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Monkey3 – Welcome To The Machine

En 2019, les Helvètes ont commis Sphere que nous avions – en commun et démocratiquement – élu album de l’année vu les qualités intrinsèques de cette production prodigieuse. Même si, en majorité, nous sommes plutôt bon public lorsqu’il s’agit de partager notre avis au sujet du quatuor de Lausanne – que nous chroniquons depuis leurs débuts vu qu’ils partagent avec nous une certaine longévité dans notre microcosme – c’est avec un peu d’appréhension que je me suis lancé à la découverte de cette nouvelle sortie qui débarque 5 années après la précédente réussite.

Mon appréhension trouvait ses fondements dans deux éléments bien précis : le premier était la lecture du fameux press-kit qui comptait les influences cinématographiques marquées sur cette production, toutes au rayon science-fiction (lequel ne m’attire franchement pas du tout) et le second tenait de la perception du bonhomme qui s’interroge lui-même (en tant que fan) sur la capacité de ses compatriotes à rééditer l’exploit commis avec la précédente livraison interstellaire (on n’est pas calviniste pour rien par ici). Pour spoiler le lecteur d’entrée, je peux lui dire qu’il s’agit d’un authentique produit de Monkey3, qui contient tous les marqueurs de la cuisine du groupe et que c’est pas un megamix des bandes-sons des films de Kubrick et compagnie : c’est de la bombe les enfants !

Tout d’abord, les artisans de cette réussite sont les mêmes que ceux qui ont œuvré sur son prédécesseur sauf pour ce qui est du bassiste, Jalil, qui rôde déjà sur scène depuis 2022. On reprend donc Walter à la batterie, Boris à la guitare, dB aux bidouillages électro et Raphaël Bovey derrière les manettes, on confie le mastering à Lad Agabekov et la pochette à Sebastian Jerke en demeurant, esthétiquement parlant, dans la lignée de Sphere, et, au final, on obtient une production dans la droite lignée de Sphere.
Ensuite, pour ce deuxième album concept de la discographie du groupe, le processus d’Astra Symmetry (qui n’est pas mon album préféré de nos potes) a été inversé en ne partant pas du concept pour composer, mais en composant pour converger vers le concept, ce qui fait une sacrée différence.

Alors, je vois s’élever des voix sceptiques au fond de la salle qui qualifient le quatuor de flemmards en sortant un album de « seulement » 5 titres, qui se déploient « seulement » sur 45 minutes, à qui je réponds bien volontiers que l’écoute de cet album dans l’ordre, même si elle est brève, est une expérience monumentale, à laquelle ne rend pas vraiment hommage la livraison en amont des deux singles « Rackman » et « Collision », isolés de l’ouvrage comme si on abordait un bouquin en lisant les chapitres de manière aléatoire. Je dis aussi à ces pisse-vinaigres que rarement la quantité fait la qualité d’une œuvre (allez voir la taille des tableaux de Vermeer).

Comme c’est un concept album et qu’il s’agit d’un tout, en voiture Simone, c’est moi qui conduit c’est toi qui klaxonne ! L’auditeur débute son voyage (qui dure le temps d’un épisode d’une série en vogue sur les plateformes de streaming) par « Ignition » avec des bidouillages à base de voix insérées dans des nappes de synthé posées sur une rythmique électro et, à peine installé dans le siège de son vaisseau spatial, il se prend, en pleine poire, une accélération jouissive de rock pur sucre. Ce morceau rapide superpose les riffs et les nappes traditionnelles du quarté gagnant en variant sur un thème central qui voit tour à tour la machine prendre l’ascendant sur les hommes, puis le contraire, puis, comme pour un happy end, l’homme et la machine avancer conjointement. C’est un truc de guedin que cette entrée en matière avec des déluges de guitares aériennes qui me laissent bouche bée (avec un filet de bave qui pend) avant un retour frontal de l’armada du rock qui ponctue le titre vigoureusement pour laisser place à « Collision » après 10 minutes. Déjà défloré sur la toile, ce single de 6 minutes aux textures jungle débute avec les basses en première ligne. Il illustre parfaitement le titre de cette production jusqu’à sa moitié et son titre propre aussi en se déployant en deux parties distinctes qui se collisionnent au milieu du chemin.

A mi-parcours du disque, c’est « Kali Yuga » que les petits veinards ayant assisté aux prestations récentes du groupe ont déjà dégusté live. Titre d’une dizaine de minutes, aérien dans son ensemble, mais pachydermique dans son exécution, ce morceau pourrait s’apparenter à un condensé de l’album à lui tout seul car il recèle tous les ingrédients dispensés durant l’écoute, avec un petit plus généré par le rendu très floydien et l’incursion de la guitare acoustique en tomber de rideau.

L’avant-dernier, déjà ? Ben ouais fallait suivre aussi, c’est « Rackman », le deuxième single, qui transpose le concept dans un territoire sombre, voire lugubre, sur une rythmique lente. La marche funèbre est en route jusqu’à un shift biomécanique induit par les machines qui accélèrent le tempo afin que les parties de guitares distordues viennent se déployer en première ligne avant un final rassemblant tous les protagonistes. Finalement, c’est « Collapse » qui vient conclure cette sortie en dépassant les 12 minutes au compteur (on est encore loin des plus de 14 minutes d’« Icarus »). D’abord tout en douceur, la clôture de rideau monte en intensité en cohérence avec ses prédécesseurs ainsi que, pour tout dire, avec la discographie complète de la formation. S’inscrivant dans la plus pure tradition des morceaux longs de Monkey3, cette dernière pièce a tout le potentiel de constituer un futur morceau de clôture de set hyper-bandant ! Il s’agit en tous cas d’une fin magistrale apportée à une production très homogène, qui ne s’adresse pas particulièrement aux zappeurs.

2024, l’odyssée du space-rock a un nom et c’est Welcome To The Machine, un disque homogène qui se savoure dans son intégralité et dans l’ordre. Plus qu’un énième album de la galaxie stoner, ce monolithe constitue une expérience musicale bipolaire entre les machines des musiques actuelles et un quatuor de rock aguerri ; c’est en tous cas une réussite de plus à mettre à l’actif d’une formation musicalement et humainement au top, qui est là pour durer ! Merci les gars !

 

Point Vinyle :

Le précieux sera décliné à sa sortie en trois versions différentes en plus de sa version digitale moderne ou cd passéiste. Tout d’abords le bon vieux vinyle noir, dans son gatefold, qui est sensé ravir les puristes du son. Une rondelle orangée synchro avec le parallélépipède rectangle de l’artwork, aussi dans un écrin gatefold, limitée à 300 unités qui ravira les puristes de l’astre solaire. Enfin une version Die Hard tirée à 200 exemplaires en vinyle transparent cristal avec slipmat et artwork au format 30 par 30 ce qui est assez pratique pour y loger un 30 centimètres sensé ravir les collectionneurs qui auront de toutes manières commandé la trilogie !

 


 

 

Note de Desert-Rock
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