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High On Fire – Cometh the Storm

En 2018, gageons que High on Fire avait pour objectif de développer son aura dans le paysage musical avec son très bon Electric Messiah, un album certes peu aventureux, mais qui poussait tous les curseurs à fond, sur tous les marqueurs emblématiques du groupe : puissance, riffs, soli… Seulement le COVID est passé par là, et leur démarche de propagation virale a pris un sale tacle dans les genoux. Se contentant de quelques tournées sporadiques, le groupe n’a pas pu défendre comme il le souhaitait son brulot, même s’il est toujours resté actif dans l’intervalle, en pointillés, en live. Sur scène, le trio s’est démené pour démontrer sa totale maîtrise dans la délivrance de titres brutaux, quitte à ce que la démonstration de puissance dépasse souvent les bornes (un mur sonore qui venait obérer toute possibilité de profiter des nuances pourtant aussi maîtrisées par le groupe). A l’arrivée de ce Cometh The Storm, plus de cinq ans après son prédécesseur, on se demande s’ils vont encore appuyer sur le champignon, pour donner un indice sur là où ils veulent emmener High on Fire pour la suite de leur carrière.

Comme toujours avec HoF, le disque est factuellement massif (encore une fois presque 1 heure au garrot), et long à digérer. Évidemment, pour le néophyte (après plus de 25 ans de carrière, existe-t-il encore des gens qui sont passés à côté ?), la première approche peut suffire, et à ce titre Cometh the Storm ne dévie pas : les premières écoutes peuvent se résumer à une succession de claques au visage, enchaînées à une série de coups de pied au sol. Et c’est très bien… mais c’est aussi le facteur qui rend HoF de plus en plus difficile à rattacher à nos styles de musique de prédilection (illustré avec la programmation du groupe sur la main stage du Hellfest cette année, et non plus sous la Valley…). Nous avons donc évidemment un regard particulier sur la tonalité de ses compositions, et à ce titre, un bon paquet d’écoutes sont nécessaires pour aller voir ce qui se cache derrière ce mur metal robuste.

Pour simplifier, on retrouve trois tendances stylistiques qui s’enchevêtrent un peu dans ce disque. On l’a dit, il y a d’abord, en frontal, cette furie metal emblématique, portée par des titres comme « Lightning Beard » (son riff thrash emblématique), « The Beating » (comme son titre le laisse présager, une véritable baston, un mollard metal torché en 2min30 de brutalité froide, porté par deux riffs basiques, où Pike trouve la place pour caler un solo impeccable), « Trismegistus » (l’occasion d’accueillir Coady Willis le nouveau batteur, en grande forme sur ce titre)… « Hunting Shadows » apporte un peu de nuance : honteusement catchy et enjoué, voire (scandale !) mélodique, il repose sur une ligne de basse (sacrilège !) quasiment groovy ! Sans parler de son refrain où plus que jamais l’ombre vocale de Lemmy est omniprésente… Le titre le plus représentatif de cette tendance est probablement l’introductif « Lambsbread » et ses échos slayer-esques occasionnels et son riff gracieux sur le refrain.

Ce dernier titre illustre aussi le second aspect musical de ce disque, car il porte en son sein deux inclusions de musique orientales dont Jeff Matz est clairement le porteur au sein du groupe. Grand fan de musique turque en particulier, il trouve aussi sur « Karanlık Yol » une plage entière dédiée à ce style ; même si ce titre tombe un peu comme un cheveu sur la soupe au milieu du disque (on dira « une parenthèse ») il montre un visage rafraîchissant du combo, et démontre son audace.

Enfin, HoF (et Matt Pike en particulier) garde une trace de ses attaches Stoner doom, à travers une poignée de titres symptomatiques de l’hybridation réussie du groupe. Si en première écoute ces titres s’incorporent bien dans la continuité « metal hargneux » du disque, ils se démarquent un peu, et voient le groupe développer une rythmique plus pesante, généralement mid-tempo, qui ne sacrifie rien à l’efficacité. On prendra pour illustration des titres comme « Burning Down », où la paire Pike/Matz déroule quasiment le même riff sur six minutes non stop, parfait berceau pour accueillir un déluge de leads emblématiques du style Pike. Même topo pour le morceau titre (dont en outre l’atmosphère particulière est bien supportée par un excellent travail batterie/percus). Plus loin, « Sol’s Golden Curse » voit le trio évoluer sur la fine frontière entre une envolée thrash metal qui n’arrive jamais vraiment, et une redondance doom emblématique jamais non plus totalement installée (car ponctuée de breaks, soli…) – avec cette impression paradoxale d’un titre qui ne « décolle » jamais complètement, alors qu’il maintient un intérêt continu en développant pas mal de séquences bien foutues. Quant à ce « Darker Fleece » de 10 minutes en clôture, il a beau être écrasé par un monstrueux mur de guitare hargneuse, on aurait du mal à le qualifier différemment de « doomy as fuck » ! Ce riffing en fond est parfait et, arrangé différemment, ne dénoterait pas sur un album de Sleep.

Difficile de positionner qualitativement ce disque par rapport au reste de la discographie de HoF (une question d’ailleurs probablement sans intérêt). Ce qui est sûr, c’est qu’il représente probablement l’image la plus complète du paysage musical du groupe : il couvre l’ensemble du spectre stylistique entre le stoner doom et le thrash metal (et fait le lien au passage), il démontre à nouveau l’excellence de l’exécution musicale du trio, il fait preuve d’innovations et démontre sa capacité à incorporer des éléments externes (musique turque) sans se départir de son identité… En tant que tel, il peut faire figure d’album de référence. Un fort bel objet, et une belle promesse pour l’avenir – en espérant que cette ambition soit correctement retranscrite dans la production live, pour vraiment transformer l’essai et assoir le groupe à la place qu’il mérite.

 


 

 

Note de Desert-Rock
   (8/10)

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