Quel fascinant et étonnant objet musical que Mos Generator… Le groupe, emmené par son emblématique leader Tony Reed, a jusqu’ici produit une discographie aussi foisonnante qu’hors norme et… illisible : presque autant de labels que d’albums, des live, des démos, des captations studio, des reprises… Sa page Bandcamp, qui n’est même pas exhaustive, ressemble plus à un jeu de l’oie en ligne qu’à une discographie. Il faut dire que Reed est un musicien aussi productif que talentueux : le bonhomme n’est pas seulement un guitariste doué et inspiré, il est aussi un multi-instrumentiste redoutable (qui enregistre souvent ses disques seul en jouant tous les instruments), un producteur reconnu, un musicien de tournée (cf les dépannages en tant que bassiste vis-à-vis de ses potes australiens de Seedy Jeezus), etc…
Le trio américain, qu’on n’avait pas entendu sur disques depuis un peu plus d’un an, retrouve le chemin de nos platines à travers ce disque atypique : Spontaneous Combustions n’est pas un album en tant que tel, il est le fruit d’une session d’enregistrement jam. Le groupe a mis à profit la disponibilité d’un local pour quelques heures, a usé d’un matériel d’enregistrement rudimentaire, et s’est mis pour défi d’enregistrer quatre titres dans la journée… sans rien avoir composé (précisons en toute rigueur que l’un des quatre titres émane de trames musicales écrites quelques mois auparavant). Avant de crier au génie, rappelons que le groupe est coutumier de ces exercices (en tout cas pour produire ses démos) et que leur capacité d’improvisation est largement au-dessus de la moyenne de leurs contemporains (on se rappellera par exemple que lors de son passage au Hellfest 2014 le groupe est monté sur scène sans la moindre idée de quelles chansons ils allaient jouer). Quoi qu’il en soit, ça ne diminue pas l’ampleur de la performance. Maintenant, reste à vérifier qu’au-delà de l’exercice de style, Spontaneous Combustions est un disque intéressant en soi…
Quatre compos qui vont chacune taquiner les 10 minutes, c’est deux faces de vinyl correctement remplies. On retrouve sur ces quatre séquences la richesse musicale qui caractérise la carrière de Mos Generator, avec en particulier comme dénominateur commun, plus que d’habitude (et l’exercice s’y prête particulièrement), un penchant blues très affirmé. Qualitativement, logiquement, tout n’est pas du même niveau, mais l’exercice veut ça : les respirations, les accélérations, les breaks, les riffs… dans une jam, ça sort comme ça sort, et ça n’est pas toujours du génie pur du premier coup – sauf que là, pas possible de revoir le truc, il y a une seule prise, et pas d’overdubs. Mais les bons moments sont légion : le suave « Things to Unremember » et son riff sabbathien, le jam blues de « Age Zero » et ses plans à la Gary Moore, le très bon « Bonehenge (parts 1&2) » plein d’inventivité (bien heavy, lardé de fulgurances prog rock ici ou là)… On sera plus réservé sur certains points, comme les prises vocales/chœurs de « Who Goes There ? » (pas un détail, car c’est la base du morceau), quelques longueurs sur la première moitié de « Age Zero »… Encore une fois, pas de quoi jeter le bébé avec l’eau du bain, loin s’en faut.
Spontaneous Combustions n’est donc ni un album de Mos Generator au sens traditionnel du terme (aux compos structurées et affinées, au son polissé) mais n’est pas non plus ce que l’on pouvait craindre, à savoir « un album de musiciens » où l’onanisme luthier est roi. Il s’agit d’un disque atypique, imparfait par nature, chaleureux et intéressant, où le feeling de Reed et de sa petite troupe transpirent de bout en bout. Il est plus à rapprocher des productions de groupes comme Tia Carrera que de la discographie traditionnelle de Mos Generator.
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