On commence à s’y perdre un peu avec les innombrables ramifications et emberlificotages de toutes sortes entre les musiciens du desert rock “de la source” ces dernières années, ces légendes (pour la plupart) en droite provenance du haut-désert californien. Qu’il s’agisse de simples projets ou bien de groupes « en dur », on voit défiler les participations des mêmes musiciens à travers différentes incarnations, qu’il s’agisse de la carrière solo de Brant Bjork (ou même de Nick Oliveri dans une moindre mesure), du groupe Stöner, des différents projets emmenés par Gary Arce, Fatso Jetson, des hybridations qui invitent d’autres musiciens (Yawning Balch, Big Scenic Nowhere…), etc… Avec à chaque fois, derrière les « têtes de pont », des sections rythmiques qui passent de l’un à l’autre, agiles et efficaces. Ces projets trouvent presque toujours un label conciliant et peu farouche pour sortir leurs productions qui sont, on le sait, qualitativement… « disparates », dira-t-on poliment.
C’est cette fois le tour de Mario Lalli, parrain de la « scène » bien plus que d’autres, musicien génial et inspiré, peu carriériste, d’assumer son propre projet, derrière son nom. De manière assez surprenante, en plus de quelques lignes vocales au début, c’est à la basse et non à la guitare que le gaillard choisit sa place dans ce projet. Depuis plusieurs années, de nombreux musiciens amis viennent épauler Lalli derrière ce projet essentiellement live, et le line-up ici présent voit le copain Brant Bjork s’emparer de la 6-cordes, le batteur attitré de ce dernier, Ryan Güt, aux baguettes, et le vieux partenaire Sean Wheeler au micro. Cette formation a déjà opéré sur scène (notamment en « pièce rapportée » de certains des projets sus-mentionnés) sous des formes musicales plus ou moins structurées. Fidèle à cette approche peu orthodoxe et peu rigide, la formation de copains a profité d’une tournée australienne de Stöner (où l’ensemble des membres de ce chatoyant aréopage officiait en tant que zicos, tech, ou autre partenaire de voyage) pour assurer un set dans une réputée salle de la banlieue de Brisbane. Jamais avare d’un disque live produit à peu de frais (ça devient malheureusement leur marque de fabrique), Heavy Psych Records a tout simplement récupéré les bandes d’un enregistrement produit par la salle afin de générer cette sortie vinylique (note : la vidéo du set est dispo sur youtube gratos, autrement plus intéressante que sa version disque…).
Sous sa forme ici présentée, le concert n’est rien moins qu’une grande impro de 40 minutes, une jam live parfois décousue, découpée plus ou moins artificiellement en 4 plages (de manière parfois presque absurde : voir le « cut » entre les deux premières plages, où il est bien difficile de distinguer un morceau qui se termine et un autre qui commence).
Musicalement, on est sur quelque chose qui va du jam rock groovy aux plans plus planants, qui se positionnera (de manière absolument pas surprenante) entre le boogie-jam groovy à la Brant Bjork, l’énergie de Fatso Jetson, et les plans aériens de Yawning Man (le son de guitare irritant en moins). Ça ne riffe pas vraiment, la grosse structure rythmico groovy est tressée par Lalli (bien supporté par un Güt très efficace, toujours sobre dans son jeu, ne saturant jamais l’espace sonore comme trop de batteurs dans ce type d’exercices), avec quelques incursions funky-soul-bluesy de Bjork à la guitare. Mais on est quand même largement sur un jam rythmique. Le chant de Sean Wheeler est en réalité plus proche du spoken word déclamé, probablement pour partie improvisé, en mode slam. En tous les cas, même s’il sait s’effacer assez souvent au profit des instrus, ce chant vient apporter un vernis bien spécial au projet.
Comme on vous laisse l’imaginer, la nature musicale du dispositif n’est pas très propice à faire émerger un titre ou un autre : en tant qu’objet musical global, Folklore From The Other Desert Cities est ambiances, lignes mélodiques, leads de guitare, séquences rythmiques,… empilés les uns aux autres avec plus ou moins de bonheur. On ne reviendra donc pas particulièrement vers une séquence ou une autre pour reprendre tel riff ou fredonner tel refrain (quoi que le gimmick de paroles autour du morceau-titre, structuré autour du standard folk US « Where Did you Sleep Last Night », aussi popularisé par Nirvana, retient inévitablement l’attention). Mais l’ensemble se porte très bien, et on ne s’y ennuie pas (ce qui n’est pas toujours le cas avec tous ces projets sus-mentionnés). La fraîcheur de ce line-up, qui détonne un peu avec les set-up les plus traditionnels dans ce genre musical, apporte quelque chose de différent. Avec en outre un talent musical et mélodique remarquable, l’ensemble s’écoute et se réécoute sans effort et avec même – soyons fous – un certain plaisir !
Alors certes, on ne dépasse jamais fondamentalement les limites de « l’agréable » et on ne s’aventure jamais en territoire « jouissif » non plus, mais ce premier disque a le mérite (non négligeable pour le format) de proposer un contenu autoporteur sans trop de points faibles, charmeur (d’où le nom du projet ?), pas ennuyeux. Un bon moment, intéressant, même si fondamentalement un peu anecdotique, car ne laissant pas de trace marquante.
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