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My Sleeping Karma – Atma

C’est peu dire que My Sleeping Karma revient de loin. Moksha, son album précédent, date de plus de sept ans, et les fans du quatuor allemand n’ont eu qu’un album live à se mettre sous la dent pendant toutes ces années. Mais sept ans, pour quatre êtres humains, c’est long, et pour ces quatre là en particulier, ce fut éprouvant, à plus d’un titre. Les musiciens et amis ont été touchés à différents degrés par tout ce qui pouvait arriver de pire : décès, séparation, maladie grave… Forcément, la vraie vie prend le dessus et la musique passe au second plan, et Atma, dont les premières notes ont été écrites en 2017, ne voit le jour qu’aujourd’hui. Dans l’intervalle, l’écriture du groupe s’est imprégnée de ces expériences, pour un résultat… déstabilisant.

Il faut rappeler que musicalement, on avait laissé MSK avec son Moksha sur une ambiance plutôt altière, débridée, mélant les atmosphères pour un résultat haut en émotions et en expériences sensorielles ; au sommet de son art pensions-nous. La surprise intervenant après les premières écoutes de Atma n’en est que plus grande : même s’il ne fait pas l’ombre d’un doute une seule seconde qu’il s’agit de pur My Sleeping Karma, la densité du disque est d’une toute autre nature. Six chansons seulement, pas d’interlude ou de titres “remplissage”, on est dans le dur pendant près de 50 minutes. Musicalement, on le dit à nouveau, les bases de MSK sont toutes au rendez-vous, à un niveau de maturité tout simplement inédit. Le jeu de guitare de Seppi n’a jamais été aussi riche et inspiré, le jeu de basse de Matte n’a jamais été aussi présent, mélodiquement et en rythmique, la frappe de Steffen n’a jamais été aussi précise et puissante, et les arrangements de claviers de Norman n’ont jamais été aussi efficaces. Ce bilan-là s’impose dès la première poignée d’écoutes.

Mais il importe peu. Ce qui émerge plus fondamentalement d’Atma n’est en réalité pas une question d’interprétation mais d’écriture, et subséquemment d’ambiance développée. Autour du concept bouddhiste de l’Atma (un concept central décrivant le soi en tant qu’entité indépendante du corps et de l’esprit, crucial dans le cadre de nombreux principes fondateurs du bouddhisme), le quatuor déroule en six actes un parcours de vie, abordant les liens sentimentaux, la libération, le chaos, questionnant le poids de la divinité, et aboutissant, avec “Ananda”, au bonheur (que l’on imagine – ou espère – retrouvé). Pour porter ces concepts, MSK développe des chansons denses, très structurées mais jamais trop prévisibles, à l’image de “Prema” (choisi pour être proposé depuis quelques mois en primeur de l’album) qui développe plusieurs variantes de son riff principal sur la première section du disque, pour se transmuter en son milieu en une phase plus dynamique, légère et enlevée. “Mukti” prend la suite avec une intention différente : commençant par un segment plus léger, il s’alourdit sur la fin pour proposer un final tout en saturation et en puissance. Chaque titre vous prend ainsi par la main, vous emmène quelque part pour, en route, vous faire trébucher ou vous jeter sur un chemin de traverse, menant soit à un champ ensoleillé, soit à un cul de sac lugubre (ce qui était plutôt rare sur les disques précédents de MSK, proposant une approche plus optimiste fondamentalement). Bref, le truc vous prend par les tripes et ne vous relâche pas pendant la durée du disque, qui ne contient aucun morceau plus faible qu’un autre.

Atma est un disque d’une vraie beauté, profond et émouvant. Il est solide, à l’image de ses musiciens, forcés à la résilience, qui se sont reconstruits et retrouvés à travers la conception de cet album. Les fans de My Sleeping Karma y retrouveront évidemment le groupe qu’ils adorent, développant des mélodies remarquables et des compositions audacieuses et efficaces. Mais Atma a le potentiel pour captiver plus largement, pour toucher plus de monde et plus profondément. C’est en celà entre autres un disque remarquable, peut-être aussi parce que sa profondeur et sa noirceur assumée en font le partenaire parfait de cette époque sinistre, proposant néanmoins des lueurs de beauté porteuses d’un léger espoir.

 


Note de Desert-Rock
   (8.5/10)

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