Le monde-comète porté par la raie manta, totem graphique et symbole de cette musique qui flotte ou qui vole, on ne sait plus trop, ce monde-comète dis-je, ne cesse de croître. Là où Mars Red Sky aurait pu s’empêtrer dans de trop pompeuses idées, là où le groupe aurait pu étouffer dans sa propre ambition, réside une suite logique de Stranded in Arcadia, le précédent effort.
Stranded marquait une évolution évidente du trio, Apex III semble être la deuxième partie d’un triptyque voulant asseoir le combo bordelais comme référence absolue d’un psychédélisme lourd et intelligent.
Pas anodin donc d’y déceler quelques croches et incipit aux accents 60s, borsalino piqué d’acide et lointain cousin des amours folk de Julien Pras. Le EP Shot in Providence amenait d’ailleurs l’auditoire vers cette facette, des influences floydiennes assumées sur le magnifique « Saphir Vessel » à une écriture esthétique de plus en plus cinématographique. Pas étonnant donc que l’album ouvre sur « Alien Ground » au développement classieux à mi-chemin entre Le Sacre du Tympan de Fred Palem pour l’aspect pellicule et Oiseaux-Tempête pour la montée angoissée des arrangements. Rien de stoner là-dedans mais un parti pris retrouvé tout au long d’Apex III qui donne aux riffs gras des compositions un impact plus important qu’à l’habitude chez les bordelais.
L’influence de Gabriel Zander sur l’ensemble de la galette se fait ô combien ressentir. On savait que l’inattendue expérience précédente avait enchanté les différentes parties, il devient évident que cet homme est LE producteur parfait pour Mars Red Sky. Des voix magnifiquement mixées (ce qui rend justice à la science mélodique du frontman, je vous renvoie à son opus solo Shady Hollow Circus, un p’tit bijou folk), une façon de faire résonner la basse et la batterie façon « biffle de velours » et une science de l’équilibre en font un véritable fil de feriste du son. Il est rare d’entendre un album aussi bien produit. Paradoxalement cette maîtrise adoucit un peu les entournures et l’on ne serait pas contre un peu de grésillements.
Mars Red Sky poursuit sa quête d’esthétisme total et rare sont les groupes qui poussent la réflexion à ce point. Apex III est peut-être moins lié dans sa track list que Stranded. Là où son prédécesseur présentait une évolution cohérente et une notion de circularité, le petit nouveau pêche peut-être à ce niveau. On tatillonne un peu dans la soupe mais la position de « Friendly Fire » et son aspect plus pop dévie un peu l’attention. Il reste néanmoins un excellent titre, peut-être même celui qui fera découvrir le trio à d’autres publics.
La question n’est pas de savoir si Mars Red Sky est un grand groupe. Il l’est. Point. Et mérite une reconnaissance plus grande encore. Apex III est un bel album, il sera assurément l’un des meilleurs de 2016. Il assoit un peu plus l’identité du groupe et de sa vision. Le monde-comète grandit, prend de l’ampleur, gagne en beauté. Il nécessite plus de cohérence pour devenir total et se muer en classique. Mars Red Sky termine ce nouveau chapitre par « Shot in Providence », histoire de montrer que rien n’est dû au hasard ? Goûtons ce nouvel opus jusqu’au prochain arrêt manta alors.
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