Plus de douze ans d’existence maintenant pour ce all-star stoner band qui n’a toujours pas sorti de mauvais album – ce “Nest of Vipers” sorti il y a plusieurs mois est même peut-être leur meilleur disque. Rappelons aux trois qui ne suivent pas au fond de la classe que Greenleaf, c’est avant tout le side project initié et porté par l’imposant gratteux (et leader discret) de Dozer, Tommi Holappa, et son pote Bengt Bäcke, ingénieur du son et cinquième homme de Dozer depuis toujours. Autour d’eux ont évolué, au fil des albums, la crème du stoner scandinave, et surtout même suédois. Le line-up présent ne s’embarrasse plus de l’effet de surprise : on y retrouve 3/4 de Dozer désormais, avec uniquement Bäcke en plus et Oskar Cedermalm, le “Ozo” des Truckfighters, sans sa basse, se concentrant sur son chant.
La première écoute, naturellement, se borne à identifier les écarts par rapport à Dozer ; démarche stérile, qui trouve sa réponse dans une sorte de groove cool et d’un état d’esprit résolument plus “libertaire” chez Greenleaf que chez les très carrés Dozer. Mais très vite, les raisons qui nous ont fait adorer les précédents albums du super-combo nous rattrapent et la fièvre nous gagne à nouveau. Les compos proposées ici, créditées au groupe en entier, sont robustes, efficaces, pointues, audacieuses… matures, vraiment. Les tempi sont variés, et permettent d’y accoler des rythmiques classieuses, la production, sans poudre aux yeux, est impeccable, du bon travail d’artisan du son. Le travail guitaristique est moins “in your face” que chez Dozer mais sa variété et la densité qu’il apporte aux morceaux est remarquable. Le chant de Cedermalm est simplement redoutable, puissant et chaleureux, généreux et tout en modulation. On aura du mal à orienter le chaland hésitant vers un ou plusieurs titres en particulier, chacun dégageant quelque chose de bien spécifique. On pourra par exemple citer “Case of Fidelity”, dont le refrain “multi-strates” pourrait en apprendre à quelques musiciens amateurs. On sourira aussi de plaisir sur le très 70’s “Dreamcatcher”, dont le riff du couplet nous rappellera avec ravissement la simplicité naïve du “Iron Man” de Sabbath, et dont le dernier tiers du morceau part complètement en vrille entre soli divers et variés. On se surprendra aussi à adorer “Sunken Ships” dont les vocaux planants et haut perchés (de Peder Bergstrand, Lowrider) rappelleront les grandes heures du surf rock californien (!). Le superbe “Nest of Vipers” en clôture déroule le tapis rouge à Per Wiberg (Spiritual Beggars) qui glisse des nappes de claviers hypnotiques sur les huit minutes de ce morceau épique, qui se termine en entrelacs instrumentaux jouissifs.
Vous l’aurez compris, on ressort vraiment bluffé de la qualité de ce disque, du niveau des compositions présentées, de la production… Plus que tout, la surprise vient (à nouveau, comme à chacun de leurs disques) de la maturité de “l’entité Greenleaf”, un groupe qui n’a d’existence que quand ces mecs trouvent le temps de se rassembler dans un studio pour composer ces petites perles, et, très occasionnellement, assurer un concert ou deux. Du très très bel ouvrage.
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