Étonnante carrière que celle des pourtant jeunes Heavy Temple : le groupe existe depuis 2012, mais ne publie son premier LP que maintenant, presque 10 ans plus tard ! Dans l’intervalle, une palanquée de singles / EP, participations à compilations diverses… et à son crédit, des concerts à la pelle (dont une bonne part avant même d’avoir la moindre sortie vinylique à son actif). Il apparaît que la scène est un terrain de jeu où ils excellent… Le trio de Philadelphie a en revanche vu son line up sévèrement remanié au fil des années, avec pas loin d’une dizaine de musiciens qui se sont succédé à a guitare et à la batterie, autour de l’évidente frontwoman du groupe : High Priestess Nighthawk (bon, OK, c’est pas son vrai nom, mais avouez que c’est le nom de scène le plus cool que vous avez entendu depuis longtemps).
Le raccourci est vite pris : dans ce trouple, c’est clairement madame qui porte la culotte (amis de la misogynie ordinaire, bonsoir). Ce ne sont pas les premières mesures de “A Desert” qui vont nous faire revoir notre archaïque et si hâtif jugement : la vocaliste y déploie quelques lignes vocales aussi puissantes qu’accrocheuses, signes d’un coffre et d’une technique admirables. A n’en point douter, il s’agit d’un des points forts et caractéristiques les plus marquantes du groupe – la chanteuse dépote. Notons par ailleurs qu’elle assure le jeu de basse en complément. Pour autant – et les écoutes ultérieures en font la preuve – Heavy Temple n’est pas un “groupe à chanteuse” (définition du Grand Robert : groupe dont 80% de l’attrait auprès du public repose sur le fait d’avoir une chanteuse charismatique, rendant facultatif le besoin de faire preuve du moindre talent musical), loin s’en faut : les compos défilent et font montre d’une qualité d’écriture et d’interprétation qui forcent au respect. A ce titre, le même morceau introductif “A Desert”, où miss Nighthawk fait donc montre de ses remarquables talents vocaux, permet par exemple un peu plus loin non seulement de déguster un break groovy du plus bel effet, mais aussi un peu plus loin un bien sympathique solo (pas d’une grande technique, mais un vrai effort de mettre les lead en avant sur une si longue séquence est toujours appréciable). Si une autre preuve que le groupe ne repose pas que sur sa chanteuse devait être apportée au dossier, votre serviteur vous renvoie simplement à “Howling” en clôture, un titre… instrumental ! Rappelant occasionnellement Karma To Burn sur sa première moitié pour son riffing catchy nerveux, le titre présente des reflets plus variés sur sa seconde section.
La galette déroule donc ses morceaux dans un style musical pouvant s’apparenter à un stoner épique, empreint de heavy metal tout comme de doom old school. La variété est au rendez-vous : rythmiques heavy, mid-tempo énervés, envolées épiques… Une bien belle démonstration… en cinq chansons ! Car le voilà, déchirant, le lourd défaut de ce disque : cinq chansons seulement, pour moins de 33 minutes de musique, c’est chiche – en particulier quand on parle de l’unique LP d’un groupe ayant derrière lui presque dix ans de carrière ! Bien trop peu pour entériner la démonstration, et bien trop peu globalement pour satisfaire l’auditeur, légitimement exigeant de nos jours.
Reste que ces 5 chansons sont d’une redoutable qualité, et, même imparfaites, ces compositions proposent certains des plans musicaux les plus exaltants de ces derniers mois. Seule la quantité est un peu insuffisante pour se mettre à la hauteur de ses ambitions (notre notation aurait été meilleure), c’est fort dommage. Mais il serait toutefois bien malvenu de se réfugier derrière cet argument pour faire l’impasse sur ce disque.
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