Vous l’avez sans doute déjà remarqué dans votre entourage : dites à vos proches que vous écoutez du rock et vous serez, suivant le genre que vous écoutez, un barbu hirsute gavé de bière qui passe son temps à glander (stoner), un hippie sur le retour qui ne pense qu’à s’envoyer des pétards (psych) ou, et c’est sans doute le plus mal vu de tous les genres, un dangereux égorgeur de chats buveur de sang (doom). Bon, j’exagère à peine (quoique ma vénérable grand-mère vous dira le contraire…) mais le petit microcosme du stoner regorge de personnes adorables, serviables et, la plupart du temps, sacrément calées en histoire du rock. Alors, fatalement, quand vous vous mettez à écouter le dernier bébé d’un groupe dénommé Lucifer, les fanatiques de Christine Boutin montent sur leurs grands chevaux pour répandre la bonne parole évangélique et hurlent à qui veut l’entendre (oui, d’ailleurs, qui sont ces gens qui veulent l’entendre ? Au bûcher!) que le rock n’est que dépravation, satanisme, croix retournées et ôde au Malin.
A ces ayatollahs du bon goût qui bouffent du pain sec et picolent de la Villageoise tous les dimanches matin lors de leurs réunions païennes (interdites depuis le Coronamachin, il faut bien des points positifs au confinement), nous conseillons l’écoute du troisième album de Lucifer, justement et fort logiquement dénommé III. Ici, malgré le patronyme du groupe fondé en 2014, point de violence, pas une goutte de sang et encore moins d’appel à retourner les cimetières. En effet, malgré des chansons prénommées “Ghosts”, “Midnight phantom”, “Leather demon” ou “Cemetery eyes”, on a plus droit à un tour de manège façon manoir hanté chez Disney qu’à un incendie d’église du côté de la Norvège. Et ce n’est aucunement une critique, bien au contraire : c’est mélodique, fort bien achalandé côté guitares et la voix de la délicieuse Johanna Sardonis surmonte le tout avec grâce et délicatesse.
Si vous aimez le doom pur et dur, il est évident que l’écoute de Lucifer vous laissera dubitatif (ce qui ne signifie pas « mon chibre à des poils », soyons clairs) mais pour ceux qui aiment le bon rock à l’ancienne avec juste assez de clair-obscur, cet album saura contenter vos cages à miel. Et puis, si vous voulez pousser le vice, la maison vous recommande de vous pencher sur l’album “Destroys minds & reaps souls” de Coven pour vous rendre compte que, déjà en 1969, une sublime demoiselle du nom de Jinx Dawson donnait dans la magie noire et les rites vaudous. 50 ans plus tard, Lucifer en est le digne héritier…
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