fait de plus en plus distant. Mais tant qu’ils sont biens à la maison, on va les garder, un peu comme un petit trésor caché que le grand public n’a pas encore découvert…
A ce titre, si vous ne connaissez pas encore Gozu, Remedy peut être un excellent moyen de “rentrer dedans” : vous y découvrirez un groupe puissant et créatif, qui couvre une amplitude stylistique paradoxalement assez vaste et relativement maîtrisée : on retrouve bien évidemment de nombreuses touches stoner voire doom (“The Handler”, “Ben Gazzara Loves No One”), mais le groupe amène des plans de pur grunge (on pense souvent à Soundgarden, Pearl Jam ou encore Alice In Chains – ce chant en choeurs sur le refrain de “Tom Cruise Control” rappellera les harmonies Staley/Cantrell chez AIC), et plus généralement une touche metal qui apporte une vraie puissance aux compos dans leur ensemble (voir des titres comme le virulent “Rambo 2”, ou par exemple la prod de l’intro de “CLDZ”, qui ne détonnerait pas sur un High On Fire).
Bref, les marqueurs du groupe sont bel et bien toujours là (on ne mentionnera pas leur second degré viral, les amenant encore une fois à proposer des titres de chansons délicieusement cocasses), mais les curseurs sont poussés toujours un peu plus loin à chaque nouveau disque, et celui-ci n’est pas différent : son de guitare(s) puissant (la prod est impeccable), riffs drus (quel bel assortiment sur ce disque, ça pleut de partout, plusieurs par chansons : “Rambo 2”, “CDLZ”, “Ben Gazzara”, “Ash”…) , soli efficaces… et que dire des lignes vocales de Gaffney ? Le colossal frontman du quatuor propose sur Remedy probablement sa prestation la plus aboutie, n’hésitant pas à pousser son chant dans des retranchements aux limites de l’incongru. Même si l’essentiel repose sur son chant puissant, on lève les sourcils plus qu’à son tour sur des passages vraiment audacieux (la ligne ultra mélodique de “Pillow Talk”, les passages vraiment très haut perchés du pont de “The Magnificent Muraco” ou des couplets de “Ash” ou “The Handler”…). Ca passe ou ça casse… et quasiment tout le temps ça passe, à l’image de ces arrangements vocaux surprenants qui apportent une vraie plus-value aux compos (voir son chant en soutien du riff de “Rambo 2” sur l’outro du titre, l’harmonie avec le lick de guitare sur la fin de “Ben Gazzara” avant le solo, ou le chant sirupeux qui amène le contrepoint du refrain de “CLDZ”).
Alors Remedy, meilleur disque de Gozu ? Procéder à un classement de leur discographie, c’est un peu comme classer ses enfants : ça n’a pas de vrai intérêt. Sans choisir, on s’orientera donc vers ce disque si on aime le stoner metal puissant, l’audace et l’esprit frondeur qui peut pousser les compos dans des ornières assez étonnantes… Et surtout, si on aime le RIFF, car cette galette en est remplie jusqu’à la gueule. Un disque riche, profond, qui appelle de nombreuses écoutes, provoquant plaisir, surprises… mais jamais d’ennui. Une démonstration, encore.
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