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Greenleaf – Trail and Passes

Bon, Greenleaf, donc. Je sais pas s’il faut vous la refaire, on va donc la jouer express : all star band, stoner, groupes plutôt scandinaves, noyau dur = Dozer. Voilà, en gros quoi. On vient de gagner cinq minutes, bien mieux mise à profit pour écouter ce très bon album. Le statut du groupe reste assez nébuleux, si ce n’est que les années passant, on constate qu’il prend presque plus d’importance que son père adoptif Dozer : fréquence d’albums plus resserrée, tournées en bonne et due forme (alors que l’on n’avait droit jusqu’ici qu’à des concerts ponctuels, quasi événementiels, du coup)… Et puis après avoir discuté avec le père Tommi Holappa, le bonhomme ne cache plus vraiment qu’il place Dozer en seconde priorité lorsque Greenleaf est “actif”… A voir maintenant ce que l’avenir nous réserve.

Ce “Trails & Passes” en l’occurrence, voit enfin le line-up du “projet” (“groupe” ?) se renouveler largement depuis l’album précédent, avec l’incorporation de deux nouvelles têtes : Sebastian Olsson à la batterie (un batteur suédois peu renommé, dont on retrouve la trace il y a de nombreuses années dans des productions death metal de jeunesse, mais plus récemment chez les stoner-progueux 70’s de Thalamus), et Arvid Jonsson au chant (chanteur de groupes aussi obscurs que Humfree Bug Art, Mozkovitch…). Un frisson d’excitation nous parcourt l’échine à la perspective de cette prise de risque, c’est bien.

Bon, ladite prise de risque s’avère limitée, car dès les premiers accords, on entend bien que le groupe ne s’est pas fondamentalement remis en question musicalement : le quatuor suédois propose toujours la même veine de stoner bien classique et propre, avec des connotations blues rock groovy typiques des années 70. Et de ce côté-là, Holappa connaît son affaire : ses compos sont impeccablement ciselées, et arrangées au scalpel. Ca respire tout autant le talent que le professionnalisme. On est embarqués dans une affaire sérieuse, ce n’est plus un projet un peu hasardeux.

Là où à mon avis le bât blesse un peu, et les premiers avis sur l’album me paraissent passer sous silence ce point, c’est clairement sur la performance vocale de Jonsson (alors que l’on ne prend jamais Olsson, le nouveau batteur, à défaut, lui : son jeu est riche, varié, carré… en un mot parfaitement adapté). Le chanteur est toujours sur la retenue, il chantonne tranquillement dans son coin, il se bouscule pas… Là où la performance de Cedermalm nous avait techniquement bluffé sur la galette précédente, clairement on a descendu plusieurs marches ici. Du coup, ben tous les artifices de production viennent enrober, soutenir, compléter les lignes vocales un peu faméliques (et insipides) du bonhomme : chant en canon discret sur “Ocean Deep”, chœurs, effets divers et variés (écho / delay, reverb, etc.)… n’en jetez plus ! Faut voir le gars tout tranquille porter timidement un titre comme “Our Mother Ash” (posture presque criminelle alors que les sonorités soul étaient propices à pousser la voix au taquet dans des envolées puissantes), tuer le refrain de “Humans” (qui aurait mérité un excès rageur et puissant, qui devient penaud et poussif) ou du sublime “Bound To Be Machines”, d’une mollesse énervante.

Mais derrière cette lacune ponctuelle, se cachent quand même une forêt de compos prodigieuses, qui ne prennent pas complètement ombrages d’un chant un peu sous-performant. On l’a dit, Holappa est un compositeur hors pair, et cette galette ne fait pas exception (ne nous leurrons pas, même si le groupe entier est crédité pour le songwriting, tout le monde sait bien qui est la machine à riffs dans le quatuor…). Les neufs chansons sont très variées, tantôt heavy tantôt groovy (souvent les deux), les compos sont aussi performantes sur des tempos rapides que moyens… En tant que gratteux, le MVP de la rondelle tire là aussi son épingle du jeu notamment en distillant des soli empreints d’un feeling remarquable (voir le super-groovy solo basse-guitare de “Ocean Deep”, le déluge de wah-wah sur “Humans”, mais aussi “The Drum” ou le lumineux “Trails And Passes”).

Bref, on est quand même là sur un album de très haut niveau, porté par quelque chose qui ressemble plus que jamais à un vrai groupe (d’ailleurs, on pourra les voir en chair et en os sur les planches sous peu…), et même si pour des raisons que je ne vais pas rabacher ici je ne pense pas qu’il s’agisse de la meilleure production du combo (ou en tout cas de la plus solide), ce disque est déjà l’une des sorties remarquables de l’année. Pas complètement indispensable, mais foutrement jouissif. Vous en tirez les conclusions que vous voulez…

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