Après l’EP The Hound sorti en 2016 et un album éponyme autoproduit en 2017, Monte Luna signe cette année chez Argonauta Record pour un album que je ne saurai recommander davantage. Dépouillé de toutes fioritures, il se cristallise autour d’un duo symbiotique de Texans déterminés à nous ouvrir à nouveau les portes de leur sombre dimension du dessous.
À eux deux, James Clarke et Philip Hook nous délivrent un lourd et lancinant doom mixé d’une main de maître par Chris Fielding (bassiste de Conan) au sein des studios Skyhammer. Déjà sur le CV ça commence à peser, on sent qu’il va falloir demander à mamie de sortir dans le jardin avant de brancher ces six pistes sur les enceintes du salon.
Et ça ne manque pas. Si « The Water Hag » s’introduit par le relaxant bruit des vagues glissant sur le sable, le riff de guitare qui suit sonne comme le glas de ce havre de paix. Croissant de manière crescendo, il nous envoûte, nous donne peu à peu le vertige jusqu’à ce que le sol se dérobe sous nos pieds. Suit alors une chute vertigineuse jusqu’à percuter la surface de l’eau, qui à cette vitesse s’avère aussi dure qu’un mur de briques.
L’ambiance morbide de Monte Luna, pleine de noirceur, est rendue possible par la lourdeur d’une guitare basse et grasse à souhait. Cette lourdeur est contrebalancée par le chant de James tantôt clair et élevé au-dessus du tumulte tel un phare dans une nuit de tempête, tantôt saturé et plein d’une puissance dévastatrice : « Man of Glass ». Mais que serait ce combo sans l’énergie de Philip Hook, qui derrière ses fûts porte chaque riff avec une force et une justesse admirable. Il s’autorise même un interlude tribal sur « Wild Hunt » en vue d’invoquer la Traque Sauvage de l’univers de The Witcher.
Parlons des références à cette œuvre d’Andrzej Sapkowski justement : « The Butcher Of Blaviken » n’étant autre qu’un des titres du personnage principal Géralt de Riv, « Wild Hunt » le nom anglais de la Traque Sauvage qui le poursuit, ou encore « Long Fangs » évoquant sans doute les crocs d’une des créatures que le sorceleur se doit de chasser. L’album en est infesté jusqu’à son titre, les Drowners (noyeurs) montres humanoïdes qui jaillissent des eaux pour ravir les imprudents trop fous pour se tenir à l’écart des rivages traîtres. Un univers inspiré donc, pour les gars d’Austin amateurs de DnD, Lovecraft et des Melvins.
Petit bémol néanmoins sur la durée des pistes. Là où le duo nous avait habitués à d’interminables morceaux s’étirant parfois jusqu’à 17 minutes, on atteint à grand-peine les huit sur cet opus. Un peu plus de 34 minutes en cumuler pour Drowners Wives face à presque 72 sur le précédent ; du simple au double ! Contrainte du label ou volonté du groupe de revoir sa stratégie ? C’est bien l’immersion dans la musique qui souffrira de ce revirement, car comme « Nightmare Frontier » l’avait prouvé par le passé, il faut davantage que deux ou trois minutes pour apprécier pleinement l’univers torturé d’un morceau.
L’album n’en sera par chance pas moins bon, comme en atteste « Scenes From A Mariage ». Il laissera simplement un léger sentiment de frustration pour les plus gourmands. Si ce n’est pas déjà le cas, foncez tendre l’oreille à cette galette (dont l’artwork de Zuhal Muhammad utilisé pour le single « The Water Hag » donne, selon moi, beaucoup plus de crédit à l’œuvre que celui de Becky Cloonan). Et pour ce qui est de découvrir la performance scénique du duo, rendez-vous le 29 octobre à Volmeranges-Les-Mines en Moselle, pour l’unique date en France de leur tournée.
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