La mer Baltique serait-elle, via la Tamise, un affluent du Mississipi ? A l’instant ou ce disque a été posé sur ma platine, la réponse se fit sans appel. Oui trois fois. Une curiosité dont les géographes n’avaient probablement pas idée avant ce jour. Par conséquent, contrairement aux idées reçues, la Terre reste à un territoire d’exploration infini. Comme le blues. Nous savions ce dernier séminal. Il l’est foutrement ! Sa semence continue de se diffuser urbi et orbi et vient de donner naissance à une « moitié d’homme ». En fait de moitié, ils sont quatre suédois au talent fou. Après une période de maturation de treize années passées à revisiter les standards du blues dans les rades du pays, ils sortent enfin le disque dont il est question dans ces colonnes. Ce parcours singulier leur a permis de façonner une bien jolie pépite de heavy blues rock. Il concentre l’esprit du meilleur de John Mayall, de Peter Green, de Robin Trower, de Cream, de Ten Years After et de Gov’t Mule réunis. Excusez du peu. Un ravissement pour les conduits auditifs. Les superlatifs me font défaut pour qualifier le timbre de voix, clair, chaud et puissant de Jan. Restons sobre : magnifique ! Idem pour la musique. Groove de la basse omniprésent, guitares psychédéliques et batterie métronomique. Vous comprendrez que l’aiguille à vite fait de taper dans le rouge à l’intérieur de mon bulbe rachidien. Oui, le fil d’Ariane de cet album est implacablement blues. Une savoureuse alternance entre le blues le plus traditionnel avec harmonica « Blues ain’t nothin’, When the train comes back, Two drinks of wine », de boogies taillés pour les très longues distances sur l’autoroute « Insane, Rodney’s song » ou l’immense « Hardly wait » (reprise incroyable d’un morceau de PJ Harvey) et d’instrumentaux habiles s’autorisant quelquefois le luxe d’un décrochage salsa « Two perverted men in the swamp ». En somme Half Man a redéfini de nouvelles frontières pour le blues. Un blues terriblement dynamique qui, dans l’idée seulement, rejoint le mouvement engagé un temps par Mule et poursuivi par Zen Guerilla. En affichant ostensiblement ses racines et en les traitant avec un son actuel, il se pourrait bien que Half Man réussisse à initier un genre nouveau. C’est tout le mal qu’on leur souhaite. Ces mecs sont tout le contraire d’une moitié d’homme ! En fait, ce disque nous rappelle si besoin était, que le heavy actuel est irrémédiablement redevable du blues. Il s’agit donc bel et bien d’un album didactique dont la qualité (c’est loin d’être la seule) serait de pouvoir ouvrir les oreilles aux plus irréductibles des fans de stoner rock dont l’univers est quelquefois trop étriqué. Oui, ce disque a de multiples vertus. Premièrement en ce qu’il nous conduit à porter un regard sur nos origines. Deuxièmement parce qu’il contribue à élargir notre champ musical. Troisièmement, parce qu’il fonde (je l’espère tout du moins) de nouvelles perspectives. Un disque intelligent et racé à la fois. C’est très rare.
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