Un peu plus de deux ans après un troisième album (le bien nommé « Tri ») qui nous avait pas mal chamboulé, le quartette instrumental allemand, via sa nouvelle maison Napalm Records, nous balance un nouveau disque, et affirmons-le tout de go : il est tout simplement excellent. Pas de changement radical dans le concept du groupe : toujours constitué d’un trio guitare / basse / batterie, My Sleeping Karma accueille aussi un claviériste, Norman. Toutefois, ne vous attendez pas à des passages de clavier Hammond bluesy ou groovy, ni encore à des mélopées sirupeuses à la Vangelis… En réalité, l’usage du clavier chez MSK relève de la volonté absolue de tisser des ambiances, de cumuler des strates musicales cohérentes, de proposer des arrangements subtils, discrets, et parfaitement assimilés. Musicalement, les 3 autres instrumentistes, en revanche, se tirent la bourre dans une osmose qui fait plaisir à entendre : même si Seppi à la guitare est à première vue le principal artisan de l’édifice, son pote à 4 cordes Matte lui tresse des lignes de basse rondes, ronflantes, qui viennent enrober ses riffs, et leur dressent un tapis rouge en direction de vos plus insondables connexions neuronales. Team work at its best ! Ne diminuons pas le rôle du batteur : même si, dans les faits, MSK n’est pas un power trio à la Karma To Burn, le rôle de la batterie dans sa musique est de premier ordre. Steffen est en tout point impeccable, que ce soit par ses percussions discrètes sur les passages les plus ambiancés, par son jeu de cymbales enlevé sur les passages aériens, par ses coups de caisse claire secs et nets pour les breaks et couplets, ou par sa frappe de mulet pour appuyer des refrains sur-heavy. Au risque de me répéter, l’osmose entre ces bonhommes est tout simplement la pierre angulaire de leur musique, une composante de base.
Ce postulat justifié, vient le temps de se pencher sur musique de ce « SOMA ». Le premier avis après une à deux écoutes est presque ambivalent : d’un côté, on reconnaît dès les premières notes le genre musical du groupe, d’un autre côté, on ne détecte pas d’évolution fulgurante. Ce n’est qu’au fil de plusieurs écoutes plus attentives que la maturité et la maîtrise (instrumentale et stylistique) du quatuor germanique deviennent prégnantes, puis éclatantes. On sent leur musique et leur genre musical complètement maîtrisé et assumé, tramé toujours à partir des mêmes composantes, peu ou prou : des titres assez longs (entre 6 et 8 minutes, en gros), chacun construit autour d’un riff (ou groupe de riffs) super mélodique et atrocement catchy, un riff qui à chaque fois est introduit progressivement, monté en tension au fil du morceau, pour ensuite tourner un peu dans tous les sens, dans des variations imprévisibles mais profondément cohérentes. Les morceaux sont inventifs, bien construits, empruntant pour cela au rock progressif sans jamais devenir démonstratif (on pense plus aux premiers Dredg qu’à King Crimson, si vous voulez…). Ces compos épiques sont assemblées en un parcours de presque une heure en tout, tous associés à des interludes subtils qui finissent de construire et lier l’ensemble. Dans ce cadre, difficile d’identifier des titres plus marquants que d’autres, tant le tout est indissociable. Pour l’exercice, on notera quand même la beauté de la rythmique de basse de « Ephedra » et le lick de guitare infectieux qui l’accompagne tout du long, la lourdeur du refrain de « Saumya » avec sa basse ronflante, ou encore le très space rock « Psilocybe » et son jeu de batterie remarquable.
My Sleeping Karma propose avec ce « Soma » un disque aux vertus multiples. Déjà, c’est un disque que vous pourrez, selon votre volonté ou votre état d’esprit, laisser traîner en boucle pendant des heures en menant d’autres activités, ou bien écouter avec attention de nombreuses fois, tant il recèle de détails, d’arrangements élaborés, et de chemins sinueux. Ensuite, c’est un disque que vous pourrez faire écouter à des gens qui ne sont pas forcément fans de stoner (soyons honnêtes, c’est moins évident avec des combos comme High On Fire, Weedeater ou Valient Thorr…), tant il peut afficher une relative « universalité » musicale, et ce (c’est notable) sans jamais perdre une once de puissance. Mais plus généralement, c’est avant tout un sacré bon album, comme on aimerait en entendre plus souvent.
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