Presque quatre ans, une pandémie et une multitude de concerts se sont écoulés depuis le second album de Karkara ! Une attente longue d’autant plus que le groupe avait tapé dans nos oreilles et fait vibrer nos petits cœurs avec deux opus, aux ambitions très différentes, de grandes qualités. Après avoir sillonné de long en large la France et propagé la bonne parole du rock français en Europe, le trio toulousains composé de Karim Rihani (guitare / chant), Hugo Olive (basse / synthé) et Maxime Marouani (batterie / chant) sont de retour avec un nouveau projet ambitieux nommé All is Dust.
Sur des thématiques plus que actuelles comme l’effondrement de notre société, la résilience ou l’émancipation, All is Dust se pose dans un monde au bord de la disparition et suit le cheminement d’un personnage qui cherche à le fuir et à rejoindre un eden ayant survécu (synopsis ayant quelques point d’accroche avec Le Livre d’Eli, ce qui est déjà une qualité). Produit par Olivier Cussac, compositeur de musique de film et responsable du son énorme des deux derniers albums de Slift, l’album se compose de six chapitres dépassant tranquillement les cinq minutes chacuns. On embarque donc pour un grand voyage porté par le même rock psychédélique Karkarien, c’est-à-dire aux ambiances orientales, kraut voire même stoner.
Musicalement, All is Dust se prend comme un savant mélange des deux premiers albums du groupe. En témoigne le premier chapitre de l’album qui, après une mise en contexte par la voix du personnage portée par une ambiance très shamanique à la Crystal Gazer, démarre avec la même énergie acide et psychédélique que Nowhere Land. On est tout de suite submergé par les mélodies orientales, les vagues de guitare wah wah et la boucle infernale du riff de basse. A tout cela vient se juxtaposer le chant de Karim oscillant entre une légère presque naïve et de longs cris désespérés. La première partie de l’album semble suivre ce schéma avec cette sensation d’urgence qui monte crescendo sur “The Chase”. Cependant, et c’est là une des qualités principales de l’album, Karkara va compléter sa recette psychédélique avec une dose de lourdeur inédite (même si certaines ambiances de leur premier album laissaient à penser qu’il finirait par intégrer cet ingrédient) ! A force d’accélérer, le chapitre “The Chase” va exploser dans un délire chaotique porté par un rythme aux accents stoner-doom du duo basse/batterie et où les wah wah de la guitare vont se confronter à un saxophone déchaînés. A cela s’enchaîne parfaitement “On Edge” qui surfe sur cette ambiance stoner en ralentissant le tempo de l’album. Les notes de guitare et le riff de basse posent un décor chaud, désertique puis les vagues de wah wah suivi par une mélodie très cinématographique laisse imaginer un duel à mort dans une scène western sombre.
La fin de “On Edge” marque aussi l’interlude entre les deux gros morceaux de All is Dust en se terminant par des notes de synthés accompagnant les pensées du personnages. Le second acte de l’album nous décrit le voyage intérieur du personnage et ses visions d’un el dorado immaculé à travers des titres plus légers et moelleux, notamment avec le chant de Karim qui redevient miel. Sur “Moonshiner” on retrouve retrouve sur ce titre les ambiances kraut du groupe et des effets de guitare plus rond, moins nerveux. L’envoûtement de ce titre passe aussi par cette flûte, bien plus douce que le saxophone de “The Chase”, qui vient subtilement s’additionner à la guitare. “Anthropia” s’enfonce encore plus dans le rêve avec ses mélodies de guitare dansantes, véritable marque de fabrique de Karkara. Plus accessible et direct, “Anthropia” est le tube ultime de l’album et devrait nous faire vibrer en concert ! Enfin, “All is Dust” vient conclure l’histoire en symbolisant l’espoir déçu … car oui, l’eden tant convoité n’existe pas et ce sera au personnage de le bâtir ! Ce dernier morceau éponyme est le plus sombre du récit, avec sa basse bourdonnante, ses cris rageurs et sa fin plongeant à nouveau dans le stoner-doom. La lumière vient cependant de cette trompette aux accents western jazzy qui vient percer à deux reprises l’obscurité pour nous redonner courage !
On entreprend avec All is Dust un véritable voyage spirituel, parsemé d’embûches, c’est donc un pari plus que réussi pour Karkara qui réussit ici à mêler ses différentes influences, en intégrer de nouvelles tout en conservant une cohérence sur l’ensemble de l’album. Les titres se font échos entre eux et même la fin de “All is Dust” vient boucler avec “Monoliths” de sorte à ce que l’on puisse recommencer l’histoire sans avoir à rembobiner (quel plaisir de ne pas avoir à sortir de stylo !). L’album est un vrai délice à écouter, notamment par son mix impeccable et l’apport de cette patte cinématographique associée aux divers instruments à vent… Je regrette juste l’absence de didgeridoo, mais c’est uniquement mon amour pour le morceau “Proxima Centaury” de leur premier album qui parle… Après Slift en janvier, Il est désormais clair que le psyché français aura cette année une couleur occitane !
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