Posons le contexte et les enjeux tout de go : High Tone Son of a Bitch (HTSOB) est un groupe/super-groupe/projet qui n’a jamais réussi à trouver son positionnement, en termes de reconnaissance et plus globalement d’importance dans la scène stoner/doom notamment. Qu’est-ce qui a bien pu leur manquer jusqu’ici, et ce disque permettra-t’il de combler ces lacunes ? Pour rappel, HTSOB existe depuis le début des années 2000, monté par les frères Paul et Drew Kott du côté “obscur” de la Bay Area, leur permettant de capitaliser sur leur réseau de potes musiciens évoluant dans la sphère sludge/doom/prog locale (des membres de Noothgrush, Men of Porn, Acid King, etc… s’y passent le relais). Probablement victime de la volatilité de ce line up séduisant mais difficilement mobilisable, HTSOB ne sort qu’un modeste EP en début de carrière (le recommandable Better You Than Me) et vivote tout ce temps à coups de prestations confidentielles et d’infos sporadiques à l’échelle locale… L’affaire semble entendue lorsque le groupe est mis en pause avec le décès de Andrew Kott en 2017.
En 2019 pourtant, le groupe se re-constitue, sur un line-up de référence en apparence plus solide et stable, où Paul Kott se voit épauler du fidèle Russ Kent au micro (le guitariste de Noothgrush) et de Billy Anderson à la basse (le légendaire producteur au CV long comme le bras). Quelques EP complémentaires sont sortis, mais toujours pas de véritable album. En 2020, HTSOB sort Lifecycles, un double album qui regroupe tous ses EP, et se décide à dynamiser sa carrière en organisant une tournée pour en assurer la promotion… juste avant le COVID ! (ça y est, vous sentez poindre le fil conducteur de la lose ?) Pour exorciser tout celà, ils décident de mettre les petits plats dans les moins petits, en organisant une sorte de sauterie avec quelques musiciens amis, en période de pic de contamination of course histoire de faciliter les choses (faut voir la photo sur le livret du vinyle avec la douzaine de musicos/techos avec leur masque – sauf Matt Pike of course) – cette histoire sentait l’échec. Et l’album sort donc maintenant, 2 ans plus tard, soit plus d’un an après les 55 autres groupes qui ont eu la même idée… good timing ! A noter que le groupe a documenté ce concert par une captation vidéo rougeâtre approximative, aux limites du regardable (ou comment faire passer l’absence de budget pour un choix artistique fort) – pour info ça se trouve sur Youtube.
Les bases d’un beau fiasco sont donc posées et l’anxiété est à son comble en enfournant la galette. Heureusement, il ne faut pas longtemps pour être rassuré, et on se fait vite rattraper par cette set list rutilante, qui vient taper dans l’ensemble de leur discographie famélique, piochant des titres de tous leurs EPs. On ne va pas faire la fine bouche, c’est finalement une excellente occasion de prendre un peu de hauteur sur ces compos et de se souvenir de leur qualité intrinsèque irréprochable. Il se dégage une certaine classe des chansons de HTSOB sur album, à travers cette sorte de doom rock (!) aux volutes prog, stoner, metal… Lors de leur transformation live, les compos originales gardent leur prestance, et bénéficient au passage d’un réel effort d’amélioration (voir comment la nappe de clavier de “Silhouette” ainsi boostée vient élever le morceau, ou la densification de guitares sur “Ten Mountain High” lui apporter un groove décuplé). Quant aux musiciens invités, ils apportent un vrai “plus” aux morceaux qu’ils viennent co-interpréter : Rob Wrong (Witch Mountain) participe à un duel de solistes délicieusement old school sur “Silhouette”, Andrea Vidal (chanteuse de Holy Grove) apporte un soutien vocal étonnant à Russ Kent sur un “John the Baptist” prenant ainsi une toute autre dimension. Quant à Matt Pike, il vient préter son joli brin de voix (et un peu de guitare, pas pu s’empêcher) à une reprise de Kalas (monument doom sludge underground de la Bay Area) qui, jumelé à un apport de claviers bien dense, lui amène une tension inédite, parfaitement bienvenue.
Bref, vous l’aurez compris par vous-mêmes : cette affaire était extrêmement mal embarquée, et on était prêt à voir l’ouvrage échouer lamentablement. Au lieu de celà, on est capté par la qualité intrinsèque de la musique du groupe, ces compos riches et audacieuses, gravitant en continu entre plusieurs eaux stylistiques, au delà des repères. Ni un véritable album live, ni non plus une simple compilation, Live at The Hallowed Halls a tout pour plaire : un socle de compos irréprochables, une mise en son qualitative, et des arrangemenst inédits apportant le juste socle de fraîcheur et de nouveauté. Espérons qu’il s’agisse enfin du rebond tant espéré pour que ce projet moribond puisse enfin se développer.
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