Difficile de ne pas tracer un parallèle avec la discographie, la boulimie de genres et de publications foisonnantes de Motopsycho et le mythe de la tour de Babel. Par leur précédente livraison déjà « The Tower » (bien vu l’aveugle) et par leur propension à utiliser tellement de langages qu’ils en brouillent parfois le fil directeur de leur propos. Difficile en effet d’entendre le même groupe il y a vingt ans de celui d’aujourd’hui quand bien même il s’agit là d’une intelligente et raffinée mue(sicale).
Pourtant rien de trouble dans la nouvelle galette des norvégiens. « The Crucible » se pose en suite somme toute logique de la précédente livraison. Un séquel qui partage les mêmes ingrédients et mécanismes de compositions et qui assoit un peu plus la présence du batteur Tomas Järmyr (arrivé sur « The Tower »). Une suite plus sombre tout de même où les idées se font malmenées, où le groupe mène ses réflexions à plus de cassures bruitistes.
Le groupe y développe à nouveau son amour des entrelacs de guitares, des envolées de cordes, son obsession pour la polyrythmie et ses canevas complexes et tortueux. Il creuse de plus en plus ses amours et obsessions de la scène prog de la fin des années 60 début 70. Comment en effet, ne pas penser au roi Crimson dans « Lux Aeterna », à sa science de l’équilibre et à son amour du brinquebalant baroque ?
Motorpsycho cimente toujours plus son savoir-faire empirique, n’hésitant pas à piocher çà et là chez ses grands darons, Black Sabbath en tête de gondole. Difficile de ne pas écouter « Psychotzar » sans entendre ces guitares venues de la perfide Albion. C’est d’ailleurs sur sa capacité à doser ces différentes références que Motorpsycho sort du lot. Le trio pourrait tout à fait s’y perdre et nous offrir une succession de plans plus ou moins connus des initiés, or chaque titre sonne comme tout à fait personnel.
Là est la force du combo. Il est devenu, par son hyperactivité et sa force créatrice, une référence à part entière, un groupe détaillant un peu plus à chaque sortie l’orfèvrerie de ses compositions. On retrouve d’ailleurs dans cette manière de faire et d’avancer les envies de Elder, rien d’étonnant à les voir évoluer sous la même bannière, Stickman Records. Ce genre de label privilégiant la création à la copie, la naissance au clonage. On pourrait d’ailleurs citer Pelagic Records dans un genre plus aérien. On digresse me direz-vous mais il s’agit là de bien vous faire comprendre du caractère tout à fait singulier de Motorpsycho.
Car, oui, il serait dommage que vous passiez à côté, que vous ne creusiez pas plus que la première écoute. Le groupe n’est pas « bankable », pas « in », il est nul en communication, frileux dans ses tournées, rarement cité par les lecteurs et fans de stoner (dans sa large acception j’entends). Il est pourtant majeur et incontournable pour qui recherche l’évasion et l’intelligence dans la musique.
« The Crucible » n’est pas le meilleur album de Motorpsycho. Non. Il est la juste continuité d’une œuvre totale, une pierre de plus à l’édifice riche, multiple et singulier que le groupe construit patiemment depuis plus de vingt maintenant. Un porte d’entrée pour les non-initiés peut-être, un étage supplémentaire pour les amateurs assurément.
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